dimanche 22 mai 2022

Les substitutions

Pour le vingt-huitième cycle du dixième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

L'idée d'une substitution dans la Passion du Christ semble afférente à l'interprétation d'un verset coranique qui le laisse entendre sans qu'une solution ne soit donné à une telle éventualité – cf. S 4 V 157 à partir de l'édition « Tawid » 2007 :

« [ les infidèles ] ont été [ ... ] victime d'une illusion, car même ceux qui se sont livrés ensuite à des controverses à son sujet sont encore réduit – faute de preuves – à de simples conjonctures. »

Cette éventualité mal fondée puisqu'elle porte en réalité sur la mort du Christ ne serait que la version mitigée d'une réfutation plus catégorique qui remettrait en cause sa crucifixion dans le même verset :

« Nous [ disent les infidèles ] nous avons tué le Messie – Jésus – [ le ] fils de Marie – [ le ] prophète de Dieu » alors qu'ils ne l'ont point tué et qu'il ne l'on point crucifié [ ... ] »

La crucifixion semble ici assujettie à l'issue fatale du supplice qu'on lui inflige et c'est la mort du Christ sur la Croix qui la remet en cause dans le verset suivant – cf. S 4 V 157 et 158 :

« En réalité, [ les infidèles ] ne l'on pas tué

mais c'est Dieu qui la élevé vers Lui car Dieu est Puissant et Sage. »

Ce que cette élévation met en cause, c'est la mort et donc la résurrection du Christ – qu'elle que soient les préfigurations auxquelles se livrent les liturgies chrétiennes – renvoyée « sine die » à sa parousie pour la fin des temps – cf. S 4 V 159 :

« Il n'est pas [ un croyant ] parmi les gens [ du Livre ] qui ne croira en lui avant sa mort et au Jour du Jugement, il se présentera pour témoigner contre [ les infidèles. ] »

Nous nous arrêtons là pour ne froisser personne – en particulier « les Juifs » et les « usuriers » qui font l'objet d'une réprobation dans les deux versets suivants – non sans marquer trois réserves sur le sens commun :

Ce sont les infidèles qui qualifient le Messie de prophète avant sa parousie et le livre où les croyants croient en lui ne désigne que le Noble Coran. Quand à la mort qui caractérise l'échéance du Jugement, c'est encore celle du Christ après sa parousie.

Mais la substitution qui ne trouve pas sa place dans notre interprétation du Noble Coran la retrouve dans celle du récit néotestamentaire autour de la figure énigmatique de « bar Abbas » – le « fils du Père ».

Barabbas que Jean nous présente comme un brigand apparaît dans le récit de la comparution de Jésus devant Pilate – la deuxième pour Luc – où les Juifs exige sa libération quand le procurateur leur propose celle du roi des Juifs – cf. Jn XVIII 38-40.

Pour Matthieu et pour toute la tradition synoptique des trois premiers évangiles, c'est les prêtres et les anciens – ceux du Sanhédrin – qui suggèrent à la foule d'opposer la libération de Barabbas à celle du Christ en exigeant sa crucifixion – cf. Mt XXVII 15-26.

C'est ici – chez Matthieu – qu'un roseau apparaît dans la main droite du roi des Juifs avec la chlamide écarlate – le manteau de pourpre chez Jean – et la couronne d'épines pour le simulacre de son intronisation qui se déroule dans le Prétoire – cf. Mt XXVII 27-31.

Ce roseau que Jean ignore et qui lui sert de sceptre puisque la main droite du roi à dextre est celle du droit est une canne dont les soldats du gouverneur se saisissent ensuite pour le frapper à la tête – cf. Jn XIX 1-3

Et cette canne peut apparaître ici comme un symbole, celui de son royaume où le roi des Juifs fut d'abord celui de Canaan que les noces de Cana auraient allié à la reine du Carmel – Marie de Magdala – tel Salomon à la Reine de Saba.

Pour Marc et pour Luc, Barabbas est un meurtrier et un séditieux prit dans une émeute et le roseau avec lequel les soldats frappent le roi des Juifs à la tête que Luc ignore n’apparaît plus chez Marc dans sa main droite – cf. Mc XV 6-20 et Lc XXIII 13-25.

Si Luc comme Jean ignore ce détail qui prend tout son sens chez Matthieu, il introduit Hérode dans un récit qui le réconcilie avec Pilate où c'est lui qui le recouvre d'un habit splendide qui deviendra le manteau de pourpre chez Jean – cf. Lc XXIII 8-12 et 15.

