samedi 26 octobre 2019

La forme et les nombres

Pour la douzième semaine sidérale :
  
« [ ... ] la numérologie ontologique chinoise [ de la myriade ] distingue les nombres [ ... ] génotypiques – shengshu – dont la puissance onto-numérologique a été rapportée à la puissance divinatoire de la tortue, et les nombres [ ... ] phénotipiques – chengshu – dont la puissance onto-numérologique a été rapportée à la puissance divinatoire de l'achillée. »
  
Cf. Léon Vandermeersch – Les deux raisons de la pensée chinoise. Divination et idéographie (2013) – De la divination par la tortue à la divination par l'achillée
  
Shengshu – nombres génotypiques, génomiques ou génératifs
1
2
3
4
5
9
8
7
6
Chengshu – nombres phénotipiques ou performatifs
  
« Dans le Zuozhuan, à la quatrième année du duc Xi – 655 avant notre ère – on lit que, lorsque le duc Xian de Jin interrogea à la fois l'achillée et la tortue sur le projet qu'il avait d'épousée une princesse de Jin, l'achillée fournit un pronostic très favorable, la tortue un pronostic très défavorable, ce qui donna lieu à la discussion des raisons de la priorité de la divination par la tortue.
  
« Le devin rappela que « la tortue fournit des configurations, l’achillée des nombres, ainsi la tortue recèle-t-elle en elle-même la force spirituelle des nombres génomiques [ ... ]
  
« Le commentaire de Kong Yingda rappelle que « les réalités ont toujours une forme avant d'avoir des quantités, et que c'est la raison pour laquelle la chéloniomancie [ qui se fonde sur des formes ] prime sur l'achilléomancie [ qui se fonde sur des nombres ].
  
« Pour les nombres génomiques [ aussi appelés nombres racines ] et les nombre phénotipiques [ aussi appelés nombre rameaux ] Marc Kalinowski, dans son excellente traduction du Wuxing Dai Yi, emploie les termes de nombres génératifs et [ de ] nombre performatifs – cf. Cosmologie et divination dans la Chine ancienne. Le compendium des cinq agents (1991).
  
« [ Vandermeersch a lui-même ] employé [ ... ] les termes de nombres primitifs et [ de ] nombres développés [ avant ] de recourir métaphoriquement au vocabulaire de la génétique [ ... ]. »
  
Cf. Léon Vandermeersch – Les deux raisons de la pensée chinoise. Divination et idéographie (2013) – De la divination par la tortue à la divination par l'achillée – note 1
  
Les nombres racines – benshu – et les nombres rameaux – moshu – font implicitement référence aux dix troncs célestes – Tiangan – et aux douze branches terrestres – Dizhi – qui organisent les soixante jours du calendrier sexagésimal.
  
Mais faut-il pour autant y inclure la quinte et la décade en accord avec le nombres des cinq éléments / agents dès lors que la mancie des cinquante tiges d'achillée ne peut produire que quatre lots résiduels ?
  
Ces lots résiduels sont en correspondance avec les nombres basiques – Yingshu – qui constituent la décade et qui l'expriment les uns par rapport aux autres autour du nombre cinq qui n'a pour réciprocité que lui-même.
  
C'est donc cette réciprocité qui doit apparaître des deux côté de l'arbre pour en configurer la décade et sa quintessence au centre de leur figure comme elle se représente à l'envers avec celle du Pique dans un jeu de carte.
  
On ne peut tout à fait l'exclure de cette représentation puisque le nombre des cinquante tiges d'achillée dont on retranche une unité avant la mancie est néanmoins celui qui correspond à leurs cinq décades.
  
Mais que représente ici la forme qui prévaut sur les nombres ? Il semble que les huit trigrammes apparaissent avant la formation du Tao et que la décade précède les nombres qui la composent.
  
C'est ce que nous disons quand nous contestons l'adage bahâ'i reprit par les Nations Unies qui cherche l'unité (10) dans la diversité (9) là où l'unicité (1) et la diversité (9) se trouve dans l'unité (10).
  
Le Ciel avec ses racines et son tronc est représenté comme tel par un carré, la Terre avec ses branches et sa ramure par un cercle ; l'Androgyne est représenté par un triangle dont la valeur (60) est celle du calendrier sexagésimal.
  
Fu Yi Zu Xin – Fu Ding Zu Gui
  
  
  

mardi 22 octobre 2019

Les nombres du Ciel

Pour la onzième semaine sidérale :
  
On qualifie le Yi-King – l'un des six cannons de la Chine antique – de Livres des mutations ; mais la monosyllabe « Yi » qui le caractérise désigne aussi le nombre « 2 ».
  
Ces deux là sont d'abord le Yin et le Yang qui organisent le T'aï Ki du Tao mais aussi la dyade qui ferme toutes les réalités cycliques en caractérisant leurs mutations – leurs diabolos.
  
Le « Yi » apparaît à la deuxième place parmi les dix troncs célestes qui organisent avec leurs douze branches terrestres les soixante binômes – « Jiazi » – d'un calendrier sexagésimal dans un cycle de soixante jours :
  
Tiangan – les dix troncs célestes
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Jia
Yi
Bing
Ding
Wu
Ji
Geng
Xin
Ren
Gui
Zi
Chou
Yin
Mao
Chen
Si
Wu
Wei
Shen
You
Xu
Hai
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
Dizhi – les douze branches terrestres
  
La multiplication par six de ces cycles de soixante jours les étend sur douze mois de trente jours à travers une année de 360 jours avec un embolisme de cinq jours – « 6 x 60 = 360 ».
  
