lundi 30 août 2021

Le Janus baphométan

Pour le vingt-septième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« [ Gérard de Paragio ] déclare [ dans sa déposition ] que « celui qui l'a reçu dans l'Ordre [ des Templiers ] lui montra une croix de bois, et lui demanda s'il croyait que ceci fut Dieu.

Il répondit que c'était l'image du Crucifié. Le frère Baudoin lui dit : « Ne le crois pas, c'est un morceau de bois : Notre-Seigneur est dans les cieux... »

Cependant, [ il ] ajoute [ que ] « tous les vendredis on adorait la croix, les pieds déchaux, avec le plus grand respect, dans les maisons du Temple. » [ ... ]

« C'est un rite [ « spuitio super crucem » ] destiné à rappeler le reniement de saint Pierre. » [ « À preuve le reniement imposé « trois fois » à Jean Anglici. » ] [ ... ]

« [ ... ] dans toutes les provinces [ de l'ordre ] [ les Templiers ] avaient des idoles, [ ... ] des têtes dont quelques-unes avait trois faces et d'autres une seule [ ... ] » [ cf. art. 46 de l'acte d'accusation publié par la Cour de Rome. ]

« [ ... ] d'après Hugues de Perando, [ la tête ] était monté sur quatre pieds, dont deux de coté de la face et deux par derrière.

« Elle a trois visages pour André Armani [ « Certain frères lui en attribuent même quatre » note Charpentier ] [ elle en a ] deux pour Guillaume d'Arteblay [ ... ] »

Cf. John Charpentier – L'ordre des Templiers – Hérésie (1972)

« Restent les explications que l'on a données du mot Baphomet. On l'a orthographié de diverses manières : « Baphomet », « Bafumet », « Bahomet », « Bahumet », et fait dériver du nom de Mohammed selon la loi du moindre effort, qui a du bon.

« Avec d'avantage d'ingéniosité, on s'est demandé s'il ne venait pas phonétiquement de « Mauffe », « Maufé », locution courante au Moyen Âge pour désigner le diable. [ Il s'agit alors d'une ingéniosité maligne ou d'une malignité ingénue. ]

« Mais c'était revenir à l'étymologie première, puisque les Croisées donnaient communément au prince des ténèbres le nom, plus ou moins estropié ou défiguré, du prophète des infidèles... [ Celui des musulmans ]

« Il se peut que les postulants Templiers aient ainsi désigné l'idole imposée ou proposée à leur adoration, dans les chapitres où ils étaient reçus.

« De plus savant chercheurs ont tiré « Baphomet » de « Baphé » qui, en grec signifie « baptême », et de « Meteos », initiation. Étymologie [ en partie ] contestable.

« Hammer-Purgstall voit dans l'emploi de ce mot la preuve de l'influence des doctrines orientales sur les Templiers et de leur affiliation [ supposée ] à la Gnose.

« Le baptême gnostique était un baptême du feu, il est vrai. Il se faisait, non par l'eau lustrale, mais le renouvellement, au bénéfice du catéchumène, de la descente de langues de flammes qui s'était produite pour les apôtres. » [ À la Pentecôte ]

[ Cette définition permet d'écarter l'hypothèse ; mais il y a autant de gnoses qu'il y eût de gnostiques en dehors des dogmes de la grande église. ]

« Dans le domaine des conjonctures où tout ceci nous entraîne, il n'est pas déraisonnable de supposer que les images baphométiques du Temple se présentait sous l'aspect d'une sorte de Janus [ ... ] une face tournée vers l'avenir, l'autre vers le passé, [ ... ]

« [ ... ] ou encore, celle-ci regardant vers l'Orient, celle là vers l'Occident. La première était rasée comme nos chevaliers ; la seconde, barbue comme les sarrasins. »

« Quand on sait [ ... ] que le patron des Templiers était Jean – le Baptiste – on peut penser qu'il s'opposait, dans la figuration présumée, par l'idole des civilisations chrétienne et musulmane, à Mohammed – « Mahomet » – le prophète de l'Islam.

« Qu'on écrive [ ... ] maintenant, côte à côte, [ le nom ] du saint et [ celui ] [ du Sceau des prophètes, ] on obtient par contraction [ ... ] au milieu de ce mot composé, l'énigmatique vocable : « Baphomet ». [ ... ]

Cf. John Charpentier – L'ordre des Templiers – Hérésie (1972)

Charpentier note qu'il est impossible « de trouver trace de manichéisme » dans la figuration du Janus. Il oppose néanmoins ses faces dans sa représentation des deux civilisations.

Dans la symbolique métaphysique de la Croix, la complémentarité des faces latérales ou transversales suppose une lieu d'élévation qui relie le Nadir à son Zénith. Ce lieu d'élévation quand il relie le Baptiste au Sceau des prophètes, c'est celui du Christ.

   

    

dimanche 29 août 2021

La règle du jeu

Pour le vingt-sixième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Probst-Biraben et Maitrot de la Motte-Capron en ont fait judicieusement la remarque [ au « Mercure de France » dans « Les gardiens du Temples » du 1er décembre 1939 ] :

« En dehors des dogmes fondamentaux intangibles, il y avait, à cette époque, plus de tolérance pour les importations étrangères. Jusqu'aux XIIIe et XIV siècles, bien des originalités n'étaient pas tenues pour des hérésies, [ ... ]

« [ ... ] témoin le bienheureux Franciscain Raymond Lulle, scolastique excentrique, mais vénéré, dont les orientalismes de forme sont nombreux.

