...
« Pour
apprendre aux hommes la réalité des êtres, Dieu qui lui-même est
un a divisé tous les extrêmes en couples opposés.
« Étant
lui-même dès le principe le Dieu un et unique, il a fait le ciel et
la terre, le jour et la nuit, la lumière et le feu, le soleil et la
lune, la vie et la mort.
« Parmi
ces êtres l'homme seul a été créé libre, capable de devenir
juste ou injuste ; pour lui aussi Dieu fit alterner les images
des syzygies lui présentant en premier lieu des choses petites [ et
] en second lieu des choses grandes comme le monde et l'éternité.
« Le
monde actuel en effet est éphémère tandis que le monde à venir
est éternel. D'abord l'ignorance puis la science. C'est dans le même
ordre qu'Il a distribué les princes de la prophétie.
« Le
monde présent est femelle, il enfante les âmes comme une mère ses
enfants ; le siècle à venir au contraire est mâle comme un
père qui reçoit de sa femme ses enfants.
« C'est
pourquoi les prophètes en leur qualité de fils du siècle à venir
viennent en ce monde avec la science des choses éternelles.
« Si
les hommes religieux avaient connu ce mystère, jamais ils ne se
seraient laissé séduire et dans le cas présent aussi, ils
auraient compris que ce Simon – sujet actuel de tous les entretiens
– est le complice de l'erreur et de la tromperie.
« Voilà
ce qu'enseigne la règle prophétique. » HC II 15
« De
même qu'au commencement Dieu qui est un fit pour ainsi dire comme
chose placée à droite et à gauche d'abord le ciel puis la terre,
de même aussi il composa à la suite toutes les syzygies.
« Néanmoins
pour les hommes, il n'en est plus ainsi mais l'ordre de toutes les
syzygies est interverti : tandis que ce sont les premières
œuvres de Dieu qui sont supérieures et les secondes qui sont
inférieures, chez les hommes c'est le contraire que nous
constatons :
« Les
premières choses sont inférieures, les secondes sont supérieures. » HC II 16
[ Il en va ainsi chez le
Pseudo-Clément pour Caïn et Abel, pour Ismaël et Isaac, pour Ésaü
et Jacob, pour Aaron et Moïse – « le grand-prêtre »
et « le législateur ». ]
« De
même la syzygie [ Jean < Jésus ] dont Élie faisait partie et
qui devait venir remit spontanément son apparition à un autre temps
ayant décidé de jouir d'elle-même une autre fois au moment
opportun.
« C'est
pourquoi celui-ci [ Jean ] qui est au nombre des enfants des femmes
est venu le premier et celui [ Jésus ] qui est au nombre des fils
des hommes n'est venu que le second.
« En
se guidant sur cet ordre de succession, on pouvait comprendre de qui
relève Simon qui est venu le premier avant moi vers les nations ...
« ...
et de qui je relève, moi qui suis venu après lui et qui lui ai
succédé comme la lumière succède aux ténèbres, la science à
l'ignorance, la guérison à la maladie.
« Ainsi
donc comme le prophète véridique [ Jésus ] nous l'a dit : il
faut que vienne d'abord un faux évangile prêché par un imposteur [
Paul ] ...
« ...
et ce n'est qu'ensuite après la destruction du lieu saint que le véritable évangile [ celui du Théologien ] doit être
envoyé secrètement de tous cotés pour redresser les hérésies à
venir.
[
Nous suivons les notes de Siouville sauf pour le véritable évangile
« qui doit être envoyé secrètement de tout côtés après la
destruction [ ... ] du temple de Jérusalem [ qui serait ] celui de
Pierre.
« Mais
il a ici un anachronisme [ chez le Pseudo-Clément ] la prédication
et la mort de Pierre étant antérieures à la ruine du temple. [ Ce
qui démontre qu'il ne peut s'agir d'un évangile qui par ailleurs
textuellement n'existe pas encore. ]
« Ce
passage s'inspire des Kérygmes judéo-chrétiens qui étaient
violemment hostiles à Paul » et « à ses bavardages
frivoles » [ dans ] la Lettre de Pierre (2).
« Les
Clémentines ne nomment jamais Paul [ et substituent ] à la syzygie
« Paul < Pierre » des Kérygmes [ celle ] de Simon le
magicien [ avec ] Pierre ; mais Paul s'y trouve quelquefois visé
à travers le masque » [ de son substitut. ]
« Et
après cela [ après la révélation secrète d'un quatrième
évangile ] vers la fin [ que Siouville suppose entre parenthèses
être celles (des temps) apocalyptiques ] il faut que l'Antéchrist
vienne encore le premier ; ...
« ...
ce n'est qu'alors qu'apparaîtra notre véritable Christ-Jésus [ le
prophète véridique ] et après lui – la lumière éternelle
s'étant levée – les ténèbres et toutes leurs œuvres ténébreuses disparaîtront. » HC II 17
« Certains
donc [ ... ] ignorent la règle de la syzygie et voilà pourquoi ils
ne savent pas quel homme est ce Simon qui m'a précédé [ ... ]
l'ennemi est accueilli en ami [ ... ] il est du feu et on le
considère comme une lumière ... » HC II 18
« Il
y eut un certain Jean – hémérobaptiste – qui selon la loi de la
syzygie fut le précurseur de notre Seigneur Jésus.