La chlamide écarlate chez Matthieu comme le sceptre du roi des Juifs qu'il lui met dans la main droite est l’insigne de sa dignité royale dont les deux comparses le recouvre pour lui assujettir un peuple qui leur résiste.

Jésus leur apparaît comme un juste tel que la femme du procurateur romain l'a vu dans un songe mais le Sanhédrin va les contraindre à le condamner en se référant à l'autorité royale de l'empereur – cf. Mt XXVII 19 et Jean XIX 12-16.

Le Chemin de croix introduit alors à la cinquième station un autre personnage qui n'apparaît pas chez Jean mais qui prend dans la tradition synoptique la place du condamné comme « le fils du Père » avait prit avec Barabbas celle de celui qu'on libère.

C'est Simon de Cyrène qu'on réquisitionne dès la sortie du Prétoire pour porter sa croix jusqu'au Golgotha et que Marc et Luc voient revenir des champs – cf. Mt XXVII 32 ; Marc XV 21 et Luc XXIII 26.

Retour des champs quelque peu bucolique qui garde un retentissement poétique :

« Comme la croix du Fils sur Simon de Cyrène »

[ Je vous salue Marie ]

C'est au quatrième mystère douloureux du Rosaire de Francis Jammes en 1905.

[ Que ton poème soit comme ]

« Un ami rencontré sur le chemin de croix »

C'est ce que dit Elsa à Louis Aragon dans son Cantique en 1942.

La rose et le réséda pour celui qui croyait au ciel et pour celui qui n'y croyait pas.

La résurrection – celle d'un matin de Pacques « sous Ponce Pilate » que le symbole de Nicée situe « le troisième jour » – et l’ascension – où le Fils s'assied « à la droite du Père » en attendant son retour – nous propose une troisième substitution.

Celle du « disciple que Jésus aimait » que le canon néotestamentaire identifie à Jean sans nous dire s'il s'agit de l'Ancien ou du Théologien qui signent trois épîtres – celles de Marc et celle du Prologue qui introduit son évangile en lui attribuant une apocalypse.

Rien ne nous permet d'établir que ce disciple qui entretient avec Jésus un lien d'affection soit l'un ou l'autre de ces auteurs ou celui de l'Apocalypse qu'on attribue à l'un de ses apôtres : Jean de Zébédée – le fils du Tonnerre.

Cet imbroglio autour de ces trois personnages – l'Ancien, le Théologien et l'Apôtre – cacherait au moins deux choses : la réécriture du quatrième évangile sous le pape Clément et l'identité du ressuscité que son prototype désigne comme Lazare.

La réécriture du quatrième évangile suppose un transfert qui s'opère entre Lazare et Jean autour du « disciple bien aimé » et la résurrection du Christ si elle semble attestée par tous fait pourtant l'objet d'une résistance et non des moindres – celle de Jude Thomas.

Notons d'abord que Lazare est un personnage essentiellement johannique et que sa résurrection est écarté par Luc qui le met en scène dans sa parabole du mauvais riche qui au comble de sa fatuité apparaît revêtu de pourpre – cf. Lc XVI 16-31

La foule à Jérusalem préfère Barabbas au Christ ; voici que la parabole de Luc lui préfère Lazare qui dans l'au-delà rejoint Abraham au ciel tandis que l'homme riche finit dans l'Hadès d'où ses frères sont tenus de révérer Moïse et les prophète :

« ... s'ils n'écoute pas Moïse et les prophètes,
même si quelqu'un ressuscite d'entre les morts, ils ne seront pas convaincus. »
[ à quoi bon dès lors renvoyer Lazare vers la maison de son père ]

Si l'évangile de Jean consacre tout un chapitre à la résurrection de Lazare là où la mort du Christ se décide, c'est que la thaumaturgie du Messie sur ce personnage est à l'apogée d'une année de grâce promise par Isaïe – cf. Jn XI et XII 1-11.

Trois substitutions donc : celle de Barabbas au Prétoire, celle de Simon de Cyrène sur le Chemin de croix et celle du Christ sur le Golgotha où Jésus passe à la postérité pour le ressuscité qu'il a lui-même relevé d'entre les morts. Ce pourquoi, il fut crucifié.

« Alors Thomas – appelé Didyme – dit à ses condisciples :

« Allons – nous aussi – [ vers Béthanie ] pour mourir avec lui ! »

La résurrection de Lazare
Jean XI 16
   

    

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