dimanche 28 août 2022

Le précieux trésor

Pour le second mois du Janus
au-delà de la décade des mois :

«  La pierre du Destin ou pierre de Scone est et a été à la source d'un mystère. Objet sacré, elle est l'un des plus important emblèmes nationaux d’Écosse.

« Nul ne connaît son origine exacte, mais les légendes vont bon train à son sujet. On affirme par exemple qu'elle aurait servi d'oreiller à Jacob la nuit où il a fait le fameux rêve de l'échelle, avec l'ouverture du ciel d'où descendaient et remontait des anges.

[ La descente et la montée des anges sur une échelle est ici directement en relation avec la succession des âges ou des ères représentés sous la forme des septénaires. ]

« Selon cette légende particulière, la pierre se serait ensuite retrouvée dans l’Égypte ancienne et aurait été la propriété de Scota, la fille du pharaon qui a poursuivit Moïse et s'est noyé avec son armée dans la mer Rouge.

[ Ce déplacement évoque la pérégrination des Hébreux entre les Hébrides et l’Égypte. ]

« Ayant survécu à ce désastre, le mari de Scota est parti avec son épouse et ils ont erré à travers l'Europe avec la pierre, pour finalement atteindre l’Écosse. »

[ Il s'agit en quelque sorte d'un retour du Juif rouge vers sa terre d'origine qui l'identifie à la souche hébraïque. ]

« ... l'origine la plus probable de la pierre [ en dépit du récit légendaire ] serait plutôt à rechercher dans les carrières voisines de l'abbaye où elle était conservée avant l'arrivée d’Édouard Ier qui la saisit et l'emporta à Westminster.

« Selon les termes du traité de Northampton et de celui d'Édimbourg signé en 1328, le Parlement anglais autorisa sa restitution à l'Écosse, mais cette décision ne fut pas appliquée en raison de l'opposition du peuple de Londres.

« La pierre du Destin demeura donc en Angleterre, mais l'Écosse n'oublia jamais son précieux trésor. »

« Au début du XXe siècle, certains hauts personnages d'Écosse ont tenté d'obtenir la restitution de la pierre. [ ... ]

« ... le jour de Noël 1950, quatre étudiants écossais sont parvenus à dérober la pierre à Westminster. [ ... ]

« Trois mois plus tard, le 11 avril 1951, on retrouvait la pierre dans l'abbaye d'Arbroath. Cet épisode a eu le mérite de relancer le débat sur la place légitime de la pierre du Destin.

« En fin de compte, en 1996, le jour du sept-centième anniversaire de sa confiscation par Édouard Ier, l'objet sacré a été transféré – officiellement et en grande pompe – dans le château d’Édimbourg. »

« Le retour de la pierre en ce jour de la Sainte-André de 1996 aura marqué la fin d'un long exil.

[ Saint-André ouvre le cycle liturgique du Sanctoral : le 30 novembre au Missel de 1962. ]

[ En suivant la réforme calendaire de James Ussher (+ 1656) qui rétrograde le calendrier universel de quatre ans sur le calendrier romain, on peut lire 1992. Ce qui correspond alors à la fin du cycle de l'écliptique quarante ans avant le retour du Graal. ]

« Car quelque soit sa véritable origine, cette pierre est tenue pour sainte et elle a joué un rôle central dans le couronnement des roi d'Écosse.

« Dans une description de l'une de ces cérémonies par Jean de Fordun, le chroniqueur écossais du Moyen Âge insiste sur sa nature sacrée : [ ... ]

« ... cette pierre est révérencieusement conservée dans le monastère de Scone pour servir au sacre des rois d’Écosse, ...