De même, un ensemble de douze années associées aux cinq éléments / agents – « Wu Xing » : le bois, le feu, la terre, le métal et l'eau – constitue un cycle de soixante ans qui se renouvelle 432 fois sur le cercle l'écliptique – « 25.920 / 60 ».
  
« Alors que la voûte du Ciel était soutenue par quatre piliers, il arriva que le mauvais ministre Gong-Gong, en se battant avec l'empereur Zhuanxu pour lui enlevez le pouvoir, casse le pilier du Nord-Ouest, en sorte que le Ciel s'affaisse dangereusement.
  
« Heureusement, l'empereur Jun [ ou Nûwa qui se coupe une jambe pour remplacer le pilier cassé ] réussit à le remettre en place [ tandis que la jambe de Nûwa laisse le Ciel incliné sur l'inclinaison de l'écliptique ] ce qui fit de [ Jun ] l'empereur du Ciel.
  
« [ L'empereur du Ciel ] prit alors pour épouse [ ... ] Xihe qui lui donna pour fils dix soleils, puis Changxi qui lui donna pour fille douze lunes. Ainsi les dix jours de la décade et les douze lunaisons de l'année ont-ils été enfantés comme frères et sœurs.
  
« [ ... ] Les dix soleils se levaient et se couchaient l'un après l'autre – chacun l'un des jours de la décade – comme les douze lunes [ se levaient et se couchaient ] chacune [ l'une après l'autre ] l'un des douze mois de l'année.
  
« Le malheur voulut qu'un jour les dix soleils se lèvent tous en même temps et chauffe si violemment la terre que les moissons se mirent à brûler. Heureusement Yi [ le bon archer ] réussit à abattre à coup de flèches neuf des dix soleils, et tout rentra dans l'ordre. »
  
Cf. Léon Vandermeersch – Shanhai Jing : Dahuangnan Jing / Xi Jing et Huainanzi : Ben Jing Shun – Les deux raisons de la pensée chinoise. Divination et idéographie (2013)
   
    
   
    

jeudi 17 octobre 2019

Houn-Toun et Houang-Ti

Pour la dixième semaine sidérale :
  
« L'empereur de la Mer du Sud s'appelait Chou [ Par-ci ] – celui de la Mer du Nord s'appelait Hou [ Par-là ] – celui du Milieu s'appelait Houn-Toun [ Tohu-Bohu ].
  
« De temps à autre, Chou et Hou [ Par-ci et Par-là ] se rencontraient chez Houn-Toun [ Tohu-Bohu ] et celui-ci les recevait fort civilement.
  
« Ils se demandèrent comment lui rendre la pareille et se dirent : Tous les hommes ont sept trous pour voir, entendre, manger et respirer, lui n'en a pas un seul.
  
« Nous allons les lui percer. Ils lui en firent un chaque jour [ de la semaine ] et le septième jour, Houn-Toun [ Tohu-Bohu ] mourut. »
  
Cf. Tchouang-Tseu – Chapitre VII – Rois et Empereurs – J. F. Billeter (2010)
  
« L'Empereur Jaune [ Houang-Ti ] se rendit un jour au Nord de la Rivière rouge, escalada le Mont K'oun-Loun et du regard embrassa le Sud.
  
« De retours chez lui, il s'aperçut qu'il avait perdu sa perle obscure [ ad-durrat Jawharat al-Kamal ].
  
« Il chargea Connaissance d'aller la retrouver, mais ce fut en vain. Il envoya Vue Perçante, mais elle revint bredouille. Il envoya Dispute, qui ne la trouva pas plus.
  
« Il envoya finalement Sans Rien [ al-aqq bi al-aqq ] qui la retrouva. Étrange – se dit-il – que ce soit Sans Rien qui l'ait retrouvée ! »
  
Cf. Tchouang-Tseu – Chapitre XII – Ciel et Terre – J. F. Billeter (2010)
  
« Ne pas [ ... ] connaître [ la Voie ] est profond [ dit Sans Commencement ] la connaître est manquer de profondeur. Ne pas la connaître, c'est être dedans, la connaître, c'est être hors d'elle. » [ ... ]
  
« La Voie est inaudible, ce que tu entends n'est pas elle. Elle est invisible, ce que tu vois n'est pas elle. On ne peut pas parler d'elle, ce dont on parle n'est pas elle.
  
« [ ... ] Ce qui produit les formes n'a pas de forme. La Voie ne correspond à aucun nom. »
  
« [ ... ] Quelqu'un qui répond quand on lui demande ce qu'est la Voie, ne sait pas ce qu'elle est. On a beau lui poser des questions, on n'apprendra rien.
  
« Sur la Voie, il n'y a aucune question à poser, aucune réponse à donner. Celui qui pose malgré cela des questions pose des questions spécieuses et celui qui répond quand même se place hors d'elle.
  
« Quelqu'un qui se place en dehors pour répondre à des questions spécieuses, celui-là ne verra pas l'univers qui est autours de lui, il ne connaîtra pas la grande source qui est au-dedans.
  
« Il ne s'élèvera pas au-dessus du Mont K'oun-Loun, il n'évoluera jamais dans le grand vide. »
  
Cf. Tchouang-Tseu – Chapitre XXII – Sagesse sans va-t-au Nord – J. F. Billeter (2010)