jeudi 2 janvier 2025

Les ahl al-Adab

...

Retour vers la demeure des haltes

Pour la demeure du troisième jour qui succède à la nuit
au deuxième mois de la décade :

Nausicaa sur le rivage quand Ulysse fit naufrage
était la fille du roi

Octavie confondant Cléopâtre
était la sœur d'Octave

et sous ton nom qui les rassemble
Elsa valse et valsera

l'Avé de Mara et l'Amin d'Amina
Loreleï et Laïla

Zohra

Apprenez-moi à chanter la Lune
aux longues ailes
Muses
filles de Zeus
à la voix douce
qui savez l'art du chant

C'est d'elle que nous vient la lumière
qui s'épand

de sa tête immortelle
dans les signes du Ciel
qu'elle étend

L'air obscure
a ses reflets d'argent
d'ombre et d'ambre
qui s’épanchent
vers l'Océan

Elle a mis des habits séants
Sélènè
la déesse au bras blancs
attelé des chevaux superbes
qui s'élancent
crinières au vent

Le soir
au milieu du mois
elle rassemble ses croissants
qu'elle croît et qu'elle décroît
scandant le temps

Le Kronide qui lui a fait l'amour
a couché dans son lit

Devenue grosse elle enfante
Pandéïè
plus que belle parmi les Immortelles

Réjouie-toi princesse bienveillante
déesse aux bras blancs et aux cheveux bouclés

J'ai commencé par toi
maintenant je vais chanter les demi-dieux
ceux dont les aèdes remémorent les exploits
en servants les Muses
de leurs bouches amoureuses

Hymne homérique (XXXII) pour Sélènè
qui ne comprend qu'une vingtaine de vers

Backès juge la généalogie de la Lune aussi singulière que celle du Soleil
qui diffère selon lui de celle d'Hésiode
estimant par là-même qu'elles sont faites de mêmes mains

La paire des Luminaires
(XXXI) & (XXXII)
ferme un second recueil avec les Dioscures
(XXXIII)
qui succède au premier
(XVII)

Gémellité des hymnes que confirme un même nombre de vers
avec la lacune du Soleil au sommet du Ciel
et la présence deux fois singulières des demi-dieux

Pandéïè est la parèdre du fils d'Hermès

« Les grands poètes persans ont tous vécu plus ou moins solitaire.

« Ferdowsi passa toute sa vie dans la bourgade de Tus [ au ] Khorâsân s'isolant dans un délicieux jardin, s'adonnant corps et âme à l’œuvre monumentale qui allait faire sa renommée : le « Shânâmeh » ou « Livre des rois ».

« Khayyâm vécut aux alentours de Neyshâbûr loin des attraits de la cour et de la bureaucratie seljûkide.

« Il consacra la plupart de ses efforts aux études mathématiques et astronomiques ébauchant peut-être à la clarté vacillante d'une lampe un quatrain fragile où il déversait clandestinement les secrets de son âme.

« Mowlânâ passa une grande partie de sa vie en Asie Mineure à Konyâ après qu'il eut quitté avec son père sa terre natale – le Balkh-Transoxiane – à l'approche des hordes mongoles.

« Sa vie représente l'existence type d'un maître affilié à un ordre ésotérique du soufisme : Il partagea la vie de ses disciples dont l'ordre fut dénommé les « Mowlavîyéh ».

« Hâfez ne quitta jamais [ ... ] sa ville bien-aimée – Shîrâz – [ et ] bien qu'il eut des rapport étroits avec la cour et qu'on y appréciât beaucoup son génie, il ne s'y plut jamais tout à fait et resta malgré les succès passagers un homme solitaire.

« Il n'eut d'affinité ni avec les docteurs de la Loi qu'il méprisa souverainement ni avec les pouvoirs temporels dont il dénonça les excès. »

« Il n'y a que Sa'dî qui parmi les cinq grands poètes de l'Iran recensé ici mena un vie socialement active.

« À l'encontre des autres Sa'dî fut tout à la fois un grand voyageur – prédicateur à ses heures – et un habitué de la cour.