« ... et aucun monarque écossais n'a jamais pu régner sans avoir auparavant reçu le titre de roi assis sur cette pierre à Scone qui par les rois de jadis avait été déclarée capitale de l’Écosse. »

« La pierre de Scone a aujourd'hui réintégrer sa demeure légitime [ après ] sept cents années d'exil. » [ ... ]

Cf. Note de Paul Doherty pour « L'écorcheur de Londres » (2020)

« [ Les Bretons du Devon, des Cornouailles et du Pays de Galles qui avait fuit les Romains ] étaient chrétiens, zélateurs d'une foi qui avait imprégné l'Armorique dès la fin du IIIe siècle après le martyre des deux frères nantais – Donatien et Rogatien.

« Les clers, les moines, les abbés, les évêques et les chefs des communautés religieuses jouèrent, en la circonstance, un rôle comparable, toutes proportions gardées, à celui de Moïse, entraînant et guidant ses ouailles vers la Terre Promise. » [ ... ]

« La Bretagne était devenue la terre des saints, non plus seulement celle des sept fondateurs – Malo, Samson, Brieuc, Tugdual, Pol Aurélien, Corentin et Patern – mais de 7847 autres... vénérés par la tradition au cimetière de Lanrivoaré ! »

Cf. Hervé le Boterf – Nominoë et l'épopée des Rois Bretons – La Bretagne avant ses rois. Des cousins... à la mode de Bretagne (1981)

Le trône de Saint Dagobert à Mouzay
   

    

mardi 23 août 2022

Le secret

Pour le soixantième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :

« Dans un texte rafraîchissant quand on sort de lire les niaiseries de René Bazin, Dominique Casajus commente avec scepticisme la célèbre lettre de Moussa Ag Amastane à Marie de Blic, envoyée à la mort de Foucauld –

« Charles le Marabout n'est pas mort que pour vous autres seuls,
il est mort aussi pour nous tous. »

«  – relevant qu'elle a été écrite en arabe par un interprète militaire et transmise par la voie administrative, ce qui lui permet de la voir comme une pièce du jeu politique que jouait l'aménokal à ce moment précis.

« Après tout, c'est bien possible, mais n'enlève rien à l'amitié, non plus que les arrières pensées politiques de Foucauld lors de ses premières rencontres avec Moussa.

« Le montre par exemple la lettre du 5 janvier 1914 de Moussa à Foucauld, citée par Casajus : « Ne m'abandonne pas. Je veux de toi une chose : prie beaucoup pour moi. »

« Moussa avait déjà un maître spirituel, le cheikh Baye – un soufi – le « vainqueur de Foucauld » dira [ Louis ] Massignon, puisqu'il a achevé l'islamisation du Hoggar du vivant même du Français.

« Il n'a pas trouvé en Foucauld un directeur spirituel qu'il ne cherchait pas. Mais il est devenu son ami et l'a pleuré comme un saint de Dieu, sans céder sur sa propre foi. »

Cf. François Sureau – Je ne pense plus voyager. La mort de Charles de Foucauld – « Jusqu'au jugement denier » (2016)

Foucauld nous apparaît dans le récit de Sureau comme un pèlerin qui aurait visité toutes les demeures de la sainteté chrétienne – celles que nous qualifions de grégorienne ou de franciscaine mais aussi celle qu'Augustin a scellé dans son œuvre.

« La demeure que le Français ne visite pas – celle de Moussa et celle du Sheykh Baye – est la demeure de la sainteté muḥammadienne – celle que nous qualifions d'aḥmadienne quand nous voulons la distinguer d'un tasawwuf strictement akbarien.

« De Rimbaud à Aden, Chauvel écrit : « Il donnait l'impression d'avoir manqué sa destinée. Cette éternité, malgré la mer, malgré le soleil, il l'avait perdue. Il avait changé toute sa vie pour trouver ce repos qui n'était pas en lui, en l'homme seul. »

« Foucauld, son contemporain, auquel l'uni à mes yeux une fraternité dont le secret gît hors d'atteinte des filets claudéliens, s'est porté à l'opposé. »

Cf. François Sureau – Je ne pense plus voyager. La mort de Charles de Foucauld – « Jusqu'au jugement denier » (2016)

Mais Chauvel n'a pas suivi Rimbaud jusqu'à la demeure du Harar qui lui échappe.