« Tout
comme le Seigneur eut douze apôtres conformément au nombre des
douze mois du soleil, de même aussi Jean eut trente disciples
principaux répondant au compte mensuel de la lune.
« Au
nombre de ces disciples était une femme appelée Hélène ; ce
fait lui-même n'était pas l’œuvre du hasard car la femme n'étant
que la moitié d'un homme, le nombre de trente restait incomplet ...
« ...
tout comme pour la lune dont la révolution laisse incomplet le cours
du mois [ entre vingt-neuf et trente. ] » HC II 23
[
Nous tenons au contraire pour acquis que la femme vaut le double
compte tenu du fait que la simplicité est supérieure à la quantité
du point de vue de la qualité.
Le
Pseudo-Clément identifie ici Simon qu'il présente comme le
précurseur de Pierre au premier disciple du baptiste évincé à la
tête de sa secte par Dosithée. ]
« Il
vous faut – frères – considérer la vérité de la règle de la
syzygie ; en tenant les yeux fixés sur cette règle, on ne peut
pas s'égarer.
« Comme
nous l'avons dit, tout se présente à notre vue sous une forme
double et opposée : premièrement la nuit, ensuite le jour ;
d'abord l'ignorance, puis la connaissance ; en premier lieu la
maladie, en second lieu la guérison.
« De
même, l'erreur apparaît en ce monde la première et ce n'est
qu'ensuite que survient la vérité comme le médecin ne vient
qu'après que la maladie s'est déclarée. » HC II 33
« Pour
beaucoup d'hommes, la principale cause de l'erreur c'est de n'avoir
pas songé auparavant à la doctrine de la syzygie ; ... »
HC III 16
« Distinguons
donc deux genres de prophéties. L'une de ces prophéties est mâle.
Qu'il soit bien entendu que cette première prophétie qui est mâle
n'occupe que le second rang dans l'ordre de la succession des temps
...
« ...
et que la seconde qui est femelle doit s'avancer la première dans la
marche en avant des syzygies. » HC III 23
« Mais
le mal – en vertu de la loi de la syzygie – a pris les devants et
à envoyé avant moi Simon afin que les hommes s'ils cessent de
parler d'un grand nombre de dieux après avoir rejeté ceux qui sont
censé être sur la terre ...
« ...
pensent au moins qu'il en existe plusieurs dans le ciel et que
n'ayant jamais apprécié la beauté de l'unité divine, ils soient
après châtiment entièrement anéantis. » HC III 59
Cf.
Les Homélies clémentines traduites, introduites et commentées par
André Siouville – Les syzygies ou couples (1933)
Les
Homélies du roman pseudo-clémentin sont datées du IVe siècle mais
la source originelle des Kérygmes de Pierre qui les inspirent
remonterait jusqu'au début du deuxième siècle.
À
ces syzygies bibliques rajoutons celle de Colomba et de Colomban pour
l'église celtique ou celle de Khâlid et de Muḥammad
pour les sagesses du Sheykh al-Akbar en notant que l'opposition des
appariements est ici toute relative.
Comme celle du Christ et du Précurseur : c'est
à Paul que Pierre s'oppose mais c'est à Jean qu'on oppose Jésus.
« Cette
règle des appariements semble à première vue bien anodine. Mais
aux yeux de Pierre, elle est d'une importance capitale et d'une
application apologétique immédiate.
« Simon
le magicien et Simon-Pierre forment un couple, une syzygie. Or c'est
Simon le magicien qui est entré en scène le premier. Partout il
précède Pierre qui ne fait que le suivre. Il est donc le premier
élément du couple.
« Or
d'après la règle de la syzygie, le premier élément chez les
hommes est toujours mauvais ou du moins inférieur tandis que le
second est bon [ ou ] supérieur.
« Simon
est donc nécessairement le suppôt du mal et l'apôtre de l'erreur
tandis que Pierre est l'apôtre de la vérité. À
elle seule, la règle de la syzygie suffit pour confondre Simon. »
[
Nous suivons la section de l'introduction que Siouville consacre à
la règle de la syzygie et à ses appariements tout en évitant ses
redites avec la deuxième homélie. ]
« Cette
théorie des appariements se retrouve mais bien moins développée
dans les Reconnaissances [ qui accompagnent les Homélies dans le
roman pseudo-Clémentin. ]
« C'est
donc qu'elle était déjà énoncée dans l’Écrit primitif [ que
Siouville situe en Syrie vers 220-230 mais que la critique adverse
situe à Rome. ]
L'auteur
[ de cet Écrit primitif ] l'aura sans doute tiré du [ sixième
livre ] des Kérygmes [ de Pierre ] où l'on en faisait l'application
[ ... ] à Paul et à Pierre. »
C'est
probable mais Siouville qui cherche une continuité entre Pierre et
Mahomet autour du « prophète véridique » ne voit pas
qu'au début du deuxième siècle l'église clémentine est déjà à
la fois paulinienne et judéo-chrétienne.
D'où
le déplacement de la syzygie apostolique sur le premier disciple du
baptiste ; déplacement qui fait encore courir les décodeurs de
Léonard de Vinci.
D'où
cette étrange coexistence dans la Parole liturgique entre deux
testaments qui côtoient les épîtres d'un avorton.