« Ce dernier polygraphes fréquentait les musulmans, reçut l'influence salutaire des Soufis et voulut, en dehors des dogmes naturellement, rapprocher les deux peuples musulman et chrétien. Les Templiers firent sans doute de même. »

Cité par John Charpentier dans l'Ordre des Templiers – L'influence de l'Islam (1977)

« Firent de même » : vouloir « rapprocher les deux peuples » – sans doute – « en dehors des dogmes » : c'est peu vraisemblable.

« Y a-t-il si loin, au surplus, à y regarder d'un peu près, du mahométisme au christianisme ?

« De bons esprits ne le croient pas, et Joseph de Maistre est du nombre qui cite [ ... ]à l'appui de son opinion [ dans les « Soirée de Saint-Pétersbourg » ] le chevalier Jones, [ ... ]

« [ ... ] lequel a écrit que « les mahométans sont une secte chrétienne » quoiqu'ils donnent dans l'hérésie d'Arius ».

Cité par John Charpentier dans l'Ordre des Templiers – L'influence de l'Islam (1977)

« Ils donnent » : le « Seul Vrai Dieu » que les Ariens reprennent à Jean [ le Théologien ] en lui subordonnant le Fils et l'Esprit ; mais sans lui accorder la paternité et la filiation – fut-ce celle d'un « premier né » qu'on aurait sacrifié sur la Croix.

« Qu'est-ce que l’ismaélisme ? La croyance que les descendants d'Ali et de Fatima – La fille du Prophète – les Imams – chefs spirituels – sont les rayons incarnés de la divine Lumière que Mohammed représenta sur la terre.

[ Nous parlons d'immamisme pour les quinze descendants du gendre et du pôle – Fatima Zohra – de la Maison du prophète. ]

Si Ismaël, le dernier en date des Imams, celui à qui l'ange Gabriel lui-même substitua un mouton pour qu'on l'égorgeât à sa place, comme on allait le sacrifier, a disparu, sa race subsiste, et le devoir des vrais fidèles est d'entreprendre sa recherche.

[ Ismaël n'est pas le dernier des imams mais le premier des deux successeurs – avec l'imam Mûsâ – dans l'ascendance de Ja'far as-Sâdiq. Il n'est pas non plus le frère d'Isaac dans celle d'Abraham. ]

« On voit le mouvement ismaélien prendre toute son ampleur aux VIIIe et IXe siècle [ de l'ère chrétienne ] quand les Karmathiens – qui s'appelaient eux-même ismaélites – s'ébranlèrent pour découvrir leur Imam.

[ « S'ébranlèrent » : les Carmâtes qui se qualifie d'ismaélites et qu'on fait passer pour des ismaéliens ; mais qui ne sont pas de la Maison du prophète. ]

« Les Abbassides en firent grand massacre, mais l'un d'eux, réfugié en Égypte, fonda la dynastie fatimide [ ... ]. » [ idem ]

Cf. John Charpentier – L'ordre des TempliersL'influence de l'Islam (1977)

L'influence qu'imagine Charpentier entre dans la perspective agnostique et rationaliste qui serait celle des Carmâtes et des Assassins – les Gardiens de la Terre Sainte qu'on rapproche de l'ordre des pauvres chevaliers du Temple de Salomon.

« Les Templiers [ écrira Gérard de Nerval ] furent, entre les Croisés, ceux qui essayèrent de réaliser l'alliance la plus large entre les idées orientales et celles du christianisme romain. » C'est du moins l'idée qu'il s'en fait en 1852.

Nerval cherche alors parmi les « Illuminés », les « précurseurs du socialisme » :

« [ ... ] un peu partout dans son œuvre [ note Henri Lemaitre ] on voit apparaître les Templiers, les moines rouges, considérés comme [ les ] précurseurs d'une révolution politique et sociale liée à leur illuminisme. »

   

    

vendredi 27 août 2021

À mon seul désir

Pour le vingt-cinquième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Raconte-moi l'histoire [ des ] tapisseries.

« La Dame à la Licorne. Quelle en est [ son ] histoire ?

  • Ah ! Nous y voilà ! Au début, une Dame se tient devant une tente bleue sur laquelle est écrit : « À mon seul Désir ». [ ... ]

  • Le lion et la licorne assis relèvent les pans de la tente tout en présentant la bannière et l'étendard des Le Vistes. [ ... ]

  • La Dame prend dans le coffret les bijoux qu'elle portera dans les autres tapisseries. Dans trois autres tapisseries, la Dame fait approcher la licorne qui, à la fin, pose les pattes sur les genoux de la Dame et se contemple dans le miroir. Dans la dernière, elle l'éloigne, en la tenant par la corne. [ ... ]

  • Cette tenture [ celle où la Dame donne une dragée à sa perruche ] est censée représenté le Goût, l'un des cinq sens. On y voit aussi un singe grignoter aux pieds de la Dame qui a l'air particulièrement enjoué. La brise souffle, soulevant son voile. Quant à la licorne, elle a l’œil vif. [ ... ]

  • La licorne qui se contemple dans le miroir symbolise la Vue et celle où la Dame porte la main à sa corne représente le Toucher. [ ... ] Vient ensuite l’Ouïe où la Dame joue de l'orgue. Quant à celle [ où un singe, assis sur un tabouret, porte une fleur à ses narines ] il s'agit de l'Odorat.

  • Quel genre de fleur ? [ ... ]

  • Un œillet [ ... ]

  • La Dame devrait avoir au moins une suivante à ses côtés. [ ... ]

  • Par exemple [ pour ] l'Odorat [ ... ] une jeune femme pour tenir les œillets tandis qu'elle les tresses, ou [ pour ] l'Ouïe, une suivante pour actionner les soufflets de son orgue. Ainsi [ pour ] le Goût, elle pourrait lui tendre dans un drageoir une friandise que la Dame donnera à sa perruche. [ Pour son ] seul Désir [ ... ] une suivante [ ... ] présente le coffret à bijoux. [ ... ]

  • Pour la séduction en soi [ la Dame n'a pas besoin d'un chaperon. ]

  • [ Il n'y a pas de suivante pour la tapisserie ] où la Dame capture la licorne. Je veux dire [ pour ] la Vue, celle où la licorne pose la tête sur les genoux de la Dame.