« Dans les premiers jours de janvier 1908 il se sent mourir. Il a écrit à Laperrine et au préfet apostolique du Sahara :

« Jésus – Marie – Joseph »

Je vous donne mon âme, mon esprit et ma vie.

« Il perd connaissance. Quand il revient à lui, un messager de Moussa Ag Amastane lui tend un bol de lait de chèvre, en l'appelant « frère Charles » [ et ] « Sidi Marabout ».

« C'est à présent qu'il a reçu cette communion-là [ celle de la sagesse prophétique ] que Foucauld appartient à ceux chez qui il a choisi de vivre, ...

« ... parce qu'il n'a pas seulement donné ce que l'armée, ou d'autres, lui donnait, mais tout de lui-même, sa chair mais aussi sa gaieté et ses espoir, jusqu'à risquer de mourir. »

Cf. François Sureau – Je ne pense plus voyager. La mort de Charles de Foucauld – « Jusqu'au jugement denier » (2016)

Ce don nous en rappelle un autre dans le domaine oriental où avec Jack Kerouac la beat génération passe du mahâyâna originel – celui du zen – au mahâyâna définitif – celui qui caractérise la voie du Daishônin Nichiren.

Dans la vision du Sheykh al-Akbar, c'est le Sceau de la sainteté muḥammadienne qui intercède auprès du Sceau des prophètes pour qu'il accède à la station de la Lumière bleue qui les caractérise.

Il est alors question d'une ressemblance entre l'Imam du Tawḥid et le Sceau de la sainteté muḥammadienne auquel le Sheykh al-Akbar s'est identifié en tant qu'héritier du Messie d'Israël – 'Isâ ibn Myriam – et du Sceau des prophètes.

Cette ressemblance est particulièrement évidente du point de vue de l'économie cyclique des sceaux comme Slimane Rezki s'en aperçoit dans son avant-propos à la Mise en œuvre des études traditionnelles de René Guénon.

Guénon signale en effet une similitude dans les échéances entre la mission du Christ et celle du Prophète qu'on peut réitérer avec le Muḥyi'd-Dîn et le Qutb al-Maktum mais qu'il est impossible de reproduire ensuite à propos du Sheykh abd al-Wâḥid.

Le Sheykh abd al-Wâḥid Yaḥya ne peut être ici que le Précurseur d'une intercession où le Sheykh al-Akbar identifie le Christ au Sceau d'une sainteté universelle comprenant celle à laquelle les martyrs de Sureau se sont livrés pour nous.

Allâh al-Kârim !

Dites-moi à quelle heure je dois être transporté à bord.

   

    

mercredi 17 août 2022

Dionysos et Apollon

Pour le cinquante-neuvième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :

« La pensée de Dionysos est étrangère à la religion homérique, bien que sa personne et sa destinée soient connues du poète. Il est [ d'une ] autre race que les vrais Olympiens.

« En tant que fils d'une mère mortelle, [ le fils de Sémélé ] semble appartenir au cercle des héros [ qu'Otto qualifie de surhommes ] tel Héraclès qui doivent d'abord mérité le ciel.

« On raconte ainsi que Dionysos a été chercher sa mère dans l'Hadès pour monter au ciel avec elle. [ « Horace l'y fait pénétrer après une vie glorieuse debout sur son char traîné par des tigres. » ]

« Et cependant, il se distingue de tous les autres qui ont eu une mère mortelle ; car il est né une seconde fois du corps même de Zeus.

« C'est pourquoi il est tout de même au sens le plus plein du terme un dieu – le dieu de la dualité [ par sa double nature ] comme l'expose avec tant de beauté et de vérité le mythe de sa naissance.

« En tant que vrai dieu, il signale et ouvre tout un monde dont l'esprit revient toujours en nouvelles figures, liant dans une unité éternelle le sublime à l'imperceptible, l'humain au bestial, au végétal, à l'élémentaire.

