Pour
le vingt-huitième cycle du dixième mois de la décade
comprenant
la nuit et le jour :
L'idée
d'une substitution dans la Passion du Christ semble afférente à l'interprétation d'un verset coranique qui le laisse entendre sans
qu'une solution ne soit donné à une telle éventualité – cf. S 4
V 157 à partir de l'édition « Tawḥid » 2007 :
« [
les infidèles ] ont été [ ... ] victime d'une illusion, car même
ceux qui se sont livrés ensuite à des controverses à son sujet
sont encore réduit – faute de preuves – à de simples
conjonctures. »
Cette
éventualité mal fondée puisqu'elle porte en réalité sur la mort
du Christ ne serait que la version mitigée d'une réfutation plus
catégorique qui remettrait en cause sa crucifixion dans le même
verset :
« Nous
[ disent les infidèles ] nous avons tué le Messie – Jésus – [
le ] fils de Marie – [ le ] prophète de Dieu » alors qu'ils
ne l'ont point tué et qu'il ne l'on point crucifié [ ... ] »
La
crucifixion semble ici assujettie à l'issue fatale du supplice qu'on lui inflige et
c'est la mort du Christ sur la Croix qui la remet en cause dans le
verset suivant – cf. S 4 V 157 et 158 :
« En
réalité, [ les infidèles ] ne l'on pas tué
mais
c'est Dieu qui la élevé vers Lui car Dieu est Puissant et Sage. »
Ce
que cette élévation met en cause, c'est la mort et donc la
résurrection du Christ – qu'elle que soient les préfigurations
auxquelles se livrent les liturgies chrétiennes – renvoyée « sine
die » à sa parousie pour la fin des temps – cf. S 4 V 159 :
« Il
n'est pas [ un croyant ] parmi les gens [ du Livre ] qui ne croira en
lui avant sa mort et au Jour du Jugement, il se présentera pour
témoigner contre [ les infidèles. ] »
Nous
nous arrêtons là pour ne froisser personne – en particulier « les
Juifs » et les « usuriers » qui font l'objet d'une
réprobation dans les deux versets suivants – non sans marquer
trois réserves sur le sens commun :
Ce
sont les infidèles qui qualifient le Messie de prophète avant sa
parousie et le livre où les croyants croient en lui ne désigne que
le Noble Coran. Quand à la mort qui caractérise l'échéance du
Jugement, c'est encore celle du Christ après sa parousie.
Mais
la substitution qui ne trouve pas sa place dans notre interprétation du
Noble Coran la retrouve dans celle du récit néotestamentaire
autour de la figure énigmatique de « bar Abbas » – le
« fils du Père ».
Barabbas
que Jean nous présente comme un brigand apparaît dans le récit de
la comparution de Jésus devant Pilate – la deuxième pour Luc –
où les Juifs exige sa libération quand le procurateur leur propose
celle du roi des Juifs – cf. Jn XVIII 38-40.
Pour
Matthieu et pour toute la tradition synoptique des
trois premiers évangiles, c'est les prêtres et
les anciens – ceux du Sanhédrin – qui suggèrent à la foule
d'opposer la libération de Barabbas à celle du Christ en exigeant
sa crucifixion – cf. Mt XXVII 15-26.
C'est
ici – chez Matthieu – qu'un roseau apparaît dans la main droite
du roi des Juifs avec la chlamide écarlate – le manteau de pourpre
chez Jean – et la couronne d'épines pour le simulacre de son
intronisation qui se déroule dans le Prétoire – cf. Mt XXVII
27-31.
Ce
roseau que Jean ignore et qui lui sert de sceptre puisque la main droite du
roi à dextre est celle du droit est une canne dont les soldats du
gouverneur se saisissent ensuite pour le frapper à la tête – cf. Jn
XIX 1-3
Et
cette canne peut apparaître ici comme un symbole, celui de son
royaume où le roi des Juifs fut d'abord celui de Canaan que les
noces de Cana auraient allié à la reine du Carmel – Marie de
Magdala – tel Salomon à la Reine de Saba.
Pour
Marc et pour Luc, Barabbas est un meurtrier et un séditieux prit
dans une émeute et le roseau avec lequel les soldats frappent le roi
des Juifs à la tête que Luc ignore n’apparaît plus chez Marc
dans sa main droite – cf. Mc XV 6-20 et Lc XXIII 13-25.
Si
Luc comme Jean ignore ce détail qui prend tout son sens chez
Matthieu, il introduit Hérode dans un récit qui le réconcilie avec
Pilate où c'est lui qui le recouvre d'un habit splendide qui
deviendra le manteau de pourpre chez Jean – cf. Lc XXIII 8-12 et
15.