  • [ Ni pour ] le Toucher où elle tient la corne [ de la licorne. ] »

    Cf. Tracy Chevalier (2003) – La Dame à la Licorne – Bruxelles / Pentecôte 1490

La corne de la licorne est l'objet de ton désir.

Sa cornée est au centre de mon iris.

À la fin, tu te tiens devant la tente bleue. Tu remets tes bijoux dans leur coffret.

Pour la cochalita de Cochabamba si tu m'entends :

« J’ai vu en songe un ange qui m’apportait un morceau de lumière blanche.

On eût dit qu’il provenait du Soleil. »

ad-Diwan al-Ma'arif [ du ] Muḥyî'd-Dîn

   

    

jeudi 26 août 2021

Le baphomet mahométan

Pour le vingt-quatrième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Or, on sait que, parmi les accusations portées contre les Templiers, figure le culte rendu à une idole en forme de tête, le fameux « baphomet », qui semble d'ailleurs plus mythique que réelle. » [ ... ] « Le « Baphomet est un mythe. »

Cf. Jean Markale – Les ombres de Gisors [ et ] La tête mystérieuse dans Gisors et l'énigme des Templiers (1986)

« Pourtant ce célèbre « Baphomet » a fait couler beaucoup d'encre, des torrents de littérature savante... »

« Qu'est-ce donc que ce « Baphomet » ?

« Pour John Charpentier, qui est un remarquable connaisseur du problème des Templiers, une hypothèse s'impose, celle d'une entente secrète entre l'Orient et l'Occident symbolisé par une tête à deux visages, entente préparée par les Templiers.

« Cette hypothèse, partagée par Victor-Émile Michelet, reprise par Julius Évola et [ par ] René Guénon, propose que les Templiers, du moins certains d'entre eux appartenant à un cercle d'initiés, [ ... ]

« [ ... ] aient voulu unir dans une sorte de « transœcuménisme » les sagesses de l'Orient et l'Occident, de l'Islam et de la Chrétienté. Le « Baphomet » en serait l'image symbolique.

[ « Transœcuménisme » est un néologisme et un oxymore. ]

« Nous retrouvons là le fameux syncrétisme guénonien. Mais pourquoi pas ? On peut aussi bien supposer que les Templiers ont été des crypto-musulmans, des « Soufis » par exemple.

[ Guénon s'est exprimé contre le syncrétisme. ]

[ Les « Soufis » ne sauraient être des crypto-musulmans. ]

« Les événements historiques s'opposent formellement à cette hypothèse, mais passons...

« Des érudits occidentaux [ écrit Idries Shah en 1972 ] ont supposé que Bafomet [ ... ] pouvait être une corruption de l'arabe « abufihamat » [ ... ] qui peut se traduire par « père de la compréhension ».

« Dans la terminologie soufie, « ral-el-fahmat » – tête de connaissance – se réfère au processus mental de l'initié. » [ ... ]

[ C'est du baragouinage ou du charabia. ]

« On s'est penché attentivement sur le sens du mot « baphomet ». Au début du XIXe siècle, l'arabisant Sylvestre de Sacy a soutenu qu'il s'agissait d'une altération du nom de Mahomet, ce qui évidemment souleva une tempête de protestation : [ ... ]

« [ ... ] on ne pouvait pas concevoir une représentation anthropomorphique dans le culte musulman, bien que Sacy ait trouvé dans un dictionnaire du XVIIIe siècle le mot « bahommerid » pour désigner « mosquée ».

[ Il ne s'agit pas d'une altération mais d'une similitude. ]

« L'orientaliste allemand Hammer-Purstall a soutenu que « Baphomet » provenait du mot arabe « Bahoumid » signifiant « veau ». Il en a conclut que la Tête des templiers se référait au culte du Veau d'or. » [ ... ]

« Mais comme le mot Bahoumid ne se trouve dans aucun lexique, Hammer-Pursall changea vite de thèse. Il affirma alors que le mot avait une origine gnostique et résultait du groupement de deux mot grecs : « baphé » et « météos » – baptême et initiation.

[ C'est le cas pour le premier d'entre eux. ]

« Selon lui, cela évoquait une initiation par le feu.

« Tel n'était pas l'avis de l'occultiste Victor-Émile Michelet. Pour lui, il s'agissait d'une formule abrégée, « Templi Omnium Pacis Abbas », autrement dit TEMOHPAB qu'il faut lire [ ... ] de droite à gauche, en retenant seulement [ ... ] certaines lettres et pas d'autres.

« Et sur le même principe, John Charpentier, partant du principe non fondé [ mais remarquablement informé ] que Saint Jean-Baptiste était le patron du Temple, a suggéré de réunir Baptiste [ et ] Mahomet, [ ... ]

« [ ... ] en biffant, après la troisième lettre [ du premier ] un nombre égal [ de lettres empruntées au dernier. ] » [ Ce qui en fait huit. ] [ ... ]

[ Saint Jean-Baptiste n'était peut-être pas le patron des pauvres chevaliers du Temple de Salomon mais c'est la solution de ce « polygramme ». ]

« Albert Ollivier prend une toute autre direction. Il propose de rapprocher le nom de Baphomet de Bapho qui est le nom du port de Chypre où les Templiers se sont installés durant de longues années.