« Mais ce monde – de par sa pesanteur terrestre, son déchirement, son lien avec la mort – est séparé des règnes que dominent les Olympiens.

« Ils ont érigé leurs trônes dans la clarté des cimes, bien au-dessus de la sphère que commande la puissance primitive des éléments. C'est pourquoi on cherche en vain Dionysos là où les dieux gouverne sans partage. »

Cf. Walter F. Otto – Dionysos. Le mythe et le culte – Dionysos et Apollon (1933)

Avec la double nature du héros qui rappelle celle du Christ, la complémentarité delphique qu'Otto trace entre Dionysos et Apollon évoque son incarnation et sa parousie – celles d'un dieu juvénile en quête de métamorphose dans sa demeure céleste.

Au sommet de la restauration cyclique qui achève le cycle adamantin de la Semaine, la face juvénile du Janus ne s'adosse plus à la face ancestrale qui commande la puissance primitive des éléments mais à celle d'un dieu solaire qui la recouvre.

Le Triduum pascal s'achève avec les trois phases sabbatiques – de la nuit du Sabbat à l'aube du Jour dominical. L'octave des phases complète le jour du Seigneur au-delà de ce Trivium sabbatique qui succède à leur Quadrivium.
   

 Jeudi Saint 

 Vendredi Saint 

 Samedi Saint 

 Dimanche Pascal 

N 1

J 1

N 2

J 2

N 3

J 3

N D

J S

 Quadrivium 

S 1

S 2

S 3

O

   
C'est donc par une confusion du langage qu'on peut identifier la huitième phase au huitième jour de la Semaine pour caractériser le jour du Seigneur comme étant le retour du Premier.

C'est ce qui correspond ici dans les « Awrâd al-Usbû' » du Sheykh al-Akbar à la Nuit des Jovialistes nostradamiques et au jour de l'Unique – « al-Wâḥid » – que l'Imâm du Tawḥid consacre au prophète Idrîs – le détenteur du sceptre des Trismégistes.

Dans la roseraie mystique de la Mère de Dieu, ce sont les trois jours qu'on consacre aux trois sortes de mystères joyeux, douloureux et glorieux qui correspondent au Jeudi, au Vendredi et au Dimanche en s'arrêtant sur les trois phases du Trivium sabbatique.

« De fait, la comparaison de Dionysos avec Osiris [ établie par Plutarque ] est bien plus sensée que la comparaison avec des divinités thraces, phrygiennes ou minoennes. »

Mais Otto s'abstient de toute comparaison avec le Christ ; même quand la tradition impériale évoque la chlamyde écarlate ou la pourpre du roi de Canaan – cf. Mt XXVII 28 et Mc XV 17 :

« Lors du triomphe romain, ce n'est pas seulement par hasard que le triomphateur – habillé comme l'image de Jupiter et recouvert comme elle de couleur rouge – fait penser à Dionysos » [ et à la couleur de ses statues. ]

Cf. Walter F. Otto – Dionysos. Le mythe et le culte – La destinée de Dionysos (1933)

Le cycle des jours a deux phases – nocturne et diurne – celui des semaines a deux triades : celle de la catabase qui descend jusqu'au centre de la Semaine – le Mercredi – et celle de l'anabase qui remonte jusqu'au Premier des jours – le Dimanche.

C'est le fils de la Vierge – 'Isâ ibn Maryam – que le Sheykh al-Akbar met au cœur de la Lumière – « an-Nûr » – qui caractérise le centre de Son apocatastase.

   

    

lundi 8 août 2022

La relève

Pour le cinquante-sixième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :

L'initiation – au sens anthropologique le plus récurent – désigne l'ensemble des procédures qui interviennent pour séparer les garçons pré-pubères de leur mère et les inscrire dans une classe de leur âge.

