Pour
le vingt-quatrième cycle du septième mois de la décade
comprenant
la nuit et le jour :
« Or,
on sait que, parmi les accusations portées contre les Templiers,
figure le culte rendu à une idole en forme de tête, le fameux
« baphomet », qui semble d'ailleurs plus mythique que
réelle. » [ ... ] « Le « Baphomet est un mythe. »
Cf.
Jean Markale – Les ombres de Gisors [ et ] La tête
mystérieuse dans Gisors et l'énigme des Templiers
(1986)
« Pourtant
ce célèbre « Baphomet » a fait couler beaucoup d'encre,
des torrents de littérature savante... »
« Qu'est-ce
donc que ce « Baphomet » ?
« Pour
John Charpentier, qui est un remarquable connaisseur du problème des
Templiers, une hypothèse s'impose, celle d'une entente secrète
entre l'Orient et l'Occident symbolisé par une tête à deux
visages, entente préparée par les Templiers.
« Cette
hypothèse, partagée par Victor-Émile Michelet, reprise par Julius
Évola et [ par ] René Guénon, propose que les Templiers, du moins
certains d'entre eux appartenant à un cercle d'initiés, [ ... ]
« [
... ] aient voulu unir dans une sorte de « transœcuménisme »
les sagesses de l'Orient et l'Occident, de l'Islam et de la
Chrétienté. Le « Baphomet » en serait l'image
symbolique.
[
« Transœcuménisme » est un néologisme et un oxymore. ]
« Nous
retrouvons là le fameux syncrétisme guénonien. Mais pourquoi pas ?
On peut aussi bien supposer que les Templiers ont été des
crypto-musulmans, des « Soufis » par exemple.
[
Guénon s'est exprimé contre le syncrétisme. ]
[
Les « Soufis » ne sauraient être des crypto-musulmans. ]
« Les
événements historiques s'opposent formellement à cette hypothèse,
mais passons...
« Des
érudits occidentaux [ écrit Idries Shah en 1972 ] ont supposé que
Bafomet [ ... ] pouvait être une corruption de l'arabe
« abufihamat » [ ... ] qui peut se traduire par « père
de la compréhension ».
« Dans
la terminologie soufie, « ral-el-fahmat » – tête de
connaissance – se réfère au processus mental de l'initié. »
[ ... ]
[
C'est du baragouinage ou du charabia. ]
« On
s'est penché attentivement sur le sens du mot « baphomet ».
Au début du XIXe siècle, l'arabisant Sylvestre de Sacy a soutenu
qu'il s'agissait d'une altération du nom de Mahomet, ce qui
évidemment souleva une tempête de protestation : [ ... ]
« [
... ] on ne pouvait pas concevoir une représentation
anthropomorphique dans le culte musulman, bien que Sacy ait trouvé
dans un dictionnaire du XVIIIe siècle le mot « bahommerid »
pour désigner « mosquée ».
[
Il ne s'agit pas d'une altération mais d'une similitude. ]
« L'orientaliste
allemand Hammer-Purstall a soutenu que « Baphomet »
provenait du mot arabe « Bahoumid » signifiant « veau ».
Il en a conclut que la Tête des templiers se référait au culte du
Veau d'or. » [ ... ]
« Mais
comme le mot Bahoumid ne se trouve dans aucun lexique, Hammer-Pursall
changea vite de thèse. Il affirma alors que le mot avait une origine
gnostique et résultait du groupement de deux mot grecs :
« baphé » et « météos » – baptême et
initiation.
[
C'est le cas pour le premier d'entre eux. ]
« Selon
lui, cela évoquait une initiation par le feu.
« Tel
n'était pas l'avis de l'occultiste Victor-Émile Michelet. Pour lui,
il s'agissait d'une formule abrégée, « Templi Omnium Pacis
Abbas », autrement dit TEMOHPAB qu'il faut lire [ ... ] de
droite à gauche, en retenant seulement [ ... ] certaines lettres et
pas d'autres.
« Et
sur le même principe, John Charpentier, partant du principe non
fondé [ mais remarquablement informé ] que Saint Jean-Baptiste
était le patron du Temple, a suggéré de réunir Baptiste [ et ]
Mahomet, [ ... ]
« [
... ] en biffant, après la troisième lettre [ du premier ] un
nombre égal [ de lettres empruntées au dernier. ] » [ Ce qui
en fait huit. ] [ ... ]
[
Saint Jean-Baptiste n'était peut-être pas le patron des pauvres
chevaliers du Temple de Salomon mais c'est la solution de ce
« polygramme ». ]
« Albert
Ollivier prend une toute autre direction. Il propose de rapprocher le
nom de Baphomet de Bapho qui est le nom du port de Chypre où les
Templiers se sont installés durant de longues années.
« Il
suppose une possible relation entre le culte d'Astarté, qui avait un
temple à Bapho dans l'Antiquité, et la Vierge Marie qu'honoraient
tout particulièrement les Templiers.
[
Mais nous ne somme plus dans l'Antiquité à l'époque des Templiers.
]
« Il
n'est pas impossible [ écrit Ollivier en 1958 ] que l'Ordre ayant
ramené de Chypre quelque tête ou ossement – pouvant être aussi
bien chrétiens que païens – les juges aient voulu rattacher cela
au culte d'Astarté. »
« Ce
serait supposer que les juges et les inquisiteurs aient eu une
culture générale assez étendue et une connaissance approfondie des
cultes de l'Antiquité, ce qui est loin d'être prouvé.
« Cela
dit, l'hypothèse est intéressante dans la mesure où l'on sait
qu'il y a certainement eu a Chypre des contacts très suivis entre
les Templiers et des Chrétiens orientaux, notamment des Coptes.