« Il suppose une possible relation entre le culte d'Astarté, qui avait un temple à Bapho dans l'Antiquité, et la Vierge Marie qu'honoraient tout particulièrement les Templiers.

[ Mais nous ne somme plus dans l'Antiquité à l'époque des Templiers. ]

« Il n'est pas impossible [ écrit Ollivier en 1958 ] que l'Ordre ayant ramené de Chypre quelque tête ou ossement – pouvant être aussi bien chrétiens que païens – les juges aient voulu rattacher cela au culte d'Astarté. »

« Ce serait supposer que les juges et les inquisiteurs aient eu une culture générale assez étendue et une connaissance approfondie des cultes de l'Antiquité, ce qui est loin d'être prouvé.

« Cela dit, l'hypothèse est intéressante dans la mesure où l'on sait qu'il y a certainement eu a Chypre des contacts très suivis entre les Templiers et des Chrétiens orientaux, notamment des Coptes.

« Mais il semble qu'il y ait peu de rapport entre l'idole barbue décrite au cours des interrogatoires et une figuration d'Astarté, même si celle-ci tait considérée comme la déesse de Bapho. »

« Mais c'est ce donner beaucoup de mal pour rien. Car en définitive, jamais le mot « Baphomet » [ n'aurait ] été prononcé par les accusateur du Temple, ni même par les Templiers interrogés, du moins au début de l'enquête.

[ Reste à déterminer où se trouve le début et la suite de cette enquête. ]

« Ce sont les historiens et les occultistes qui sont responsables de l'incroyable diffusion de ce mot. La réalité [ serait ] beaucoup plus simple : [ ... ]

« [ ... ] elle se [ trouverait ] dans l’interrogatoire d'un sergent de Montpezat, près de Montauban, qui [ se serait ] accusé d'avoir « adoré une image baffométique ». Et ce sergent s'exprimait en occitan, la langue de la région.

[ Nous lui accordons le conditionnel. ]

« Les enquêteurs, qui étaient du Nord, n'ont pas très bien compris de quoi il s'agissait. Ils ne savaient pas, en tout cas, qu'en langue d'oc, « Baphomet » était la déformation populaire de Mahomet.

[ Markale reprend l'hypothèse de Sylvestre de Sacy à son compte en lui trouvant une source occitane. ]

« Cela nous est prouvé par un poème d'un troubadour qu'on connaît sous le nom d'Olivier de Templier, qui écrivait en 1265 : [ ... ]

« [ les Turcs ] savent que chaque jour ils nous abaisseront, car Dieu dort, qui veillait autrefois, et Baphomet manifeste son pouvoir et fait resplendir le sultan d’Égypte. »

[ Reste à savoir ce que voulait dite le troubadour. ]

« Ainsi donc, une image « baphométique », c'est tout simplement une image « mahométane ». Le sergent ignorait certainement que la religion musulmane interdit toute représentation humaine [ dans les mosquées ] [ ... ]

« [ ... ] comme l'auteur de la « Chanson de Roland » et bon nombre d'écrivains du Moyen-Âge parlant des Sarrasins d'ailleurs.

[ Reste à démontrer aussi que les gens de « Sarras » qui sont ceux « de la Tête » et les Mauritaniens étaient tous « musulmans ». ]

[ Markale note qu'ils jurent dans les Chansons de Geste du XIIe et du XIIIe siècle par Mahomet, par Apollon et par Tervagant en se livrant au culte des idoles. ]

[ « ... les fameux sarrasins regroupent tout ce qui n'est pas chrétien, aussi bien la religion romaine que la religion druidique, et également les survivances populaires de ces religions dans les campagne. » ]

« Pour lui [ le Sergent ] une image bizarre, et qu'il considérait comme non chrétienne, ne pouvait être qu'une « mahomerie », comme on disait parfois au XIIe et XIIIe siècles, où l'on allait guère chercher de précisions.

[ C'est bien connu : nos ancêtres sont des crétins. ]

« Dans les Chanson de Geste, tout ce qui n'est pas chrétien est sarrasin. Et c'est sur cette erreur d'interprétation qu'on a bâti de savantes théories et qu'on a cru voir une influence musulmane sur les croyances secrètes des Templiers !

« Le « Baphomet » n'existe pas : c'est une invention d'érudit. »

« Mais s'il n'y a pas de « Baphomet », à proprement parler, il semble quand même y avoir une « tête », puisque de nombreuses déclarations en font foi. »

« Eh bien, non : il n'y a pas de tête non plus. »

[ La tête de Saint Jean Baptiste ce trouve dans la cathédrale d'Amiens et son corps dans la grande mosquée de Damas. ]

[ Il y aurait une autre tête qu'on attribuerait aussi à Saint Jean Baptiste dans les régions pyrénéennes – sans doute en Navarre. ]

Cf. Jean Markale – L'énigme des TempliersLa tête mystérieuse (1986)

« Et comme les hommes de Philippe le Bel n'ont jamais trouvé un seul « baphomet » dans un des établissements du Temple, la postérité s'est chargée d'en découvrir de nombreux.

« Ne parlons pas du « baphomet » de l'église Saint-Merri à Paris. On sait que c'est une sculpture datant de la restauration de l'église, une farce d'un tailleur de pierres.

« D'ailleurs, comment peut-on l'appeler « baphomet » ? Il s'agit d'une figure du diable comme on en voit souvent dans les églises ou [ dans ] les cathédrales du Moyen Âge.

[ Non pas « dedans » mais « dehors ». ]

« Mais il semble qu'on ait fait, depuis un siècle au moins, une ample moisson de baphomets. La moindre gargouille est devenue un « baphomet ». La moindre figure grimaçante a été assimilée, sans aucune preuve, à l'idole des Templiers.