Il s'agit d'une seconde naissance qui ne s'adresse qu'aux jeunes gens de leur sexe et il faut considérer l'existence de dix-huit classes d'âge consécutives aux trois âges de l'existence auxquels on n'accède qu'après la décade – « 40 + 30 + 20 = 18 x 5 ».

C'est toujours par rapport aux ennéades qu'il faut considérer les neuf semaines de la vie embryonnaire, les neuf mois de la vie fœtale, les neuf ans de la vie pré-pubère et les nonante ans de l'existence avec ses trois âges – la jeunesse, la maturité et la vieillesse.

L'unité de la décade est donc toujours inclue comme telle dans le stade qui précède chaque étape de cet enchaînement qui sans inclure la vie pré-embryonnaire qui celle de la concupiscence parentale se poursuit avec la pérégrination des ancêtres.

Ce que nous appelons la concupiscence parentale de la vie pré-embryonnaire est ce qu'on désigne comme péché originel quand l'ordre des origines ancestrales est troublé et la pérégrination des ancêtres ne doit pas être confondue avec celles des anciens.

L'ancienneté qui succède à la maturité des adultes ne concerne pas seulement la vieillesse des vivants mais aussi la présence des défunts qui n'ont pas encore achevé leur existence et auxquels il faut accorder notre accompagnement.

La pérégrination des ancêtres et la réintégration des déités dans la myriade poursuivent les ennéades dans les ordres de grandeur qui s'étendent jusqu'à la décade du Vivant qui ne meurt pas – « al-Ḥayy al-Qayyûm » – parmi les millénaires.

C'est à la seconde naissance – celle des garçons à la puberté – que l'église universelle tend à consacrer les sacrements de l'initiation qui désignent ici le baptême, la confirmation et la première communion en faisant fi du genre auquel elle s'adresse originellement.

Seule la confirmation a ici une fonction réellement initiatique caractérisée par l'onction qu'on retrouve dans les sacrements de l'ordre avec la consécration épiscopale des évêques et l'ordination sacerdotale des prêtres.

Les trois sacrements de l'ordre constituent alors une hiérarchie qui succède aux trois hiérarchies célestes des ordres dionysiaques où ils constituent avec eux les douze cieux franchis par la Vierge dans son assomption d'où elle les gouverne.

Le baptême et la communion apparaissent ici comme des rites d'expiation et d'agrégation dans lesquels ont retrouve des bénédictions solennelles qui apparaissent comme un viatique initiatique opérant en dehors des ordres.

Ce viatique initiatique véhicule ce que les communautés gnostiques appellent une consolation dont l'administration reste toujours transmissible en-deçà des ordres par tous les consolés que la hiérarchie identifie aux baptisés.

La solennité des bénédictions nécessite cependant tant que faire ce peut le passage des âges afin que tout un chacun puisse introduire le récipiendaire dans un stade de son existence dont l'initiateur a déjà expérimenté les périls et les grâces.

De même, il serait logique que les sacrements de l'ordre correspondent dans la mesure du possible aux âges de l'existence ; réservant la confirmation aux plus jeunes et la consécration aux plus vieux sous l'ordination de ceux qui sont entre les deux.

On comprendrait alors pourquoi le mariage au contraire du sacre avec lequel il entretient pourtant des affinités ne peut requérir qu'une solennité dont l'onction royale ne peut rehausser l'union sacerdotale qu'à un âge avancé – aux secondes noces en somme.

Une telle solennité nécessite cependant la confirmation qu'on administre aux initiés ; ce dont les gnostiques quand ils se vouent au célibat et à la chasteté on pu se dispenser en ne vivant que sous la grâce des consolés.

C'est au contraire un rappel de cette confirmation sans aucune considération pour la hiérarchie des ordres qu'on administre aux agonisant dans l'extrême-onction quand elle ne s'exprime pas comme la simple consolation qui s'adresse à tous les vivants.

Reste à considérer le baptême du feu qui peut recouvrir bien des choses : la conformation au Christ sous l'emprunte du séraphin d'Amour, le passage d'une cohorte à l'autre par un holocauste, l'initiation sauvage d'une parade amoureuse...