« Mais
il semble qu'il y ait peu de rapport entre l'idole barbue décrite au
cours des interrogatoires et une figuration d'Astarté, même si
celle-ci tait considérée comme la déesse de Bapho. »
« Mais
c'est ce donner beaucoup de mal pour rien. Car en définitive, jamais
le mot « Baphomet » [ n'aurait ] été prononcé par les
accusateur du Temple, ni même par les Templiers interrogés, du
moins au début de l'enquête.
[
Reste à déterminer où se trouve le début et la suite de cette
enquête. ]
« Ce
sont les historiens et les occultistes qui sont responsables de
l'incroyable diffusion de ce mot. La réalité [ serait ] beaucoup
plus simple : [ ... ]
« [
... ] elle se [ trouverait ] dans l’interrogatoire d'un sergent de
Montpezat, près de Montauban, qui [ se serait ] accusé d'avoir
« adoré une image baffométique ». Et ce sergent
s'exprimait en occitan, la langue de la région.
[
Nous lui accordons le conditionnel. ]
« Les
enquêteurs, qui étaient du Nord, n'ont pas très bien compris de
quoi il s'agissait. Ils ne savaient pas, en tout cas, qu'en langue
d'oc, « Baphomet » était la déformation populaire de
Mahomet.
[
Markale reprend l'hypothèse de Sylvestre de Sacy à son compte en
lui trouvant une source occitane. ]
« Cela
nous est prouvé par un poème d'un troubadour qu'on connaît sous le
nom d'Olivier de Templier, qui écrivait en 1265 : [ ... ]
« [
les Turcs ] savent que chaque jour ils nous abaisseront, car Dieu
dort, qui veillait autrefois, et Baphomet manifeste son pouvoir et
fait resplendir le sultan d’Égypte. »
[
Reste à savoir ce que voulait dite le troubadour. ]
« Ainsi
donc, une image « baphométique », c'est tout simplement
une image « mahométane ». Le sergent ignorait
certainement que la religion musulmane interdit toute représentation
humaine [ dans les mosquées ] [ ... ]
« [
... ] comme l'auteur de la « Chanson de Roland » et bon
nombre d'écrivains du Moyen-Âge parlant des Sarrasins d'ailleurs.
[
Reste à démontrer aussi que les gens de « Sarras » qui
sont ceux « de la Tête » et les Mauritaniens étaient
tous « musulmans ». ]
[
Markale note qu'ils jurent dans les Chansons de Geste du XIIe et du
XIIIe siècle par Mahomet, par Apollon et par Tervagant en se livrant
au culte des idoles. ]
[
« ... les fameux sarrasins regroupent tout ce qui n'est pas
chrétien, aussi bien la religion romaine que la religion druidique,
et également les survivances populaires de ces religions dans les
campagne. » ]
« Pour
lui [ le Sergent ] une image bizarre, et qu'il considérait comme non
chrétienne, ne pouvait être qu'une « mahomerie », comme
on disait parfois au XIIe et XIIIe siècles, où l'on allait guère
chercher de précisions.
[
C'est bien connu : nos ancêtres sont des crétins. ]
« Dans
les Chanson de Geste, tout ce qui n'est pas chrétien est sarrasin.
Et c'est sur cette erreur d'interprétation qu'on a bâti de savantes
théories et qu'on a cru voir une influence musulmane sur les
croyances secrètes des Templiers !
« Le
« Baphomet » n'existe pas : c'est une invention
d'érudit. »
« Mais
s'il n'y a pas de « Baphomet », à proprement parler, il
semble quand même y avoir une « tête », puisque de
nombreuses déclarations en font foi. »
« Eh
bien, non : il n'y a pas de tête non plus. »
[
La tête de Saint Jean Baptiste ce trouve dans la cathédrale
d'Amiens et son corps dans la grande mosquée de Damas. ]
[
Il y aurait une autre tête qu'on attribuerait aussi à Saint Jean
Baptiste dans les régions pyrénéennes – sans doute en Navarre. ]
Cf.
Jean Markale – L'énigme des Templiers – La tête
mystérieuse (1986)
« Et
comme les hommes de Philippe le Bel n'ont jamais trouvé un seul
« baphomet » dans un des établissements du Temple, la
postérité s'est chargée d'en découvrir de nombreux.
« Ne
parlons pas du « baphomet » de l'église Saint-Merri à
Paris. On sait que c'est une sculpture datant de la restauration de
l'église, une farce d'un tailleur de pierres.
« D'ailleurs,
comment peut-on l'appeler « baphomet » ? Il s'agit
d'une figure du diable comme on en voit souvent dans les églises ou
[ dans ] les cathédrales du Moyen Âge.
[
Non pas « dedans » mais « dehors ». ]
« Mais
il semble qu'on ait fait, depuis un siècle au moins, une ample
moisson de baphomets. La moindre gargouille est devenue un
« baphomet ». La moindre figure grimaçante a été
assimilée, sans aucune preuve, à l'idole des Templiers.
« On
a même été cherché des baphomets dans la nature, sur des lieux
qui ont été certes des sanctuaires mais d'époque bien
antérieure. »
[
S'en suivent quelques considérations sur la représentation d'un
« dieu hurleur » qui serait celui de l'éloquence,
caractérisé par un visage à la bouche ouverte et que Markale
qualifie de « Gallo-Romain, voire de Gaulois ou des hommes de
la Préhistoire. »
Puis
il conclut que les Templiers auraient pu – le cas échéant –
rendre un culte à la tête coupée d'un héros celtique, celle de
« Brân le béni » qui aurait « perduré longtemps
dans la mémoire du peuple. » Nous n'y voyons aucune
contradiction. ]
Cf.
Jean Markale – L'énigme des Templiers – La symbolique
templière (1986)