« On a même été cherché des baphomets dans la nature, sur des lieux qui ont été certes des sanctuaires mais d'époque bien antérieure. »

[ S'en suivent quelques considérations sur la représentation d'un « dieu hurleur » qui serait celui de l'éloquence, caractérisé par un visage à la bouche ouverte et que Markale qualifie de « Gallo-Romain, voire de Gaulois ou des hommes de la Préhistoire. »

Puis il conclut que les Templiers auraient pu – le cas échéant – rendre un culte à la tête coupée d'un héros celtique, celle de « Brân le béni » qui aurait « perduré longtemps dans la mémoire du peuple. » Nous n'y voyons aucune contradiction. ]

Cf. Jean Markale – L'énigme des TempliersLa symbolique templière (1986)

   

    

mercredi 25 août 2021

Le bellator rex

Pour le vingt-troisième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« [ ... ] dès 1292, le poète – et alchimiste – Raymond Lulle, un Catalan, qui s'intéressait de longue date à la possibilité de convertir l'Islam à la foi chrétienne, s'est fait le propagateur d'un vaste plan de conquête et d'évangélisation des pays musulmans.

« Ce plan est le suivant : des missionnaires possédant une solide connaissance de la langue arabe – Lulle était lui-même arabisant – recevront l'appui d'une nouvelle armée de Croisés,

« [ ... ] armée dont le noyau sera formé par les deux Ordres de l'Hôpital et du Temple réunis en un seul, et dont le chef suprême prendra le titre de « Bellator Rex » et deviendra roi de Jérusalem.

« Dans un premier temps, Raymond Lulle espère convaincre le roi Jacques II d'Aragon [ le Juste ] d'entreprendre une croisade contre Grenade, toujours aux mains des Musulmans, mais c'est à Paris qu'il trouve des auditeurs attentifs, à la cour du roi de France. »

« Philippe le Bel comprend tout le parti qu'il peut tirer du rôle de « Bellator Rex » s'il a assez d'audace pour s'emparer du titre.

« Il sait la puissance que représentent les ordres militaires : les Hospitaliers règnent sur la Méditerranée, et les Templiers sont les maîtres du continent européen.

« Devenir le chef suprême à la fois des Hospitaliers et des Templiers, cela représenterait pour le roi de France un atout considérable, et il pourrait alors devenir un véritable souverain mondial en se parant d'un autre titre, celui de roi de Jérusalem. »

« Ceci n'est pas une hypothèse gratuite. Philippe le Bel a pensé réellement ce plan.

« Il l'a même écrit dans une sorte de programme en quatre-vingts points dont nous possédons un manuscrit, certes fragmentaire, mais suffisamment précis pour que nous puissions le restituer dans son ensemble. [ cf. un document aragonais de 1308 ]

« Ces documents montrent que Philippe le Bel songeait à abdiquer en faveur de son fils aîné pour devenir le grand-maître des Ordres réunis.

« Le nouvel Ordre devait prendre le nom de Chevaliers de Jérusalem, et son grand-maître porter le titre de roi de Jérusalem.

« Après la mort de Philippe le Bel, la charge de grand-maître devait revenir, de génération en génération, au fils aîné du roi de France.

« Tous les prélats, archevêques et évêques y compris, auraient dû leurs revenus au grand-maître, pour la conquête de la Terre Sainte, ne gardant pour eux qu'un salaire modeste.

« Il en aurait été de même pour les ordres monastiques non engagés dans la reconquête.

« De plus, le « Bellator Rex » devait jouir d'une sorte de droit de regard sur l'élection des papes.

« Ainsi Philippe le Bel serait-il devenu plus puissant que l'empereur, et cela pour la plus grande gloire du royaume de France : [ ... ]

« [ ... ] car le roi de France, sacré un jour ou l'autre roi de Jérusalem, régnerait comme un empereur romain sur une vaste fédération de nations et établirait ainsi la paix universelle. »

[ ... ] « Mais quand toutes les tentatives de fusion eurent échoué, par suite de l'intransigeance des Templiers trop confiants dans leur force, Philippe le Bel a compris que, ne pouvant devenir le maître du Temple, il devait l’abattre.

« Parce qu'il était très puissant, donc dangereux, et parce qu'il aurait pu servir un autre « Bellatores Rex » que lui-même. Cela, c'est une réalité historique.

« Le procès intenté aux Templiers, s'il appartient aussi à l'Histoire, résulte de la vengeance d'un homme qui a vu s'effondrer son vaste plan d'hégémonie mondiale, et qui n'a pas pardonné aux Templiers d'avoir refusé de coopérer avec lui. »

Cf. Jean Markale – Qui étaient les Templiers ? – L'évolution du Temple (1986)

« [ ... ] Philippe le Bel lui-même, en souhaitant porter le titre de « Bellator Rex », voulait devenir roi du [ Saint ] Graal, c'est-à-dire dépositaire de ce Sang Royal qu'il espérait bien transmettre à ses descendants.

« Le malheur, c'est que les Templiers n'ont pas voulu de lui. »

Cf. Jean Markale – L'énigme des TempliersLe Temple et le Graal (1986)

Markale reprend ici une étymologie du « Sangral » qui interprète le « San-Gréal » comme un « Sang-Réal ». Cette interprétation n'aurait probablement aucun fondement si ce n'était le goût noir des mûres...