« Il fut un poète prodigieux et un grand homme du monde. » [ ... ]

« Si le temps existentiel de la mystique permettait dans le cas d'Hâfez de s'épanouir entre ces deux haltes conjointes que sont la pré-éternité – « azal » – et la post-éternité – « abad » ; ...

[ La « pré-éternité » ne peut être ici que la perpétuité cyclique qui n'a pas de fin et la « post-éternité » la descente cyclique dans l'arc du Retour. ]

« ... si entre ces deux arcs de descente et d'ascension l'homme pouvait s'élever à la dignité des visions premières ; ...

« ... si chez Mowlânâ toute présence au monde était une [ extase ] vers les hauteurs extatiques de l'Océan de l'âme – « Daryâ-ye jân » – et l'évolution métamorphose verticale de la remontée vers l'aimée et vers Dieu ; ...

[ Ce qui n'en ferait qu'un mystique secondaire évoluant en-deçà des voiles. ]

« ... si l'éthique du du roi-sage consistait chez Ferdowsi à devancer la mort afin d'en être le maître, ...

« ... quel sera l'attitude de l'homme qui tout en étant convié à ces noces mystiques doit quand même vivre avec le pouvoir et gagner son pain à la sueur de son front ?

« Si [ ... ] les différents temps-de-présence narratifs [ et ] mystiques [ ou ] instantanés [ chez ] Khayyâm permettaient [ à ] chacun un être-dans-le-monde individuel et existentiel aboutissant à la délivrance [ et ] à la pérégrination spirituelle ...

« ... pour déboucher sur la rencontre [ avec ] Dieu ou [ sur ] le Néant, ...

[ Chez Khayyâm mais nous avons vu que son nihilisme s'inscrit dans cette pérégrination des ancêtres qui précède la réintégration des déités dans la myriades du Vivant. ]

« ... quel sera alors l'être-dans-le-monde social [ du poète ] persan ?

« C'est ici qu'entre en ligne de compte l'importance pratique de Sa'dî puisqu'il préconise une façon d'être qui n'est que le mode social et collectif de celui qui au niveau individuel demeure l'homme délivré [ mais ] convié à d'autre fêtes de l'esprit. »

[ Dans la suite des six présences, Sa'dî (+ 1292) réalise très exactement le cinquième climat sept cents ans avant la fin du cycle de l'écliptique.

Rappelons que la troisième présence – celle de Nezâmî (+ 1209) – n'est pas reprise ici. ]

Cf. Daryush Shayegan – L'âme poétique persane – Sa'dî ou le temps social de l'homme cultivé – [ l'éthique des ] « ahl al-Adab » [ les gens de la Convenance ] (2017)

Rappelons également qu'en-deçà du monde de la perpétuité, le Pôle du Temps assigne une fin au cycle de l'écliptique septante-deux ans avant son achèvement compte-tenu des années (112) que la tradition gnostique accorde à Seth.

Le lieu de la manifestation du « Qutb az-Zaman » est la citée du Sahel de « Nioro » dont le nom est l'expression de Sa lumière – « an-Nûr ».

« Firmament de métamorphoses
[ ... ]
La lumière se décompose

[ Khayyâm – Saadi – Hâfez ]

O constellation des roses »

Trois poètes d'Aragon
1960

« Le monde est englouti dans les mythes fondateurs des révélations premières. » [ ... ]

« Quelles sont à présent les voies qui s'offrent à l'homme selon la tradition ?

« Soit choisir l'éthique chevaleresque et cosmique de Ferdowsî, ...

« ... soit s'intégrer à la dialectique de l'amour avec Mowlânâ et Hâfez, ...

« ... soit se marginaliser avec Khayyâm en parant son regard d'un détachement stellaire, ...

« ... soit faire tout cela en même temps : ...

« ... vivre dans la société comme [ un ] homme du monde et pratiquer avec le maître de la parole [ ... ] la sage modération de l'homme en société ...

« ... c'est-à-dire adopter [ avec Sa'dî ] le temps-de-présence de l'homme social qui connaît les normes. »

   

    

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