La
chlamide écarlate chez Matthieu comme le sceptre du roi des Juifs
qu'il lui met dans la main droite est l’insigne de sa dignité
royale dont les deux comparses le recouvre pour lui assujettir un
peuple qui leur résiste.
Jésus
leur apparaît comme un juste tel que la femme du procurateur romain
l'a vu dans un songe mais le Sanhédrin va les contraindre à le
condamner en se référant à l'autorité royale de l'empereur –
cf. Mt XXVII 19 et Jean XIX 12-16.
Le
Chemin de croix introduit alors à la cinquième station un autre
personnage qui n'apparaît pas chez Jean mais qui prend dans la
tradition synoptique la place du condamné comme « le fils du
Père » avait prit avec Barabbas celle de celui qu'on libère.
C'est
Simon de Cyrène qu'on réquisitionne dès la sortie du Prétoire
pour porter sa croix jusqu'au Golgotha et que Marc et Luc voient
revenir des champs – cf. Mt XXVII 32 ; Marc XV 21 et Luc XXIII
26.
Retour
des champs quelque peu bucolique qui garde un retentissement
poétique :
« Comme
la croix du Fils sur Simon de Cyrène »
[
Je vous salue Marie ]
C'est
au quatrième mystère douloureux du Rosaire de Francis Jammes en
1905.
[
Que ton poème soit comme ]
« Un
ami rencontré sur le chemin de croix »
C'est
ce que dit Elsa à Louis Aragon dans son Cantique en 1942.
La
rose et le réséda pour celui qui croyait au ciel et pour celui qui
n'y croyait pas.
La
résurrection – celle d'un matin de Pacques « sous Ponce
Pilate » que le symbole de Nicée situe « le troisième
jour » – et l’ascension – où le Fils s'assied « à
la droite du Père » en attendant son retour – nous propose
une troisième substitution.
Celle
du « disciple que Jésus aimait » que le canon néotestamentaire
identifie à Jean sans nous dire s'il s'agit de l'Ancien ou du
Théologien qui signent trois épîtres – celles de Marc et celle
du Prologue qui introduit son évangile en lui attribuant une apocalypse.
Rien
ne nous permet d'établir que ce disciple qui entretient avec Jésus
un lien d'affection soit l'un ou l'autre de ces auteurs ou celui de
l'Apocalypse qu'on attribue à l'un de ses apôtres : Jean de
Zébédée – le fils du Tonnerre.
Cet
imbroglio autour de ces trois personnages – l'Ancien, le Théologien
et l'Apôtre – cacherait au moins deux choses : la réécriture
du quatrième évangile sous le pape Clément et l'identité du
ressuscité que son prototype désigne comme Lazare.
La
réécriture du quatrième évangile suppose un transfert qui s'opère
entre Lazare et Jean autour du « disciple bien aimé » et la résurrection
du Christ si elle semble attestée par tous fait pourtant l'objet
d'une résistance et non des moindres – celle de Jude Thomas.
Notons
d'abord que Lazare est un personnage essentiellement johannique et
que sa résurrection est écarté par Luc qui le met en scène dans
sa parabole du mauvais riche qui au comble de sa fatuité apparaît
revêtu de pourpre – cf. Lc XVI 16-31
La
foule à Jérusalem préfère Barabbas au Christ ; voici que la
parabole de Luc lui préfère Lazare qui dans l'au-delà
rejoint Abraham au ciel tandis que l'homme riche finit dans l'Hadès
d'où ses frères sont tenus de révérer Moïse et les prophète :
« ...
s'ils n'écoute pas Moïse et les prophètes,
même si quelqu'un
ressuscite d'entre les morts, ils ne seront pas convaincus. »
[
à quoi bon dès lors renvoyer Lazare vers la maison de son père ]
Si
l'évangile de Jean consacre tout un chapitre à la résurrection de
Lazare là où la mort du Christ se décide, c'est que la
thaumaturgie du Messie sur ce personnage est à l'apogée d'une
année de grâce promise par Isaïe – cf. Jn XI et XII 1-11.
Trois
substitutions donc : celle de Barabbas au Prétoire, celle de
Simon de Cyrène sur le Chemin de croix et celle du Christ sur le
Golgotha où Jésus passe à la postérité pour le ressuscité qu'il
a lui-même relevé d'entre les morts. Ce pourquoi, il fut crucifié.
« Alors
Thomas – appelé Didyme – dit à ses condisciples :
« Allons – nous aussi – [ vers Béthanie ] pour mourir avec lui ! »
La
résurrection de Lazare
Jean
XI 16