« Il aurait fait bon s'y endormir un soir de printemps,
quand les lilas sont en fleurs,
pour ne se réveiller qu'à la fin des temps,
lorsque les pommiers de l'île d'Avalon produiront des fruits mûrs toute l'année. »

Markale (1948)
au temps où il remontait la vallée de l'Epte

et l'acharnement

   

    

mardi 24 août 2021

Le dernier Père de l’Église

Pour le vingt-deuxième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Robert de Molesme [ le fondateur de l'ordre cistercien ] qui avait vu dans la richesse, le confort et la puissance des bénédictins une source de décadence spirituelle, avait voulu revenir à la règle primitive, celle de saint Benoît, et celle de l'Irlandais Colomban. » [ ... ]

« On a vu en [ Saint Bernard ] l'héritier d'une tradition occidentale qui remonterait aux Druides et au-delà. René Guénon a dit qu'il était « le dernier druide des Gaules ».

C'est une absurdité. L'action de Bernard de Clairvaux dément en tout points cette affirmation.

« Il n'y a pas plus romain que Bernard, il n'y a pas plus centralisateur, pas plus universaliste que lui, [ ... ]

« [ ... ] et c'est, il faut bien le dire, le contraire de l'attitude druidique répercutée à travers le monachisme irlandais et breton, et infiltré à petites doses dans le monachisme continentale bénédictin.

« Rome, au VIIe siècle, a tout fait pour détruire les Chrétientés celtiques parce qu'elles ne correspondaient pas au modèle tracé par le papes et leur affidés, parce qu'elles se permettaient d'apprécier différemment le message évangélique.

« Si le problème s'était posé au XIIe siècle, nul doute que Bernard de Clervaux se fût dressé contre les Chrétientés celtiques avec la virulence qui lui était coutumière [ celle dont il use contre les propositions d'Abélard. ] »

Cf. Jean Markale – Qui étaient les TempliersLa fondation du Temple (1986)

Markale s'en prend ici directement à Guénon d'une façon paradoxale dans laquelle on retrouve son refus de toute perspective métaphysique ou surnaturelle et son encrage dans un psychologisme militant.

Si Bernard de Fontaines est l'héritier de Saint Benoît et de Saint Colomban et si Saint Colomban est l'effigie d'un Christianisme celtique, il n'y a pas d'inconvenance à considérer Saint Bernard comme le dernier des druides.

Si tant est que Guénon ait jamais formulé ce genre d'outrance qu'on ne retrouve pas dans l'opuscule qu'il lui consacre où il présente Bernard comme un grand saint et comme le dernier Père de l’Église .

Il ajoute à ces appréciations que certains voudraient voir en lui – « non sans quelques raisons » – le prototype de Galaad ou le chevalier idéal et sans tache, le héros victorieux de la « queste du Saint Graal » et le « chevalier de Marie ».

On reconnaît son style à la fois précis et allusif qu'on résume difficilement par des formules à l’emporte-pièce mais où le dernier Père de l’Église apparaît aussi comme la figure éminente d'une culture romano-celtique.

Mis à part ce que Markale nous dit du VIIe siècle où l'installation d'un patriarcat romain à Canterbury prolonge l'évangélisation du Nord de l'Europe par Saint Colomban, tout ce qu'il nous dit sur Saint Bernard est faux.

Car au-delà des parallèles qui transposent cette installation au XIIe siècle, le modèle cistercien et sa charte de Charité correspondent plutôt à celui qu'il nous donne en exemple comme le type d'un monachisme irlandais et breton.

[ « ... Rome a littéralement livré les Bretons aux Anglo-Saxons au VIIe siècle et les Irlandais à Henry II Plantagenêt au XIIe siècle. » - cf. Les grandes heures de Gisors ]

Mais c'est bien évidemment d'une synthèse entre ce modèle et celui que Markale qualifie de bénédictin dont il est question et il y a plus encore dans la proposition qui nous la présente comme celle du dernier Père de l’Église.

Quand on parle de la Chrétienté – au sens le plus générique de son expression et en-deçà de toute idiosyncrasie culturelle – il faut constater qu'elle n'aura pas durée deux siècles entre le concile de Troyes (1129) et celui de Vienne (1312).

Son histoire – quand on la confond avec celle des Templiers – n'est précédée que par une longue évangélisation du monde romain puis germanique avant d'être subvertie dès Philippe le Bel par un gallicanisme qui ne cesse de la déposséder d'elle-même.

« On peut [ ... ] supposer [ conclut Markale ] que Bernard de Claivaux a voulu sciemment l'implantation du Temple à travers toute l'Europe en un réseau aussi serré que possible parce qu'il garantissait l'unité du monde chrétien. »

« Maintenir dans la Chrétienté une vive conscience de son unité » fait aussi partie « des raisons plus profondes » que Guénon attribue aux « grands mouvements [ politique et religieux ] du Moyen-âge » en parlant des croisades.

Ce que nous pouvons dire, c'est que le monde chrétien de Galaad a joué son rôle dans la succession des temps apocalyptiques entre la cohorte du second témoin et la dernière cohorte orientale des turco-moghol qui fut celle du Sheykh al-Akbar.

C'est une des raisons plus profondes évoquées par Guénon qui identifie la Chrétienté médiévale à la civilisation occidentale et à l’œuvre de Saint Bernard dans la constitution de l'ordre du Temple en situant son apogée au XIIIe siècle.

   

    

samedi 21 août 2021

Sous le Baucéant

Pour le vingt-et-unième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

Dans le chapitre qu'il consacre à l'arrestation des Templiers en octobre 1307, Markale reprend les cinq chefs d'accusation retenus par Philippe le Bel à leur encontre :

« Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les historiens ont généralement accepté [ l'authenticité ] de [ ces ] chefs d'accusation [ ... ]

« Depuis une centaine d'année [ en 1986 ] [ la plupart d'entre eux ] ont adopté une attitude diamétralement opposée [ en affirmant ] que tout [ ne serait ] qu'invention dans les accusations portées contre le Temple.