Toutes sortes de choses qui tout en requérant des conditions d’exception ne devraient pas pour autant en ignorer La cause.

« On part Dieu sait pour où – ça tient du mauvais rêve
On glissera le long de la ligne de feu
Quelque part ça commence à n'être plus du jeu
Les bonhommes là-bas attendent la relève. »

Aragon – 1956
   


    

vendredi 5 août 2022

L'Ordre des Chevaliers Élus

Pour le cinquante-cinquième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :

David Stevenson a publié un livre en 1993 traitant des Origines de la Franc-Maçonnerie qui nous a paru singulier parce que son historiographie théorise un Siècle écossais qui s'étendrait de 1590 à 1710.

Sa singularité tient au fait que le siècle auquel il est fait référence est de 120 ans et qu'il correspond par sa durée aux trois périodes rosicruciennes introduites avec l'invention de la sépulture de Christian Rosenkreutz dans celle des temps apocalyptiques (360).

Mais les limites de ce siècle ne correspondent ici à rien : ni à la fable rosicrucienne de 1604 ni à l'historiographie de la maçonnerie écossaise qui commence en 1603 avec l'intronisation de Jacques VI et I sur le trône d'Angleterre.

Elles cherchent une antériorité à la Grande Loge de Londres de 1717 en se donnant une ère rosicrucienne qui s'achèverait un siècle après l'édition du premier ouvrage attribué au fondateur putatif de la Rose-Croix en 1610 :

« Le fait est que le premier ouvrage du fondateur du mouvement Rose-Croix – Johann Valentin Andreæ – sort des presses de l'imprimeur en 1610 à une date qui est compatible avec l'hypothèse d'une influence sur les érudits proches de la cour anglaise ; ...

« ... sauf que la propension à vanter les qualités de la mémoire et de l'aptitude à anticiper l'avenir en détectant les signes cachés, est de beaucoup antérieur. [ ... ] Il n'est donc pas possible de postuler une innovation apportée par le mouvement rosicrucien. »

Cf. André Kervella (2002) – La Passion écossaise – Microcosmes – Sous le nouveau Salomon

L'innovation apportée par le mouvement rosicrucien sur ses prédécesseurs – Nostradamus et Ciacconius – c'est que sa double vue ne se fonde plus sur deux périodes de 444 ans – autour de 1555 et 1588 – à trente-trois ans d’intervalle.

Elle enchaîne deux temps apocalyptiques de 360 ans dans lesquels elle introduit à partir de 1604 trois périodes de 120 ans qu'elle emprunte à l'historiographie du Saint Empire Romain Germanique. Mais le principe et la méthode sont en effet les mêmes.

Reste que la maçonnerie écossaise que nous connaissons, qui nous vient de France et dont l'influence pour René Guénon ne s'achève qu'en 1783 est beaucoup plus récente et ne voit le jour dans l'historiographie du Grand Orient qu'en 1732 :

« ... la loge de la rue des Boucheries est la première qui reçoit en France une constitution régulière de la grande loge d'Angleterre mais [ ... ] son ancienneté n'est retenue qu'à partir du 7 mai 1729 sous le titre de Saint-Thomas à la taverne du Louis d'Argent. » [ ... ]

« Ce n'est qu'en avril 1732 que la loge du Louis d'Argent sera reconnue par la Grande Loge londonienne. »

Cf. André Kervella (2002) – La Passion écossaise – L'expansion en Europe – L'essor [ pour l'Histoire de la Fondation du Grand Orient de France de 1812 ]

Notons ici un motif que nous avons déjà rencontré sur la montagne des Armoises au Sud de Bruxelles, là où la confrérie des Bouchers sert apparemment du support à des élaborations que nous qualifierons d'hermétiques :

« Sur l'Ordre des Chevaliers Élus proprement dit, nous avons moins de garantie [ que pour le soulèvement manqué de 1715 et les revers subis par l'armée de Charles Édouard. ]

« En l'état actuel de la recherche, il est impossible de savoir quand il est apparu, comment il s'est développé. À force de recouper les documents – quelle qu'en soit la nature – nous devons alors adopter un double point de vue.

