Pour la cinquantième semaine sidérale :
« Voilà
ce qui fit de l'image de Rome au XVIe siècle une arme pour la
Contre-Réforme grâce à laquelle les papes maintenaient leur
emprise sur la ville dans ses deux dimensions : l'euphorie
de l'horizontal et les enjeux du vertical.
« La
première dimension est celle des fêtes, des processions et des
cortèges qui, à l'occasion des grandes canonisations notamment,
produisent une discipline de l'espace.
« Les
papes entreprennent toutefois un double déchiffrage simultané de
Rome : par la surface, donc, mais aussi par les profondeurs. Au
XVIe siècle, c'est l’Église qui entreprend d'investir et de
fouiller l'infra-Rome.
« Elle
ouvre la grande bataille des origines, inventant – [ ... ] – les
catacombes pour y faire l'inventaire des persécutions. Une épaisse
couche de martyrs – [ 10.202 aux thermes de Dioclétien ] – fonde
le socle géologique d'une histoire sédimenté.
« Les
églises se construisent sur et dans les temples. Ainsi la
Contre-Réforme met-elle en scène ce dispositif visuelle par lequel
se manifeste la chirurgie spatiale de Sixte Quint :
« Rome
doit cesser d'être cet amas étouffé dans la boucle du
tigre pour déferler sur les
espaces vides et s'étaler à l'air libre. Mais elle doit aussi
partir à la conquête des airs, dominés par ces poteaux cosmiques
que sont les colonnes de Trajan ou de Marc Aurèle.
« Il
s'agit d'unifier verticalement l'espace sacré en redressant des
obélisques aux endroits clefs de la ville. Comme l'écrit Gérard
Labrot [ en 1987 ] Sixte Quint construit littéralement le
ciel de Rome.
« Ce
discours ascensionnel s'exprime aussi dans les églises, des
catacombes aux coupoles : une apothéose. »
Cf.
Patrick Boucheron (2019) – La
Trace et l'Aura. Vies
posthumes d'Ambroise de Milan –
Anamnèses ambrosiennes – Ministère de la gloire.
Le dernier des nouveaux
Ambroise – Un
nom historié, Charles Borromée
« Sans
doute était-il désormais illusoire, à l'heure de la diffusion
imprimée des livres, de prétendre maîtriser le corpus des écrits
et des références ambrosiens.
« Au
même moment paraissaient les premiers volumes des œuvres complètes
d'Ambroise de Milan [ 1579 – 1587 ] [ six tomes en trois volumes ].
« Mais
ils étaient imprimés à Rome, et leur maître-d'œuvre était
Felice Peretti, cardinal de Monte Alto, qui à la fin de cette grande
entreprise érudite et éditoriale devint pape sous le nom de Sixte
Quint [ 1585 – 1590 ]
« [
Celui là-même qui ] entreprit de réaliser la grande scénographie urbaine dont
Gérard Labrot fut l'historien » – cf. L'image de Rome. Une arme pour la Contre-Réforme [ 1534 – 1677 ].
Cf.
Patrick Boucheron (2019) – op. cit. ibidem – Souviens-toi :
la ville est le théâtre baroque de la mémoire
« En 1580, le cardinal Felice Peretti demande à Charles Borromée qu'il lui envoie à Rome un portrait d'Ambroise afin que sa « vraie effigie » puisse orner le frontispice du premier tome de ses œuvres complètes, qui était alors sous presse.
« Il insiste pour qu'on lui trouve une représentation équestre. L'archevêque de Milan résiste : il n'existe pas de représentation « authentique » d'un Ambroise à cheval.
« Il lui en envoya une autre, que le futur Sixte Quint jugea « vraie » et « authentique », parce qu'il y reconnaissait les traits d'Ambroise, « de son vivant ».
« Mais à quoi ou à qui ressemble un portrait que l'on dit ressemblant alors qu'on n'a jamais vu le visage de celui qu'il représente ? » – cf. Hans Beling. Blason et portrait. Deux médiums du corps. Pour une anthropologie des images (2004).
« En 1580, le cardinal Felice Peretti demande à Charles Borromée qu'il lui envoie à Rome un portrait d'Ambroise afin que sa « vraie effigie » puisse orner le frontispice du premier tome de ses œuvres complètes, qui était alors sous presse.
« Il insiste pour qu'on lui trouve une représentation équestre. L'archevêque de Milan résiste : il n'existe pas de représentation « authentique » d'un Ambroise à cheval.
« Il lui en envoya une autre, que le futur Sixte Quint jugea « vraie » et « authentique », parce qu'il y reconnaissait les traits d'Ambroise, « de son vivant ».
« Mais à quoi ou à qui ressemble un portrait que l'on dit ressemblant alors qu'on n'a jamais vu le visage de celui qu'il représente ? » – cf. Hans Beling. Blason et portrait. Deux médiums du corps. Pour une anthropologie des images (2004).
[
« Au nom de quoi peut-on dire d'un portrait qu'il est
ressemblant, alors que l'on ne connaît pas le visage de celui qu'il
représente ? » ]
Cf. Patrick Boucheron (2019) – op. cit. ibidem – La cathédrale, l'empereur chassé du chœur et la barbe d'Ambroise [ Ce qui rend Ambroise vivant ]
« La
seule contribution milanaise à la publication des Opera
omnia du Père de l’Église universelle fut donc l'envoi
en 1580 de la « vrai effigie » d'Ambroise au cardinal
Peretti, insérée en frontispice de tous les volumes imprimés.
« En
la recevant, Felice Peretti écrivit à Charles Borromée pour lui
faire part de son enthousiasme : Il me semble qu'Ambroise ne
pouvait être autrement qu'ainsi, visage redoutable et vénérable,
effrayant pour les Rois et les Empereurs.
« Je
l'ai fait voir à de nombreux seigneurs, tous en furent très
édifiés, et pensent qu'il ne peut y avoir d'autre effigie que
celle-ci.
« Dans
cette lettre, le cardinal décrivait parfaitement l'image que Charles
Borromée se faisait d'Ambroise – une image qui était, là aussi,
une arme pour la Contre-Réforme. »
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