[ Markale qualifie cette conversion de curieuse mais nous la tenons pour la conséquence diffuse et logique d'une installation dans les commanderies au sommet du rite de York. ]

« Certains vont même jusqu’à [ comparer ces affabulations ] aux fameuses « chasses aux sorcières » des XVIe et XVIIe siècles.

[ Markale cite Heinrich Finke et Norman Cohn qui justifient ce retournement par un anachronisme flagrant. ]

« Quant aux auteurs ésotériques, ils ont tendance à croire en cette réalité, mais sous une forme plus symbolique. »

Cf. Jean Markale – Qui étaient les TempliersLe Temple en accusation (1986)

Markale cherche une position médiane entre deux extrêmes et réfute ou relativise ces accusations pour ne garder que la première d'entre-elles qu'il juge incontestable :

« Le [ triple ] reniement de Jésus » accompagné d'un rite d'exécration sur la Croix.

Markale distingue Jésus du Christ dans une sorte de monophysisme incongru mais reprend les aveux spontanés de Geoffroy de Cernay qui évoque plutôt son contraire :

« [ ... ] le même frère [ celui qui lui apporte un crucifix ] me dit de ne pas croire en celui dont l'image était là représentée, parce que c'était un faux prophète, et qu'il n'était pas Dieu. Il me fit renier Jésus-Christ trois fois, de la bouche, non du cœur. »

Cette formule – « de la bouche, non du cœur » – paraît si fréquente dans l'aveu à l'inquisition qu'on peut l'entendre comme une modalité du rite.

La négation de la divinité du Christ pourrait n'être que celle du « Scutum fidéi » où le Fils apparaît comme une créature subordonnée au Père et à l'Esprit.

Quant au triple reniement des Templiers, c'est d'abord celui de Pierre pour les évangiles synoptiques – cf. Matthieu XXVI ; Marc XIV et Luc XXIII :

« Avant que le coq chante [ deux fois chez Marc ] tu m'aura renié trois fois. »

Mais il peut y avoir un sens caché dans le chant du gallinacé qui représente la Gaule chevelue pour l'Abraxas aux trois cents soixante cinq éons.

Le crucifix sur lequel on crache est l'instrument du supplice qui surprend au XIIIe siècle et qui choque sans doute une sensibilité chevaleresque.

Les chevaliers ne sont pas des mendiants :

Dans l'iconographie de Bernard de Fontaines, on ne sait si le Christ veut descendre de sa Croix ou si le Saint l'y maintient par une accolade fraternelle.

C'est une scène du XVIIe siècle aussi étonnante que l'entrecroisement sur la Croix de la main du Christ avec celle de son alter ego qui représente la mystique franciscaine.

Son prototype où le sang du Christ se substitue au lait de la Vierge ne daterait que du XVe siècle chez Giovanni Benedetto Castiglione.

Donc, nous regardons cette exécration avec un regard qui s'est converti [ ou pas ] au XIXe siècle mais à travers une iconographie et une théologie qui restent anachroniques.

« [ ... ] l’étendard du Temple, le fameux Baucéant [ ... ] était Noir et Blanc. On ne peut pas trouver meilleur symbole pour exprimer la dualité. À moins qu'il ne s'agisse d'une réalité unique à double visage. »

« Pour [ Saint Bernard ] le retour à l'unité de l'Être ne pouvait se faire que par l'exemple du Chist. Mais quel Christ ? Celui qui était mort sur la Croix, ou le Christ triomphant qu'on voit au porche de certaines églises romanes ? »

Cf. Jean Markale (1986) – Op. Cit. – La fondation du Temple [ en 1128 ]

   

    

mercredi 18 août 2021

Le culot du roi

Pour le vingtième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

La vénération de Mara dans la tradition courlandaise rapportée par Kauffmann qui s'identifie au Solstice d'été et où il est facile de reconnaître Marie dont le mois a été déplacé en Mai exalte le caractère solaire de la femme.

Ce caractère était déjà perceptible dans les hymnes homériques où la dyade formée par Artémis et par Apollon – ils sont frère et sœur – détient un arc d'Or et un arc d'Argent – référence explicite au Soleil et à la Lune qui remettait le culot du roi à l'endroit.

On ne sait par quel artifice Apollon devint l'épigone d'Hélios en s'identifiant à Phaéton qui après avoir prit les rênes de son char céleste fut précipité dans l'Eider mais il est vraisemblable qu'on identifia sa parèdre au cycle lunaire de ses menstruations.

Le « Coïtus Alchemicus » de J. D. Mylius illustre cette inversion en 1628 par la conjonction du « Pater eius Sol » et de la « Mater eius Luna » qui unit la reine et le roi.

L'inversion les pôles n'affectait en rien la bipolarité des tourtereaux et la complémentarité des rôles qui souvent varient avant que des démiurges prométhéens n'imaginent une forme de conjonction qui fît l'économie de la nature.

La Vierge de l'Apocalypse qui apparaît nimbée d'un Soleil constellé d'étoiles et qui tient un croissant de Lune sous ses pieds sera du bon côté du ciel ; et n'en déplaise au bon Saint Éloi du côté où le roi fainéant s'était culotté – cf. Ap XII 1.

« Voyez [ dit Jésus à Simon Pierre dans la dernière loggia (114) de ses Paroles cachées ] Moi, je la guiderai [ Marie de Magdala ] pour la rendre mâle afin qu'elle aussi devienne un souffle de vie semblable à vous, les mâles.