« Désormais qu'il ne ne fait guère de doute que les Jacobites ont voulu inventer une nouvelle version de la maçonnerie au cours des années 1730, le principe de son existence forme une sorte de fondement à n'importe qu'elle étude de l'Écossisme.

« Cependant, les modalités choisies pour lui donner corps prêtent à controverse. En hypothèse basse, nous devons parier pour un seul grade.

« Puisqu'il s'agit d'opérer un détour à l'institution première où l'on est maçon tout uniment - « fellow » [ pour ] compagnon de la fraternité – on ne voit pas l'intérêt d'en concevoir plusieurs.

« Malheureusement, nous échouons à en connaître le nom. Plusieurs possibilités se présentent [ « ... où celui de Grand Écossais s'annonce en récompense suprême. » ]

« Reste que les archives [ ... ] offrent de précieuses indications pour admettre une connexion forte entre ces Chevaliers Élus et la mouvance stuardiste.

« Disons [ qu'en ] ce sens, ils proposent la composante chapitrale des loges bleues dont la propagation est également assurée au même moment.

« Le rituel est clair au moins sur l'idée qu'il faut avoir donné pleine satisfaction dans ces loges pour espérer accéder au quatrième grade. Il l'est tout autant sur trois autres points :

« Le premier est que ses dirigeants ne valorisent que la dimension écossaise ; ...

« Le second qu'ils reprennent certains épisodes de la geste templière en développant une thématique de la vengeance autour de l'imagerie kadosh ; ...

« Le troisième qu'ils considèrent leur système comme le seul apte à parachever un authentique cheminement initiatique. » [ ... ]

« Tout compte fait, il se peut que l'objet du scandale [ qui inquiète le gouvernement français sous Louis XV ] soit dans l'usage de la thématique kadosh.

« ... l'allégorie qu'affectionnent les Chevaliers Élus est celui de la vengeance promise aux assassins de l'architecture du temple de Salomon. C'est une allégorie. Est-elle purement gratuite ?

« En dépit des risques de déphasage [ ... ] il convient de relire de très près les archives qui la véhiculent.

« Les premiers maçons Écossais songeaient bel et bien à venger les malheurs des Stuarts depuis la décapitation de Charles 1er, fils du Salomon de la Grande Bretagne, selon l'expression officielle de son temps. » [ ... ]

Cf. André Kervella (2002) – La Passion écossaise – Retour aux sources – Crépuscule

   

    

jeudi 4 août 2022

Le mystère des acrostiches

Pour le cinquante-quatrième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :
   

« ... ce que nous présageons n'est pas forfanterie
Car nous sommes frères de la Rose-Croix
Nous possédons le Mot de Maçon et la double vue
Les choses à venir nous pouvons les prédire correctement
Et pour peu que nous montrions à quel mystère nous pensons
en bons acrostiches se voit CAROLUS REX. »

Henry Adamson
« The Muses threnodie »
cité par T. W. Marshall dans « History of Perth »
et traduit par André Kervella dans sa Passion écossaise
d'après l'édition posthume de 1638 :

« ... what we do presage is not in grosse
For we be brethren of the Rosie Crosse
We have the Mason Word and second sigth
Things for to come we can forewell arigth
And shall we show what mystery we meane
in fair acrosticks CAROLUS REX is seene. »
   

Cette première mention du Mot de Maçon dans les présages de la Rose-Croix mentionne aussi la double vue pour l'enchaînement de ses deux anneaux de pouvoir autour de 1604 semblables aux temps apocalyptiques de 360 ans.

Les acrostiches carolingiens dont on ne retrouve pas ici le principe indiquent les trois périodes intermédiaires qui sont celles de la sépulture de l'empereur pour l'intronisation d'Otton-le-Grand 120 ans après le partage de Verdun en 843.

L'invention inaugurale de la sépulture impériale est dès lors semblable à celle de Christian Rosenkreutz qui serait mort en 1484 à l'âge de 106 ans dans la fable de 1604.

Le présage rosicrucien sur la maçonnerie spéculative de 1724 est donc bien antérieur à la Grande Loge de Londres de 1717 et même à l'historiographie de la maçonnerie écossaise que Kervella introduit avec la décapitation du roi Charles en 1649.

Mais on ne voit pas qu'on y aurait ferait état d'un mystère à propos de ce roi qui était déjà sur le trône depuis 1625 comme l'historiographe voudrait le faire accroire en repoussant ce présage qui ne pourrait être alors que celui de sa fin tragique.

L'ombre tutélaire du Grand et Parfait Maître Écossais de 1763 apparaît néanmoins comme celle de Jacques VI et I qui règne déjà sur l’Irlande et sur l'Angleterre dès 1603 : elle précède dans les confréries le travail de la prédiction qui pèse sur leur coterie.

« Durant un demi siècle environ, à partir des années 1640, la quasi totalité des hommes connus pour leur appartenance à la franc-maçonnerie – et quelquefois la dévoilant comme telle – sont des fidèles de la dynastie des Stuarts.

« Tel est le fait incontournable qu'il importe de méditer. Leur nombre n'est pas élevé ; il est toutefois assez fort pour autoriser une recomposition valide de leur aventure. Elle est scandée par quatre temps [ qui n'ont rien d'apocalyptique : ]

« Le premier est que les loges apparaissent [ sous le règne du roi Charles ] dans un contexte de tumultes et d'antagonismes.

« Le second est [ qu'après ] l’exécution de Charles 1er et durant la dictature d'Olivier Cromwell, plusieurs fidèles conservent des contacts clandestins pour travailler à la restauration de la monarchie.

« Le troisième est [ qu'une ] fois cette restauration réalisée le 8 mai 1660 en la personne de Charles II – fils du précédent – une dispersion pourrait survenir si les occasions de discordes civiles ne resurgissaient pas ; ...

« ... elles sont provoquées encore pour des motifs politique [ et ] religieux [ où ] la maçonnerie est indubitablement pratiquée par des royalistes proches du catholicisme romain, voire résolument papistes.

« Le quatrième [ temps ] est que le règne de Jacques II qui succède à son frère décédé en février 1685 s'achève vite par la révolution orangiste [ de 1689 ] qui les contraint à l'exil en France.

« Alors – parmi les partisans qui prennent son sillage – plusieurs deviennent les propagateurs des loges continentales. Ce sont eux qui ont jeté les bases de ce qu'on appellera plus tard la maçonnerie écossaise. »

Cf. André Kervalla [ dans son ] Introduction [ à ] la Passion écossaise [ pour les ] Microcosmes [ sous ] le nouveau Salomon (2002)

Si le nouveau Salomon est ici Jacques I – salué comme tel dès 1579 – la date pour la fondation du Temple écossais en Angleterre est son intronisation en 1603. Ce qui la rend pour ainsi dire jumelle avec la fable rosicrucienne de 1604.

Mais entre les sœurs siamoises, la Veuve du grand roi doit composer avec un acteur qui ne dépend ni de l'une ni de l'autre et qui se manifeste dès 1689 avec la révolution orangiste, un siècle avant la révolution française.

Ce qui ne nous permet pas de penser que les régicides et leur réitération – celui de 1793 réitérant celui de 1649 – théorisés à toute fin utile par les Jésuites – avant 1773 – soient imputables à la mystique protestante de 1638.

Cette mystique à bien pu s'enticher du roi Charles mais c'est à l'empereur Charlemagne et au remembrement du Saint Empire Romain Germanique par Otton-le-Grand qu'elle songe en invoquant le mystère de ses acrostiches.