« Car toute femme qui se rendra mâle entrera dans le Royaume des cieux. »

Jadis [ si je me souviens bien ]

L'arbre de Noël
Était paré d'ambre
Gemmes de Soleil
Et larmes du Ciel

Jadis [ si je me souviens bien ]

L'arche de Noé
Était arrimée
Au Mât de cocagne
Du Pays des fées

Jadis [ si je me souviens bien ]

Disait Abraham
L'arbre du mois de Mai
Nous réunissait
À l'ombre des rames

Jadis [ si je me souviens bien ]

Les soirs de Septembre
Entraient dans les chambres
À l'appel du brâme
Des nuits diaphanes

Jadis [ si je me souviens bien ]

Le chêne et la trame
Au rouet des âmes
Dans l'antre des dames
Ravivaient les mânes

   

    

lundi 16 août 2021

Le vaisseau amiral

Pour le dix-neuvième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

Les ans des temps apocalyptiques (360) sont comme les jours d'une année de douze mois de trente jours dont on ne prend pas en compte les jours complémentaires.

« Un temps, des temps et la moitié d'un temps » font donc quarante-deux mois ou 1.260 jours si l'on considère que « des temps » en font au moins deux.

Les adventistes considèrent sept temps qui correspondraient à la dédicace de l'Apocalypse aux sept églises d'Asie mineure.

Sans jamais s'expliquer sur l'identité de leurs deux témoins ni sur la durée variable des temps qui caractérisent chacune de leurs églises.

C'est donc une durée totale de 2.520 ans qu'ils doivent faire correspondre à un événement qu'ils identifie à la destruction d'un premier Temple.

Nous faisons le contraire en accordant à chaque témoin la moitié des temps que l'Apocalypse fait correspondre à des mois ou des jours d'une façon cohérente.

Vingt-et-un mois ou 630 jours qui sont comme autant d'années pour chacun des témoins qui désignent le Messie et le Sceau des prophètes.

§

« La rotonde [ celle du Saint-Sépulcre de Jérusalem et celle de l'église primitive du Temple à Paris dont la coupole était supportée par six colonnes ] est incontestablement chargée de sens : [ ... ]

« [ ... ] c'est l'image de l'univers, et c'est aussi, au point de vue ésotérique, le lieu même où se rejoignent toutes les énergies cosmiques, l'équivalent de la boîte crânienne sous laquelle s'accomplissent les délicates transmutations de la matière en esprit. »

Cf. Jean Markale – La symbolique du Temple (1986) pour L'énigme des Templiers

L'aspect cosmique de la représentation nous parait incontestable. Le point de vue ésotérique et l'image du crâne ne peuvent provenir que de la tradition celtique – et en particulier, celle du Graal pour la Citée de Sarras.

Par contre, il semble évident que la matière ne se transmute pas en esprit. Il s'agit de deux réalités hétérogènes : l'esprit agit sur la matière et la matière cherche en vain à agir sur l'esprit. C'est une question de hiérarchie dans l'univers des causes.

« On a cru pouvoir [ ... ] rattacher [ les églises de forme polygonale ] au modèle du Temple du Seigneur de Jérusalem, la fameuse Coupole du Rocher [ qu'on qualifie de Dôme et qu'on attribue à Omar ] laquelle à la forme d'un octogone.

« Là encore, le symbolisme est net : le nombre huit est traditionnellement affecté à l'idée de résurrection, et c'est pourquoi cette architecture octogonale est fréquente dans les chapelles funéraires des cimetières, [ ... ]

« [ ... ] et d'une façon plus générale dans tous les sanctuaires bâtis à la mémoire d'un saint ou d'un martyr. »

Cf. Jean Markale – La symbolique du Temple (1986) pour L'énigme des Templiers

C'est peu probable à moins de l'entendre dans un sens eschatologique et en particulier comme la résurrection du Christ sur un rocher qui symbolise à la fois la ligature Isaac et le « mi'râj » du Sceau des prophètes.

L'octogone trace une figure intermédiaire entre le carré et le cercle qui représentent le Ciel et la Terre, la matière et l'esprit, etc.

Markale considère que les Templiers ont « favorisé et encouragé l'apparition de l'art gothique » mais note aussi qu'ils se placent dans une « mouvance cistercienne » qui se caractérise « par une absence quasi totale de fioritures et d'ornementations ».

À partir de cette contradiction, il distingue « les chapelles rectangulaires dont le chevet est en abside » et celles « à chevet plat » dont l'abside est « en cul-de-four ».

Il y a là une dérogation à l'architecture cistercienne qui ne conçoit que des perpendiculaires pour les surfaces planes et réserve les voûtes hémisphériques aux parois verticales quelque soit leur élévation.

Bien sûr, elle ignore ou refuse la brisure de l'arc et privilégie la sobriété des cloîtres sans pour autant refuser la figuration.

Markale note la migration des figures à l'extérieur des cathédrales qu'il explique par l'ouverture des bâtiments et par la pénétration de la lumière dans les sanctuaires ; mais c'est aussi plus simplement la conséquence logique d'une intériorité plus épurée.

Le monde extérieur grouille alors de gargouilles qu'on a vite faite d'identifier à l’inénarrable Baphomet qui n'eut été qu'un dôme sous la rotonde d'un bâtiment roman là où les nefs du vaisseau amiral ne furent vouées qu'à Dieu et à ses saints.

C'est ce vaisseau que nous identifiâmes à Notre-Dame d'Alba ou à Sayyidatina Zohra ; bien qu'elle fut autrefois Notre-Dame d'Anis dans le maqâm marial d'Artémis et de Mara.

Nous fûmes transporté jadis avec nos semblables dans ce maqâm improbable qui ressemblait à la fois à une oasis et une cathédrale. Nous n'eûmes de cesse de vouloir la retrouver jusqu’à ce que nous finîmes par nous entendre dire qu'il fallait l'engendrer.

« Le Vendredi Saint, dans toutes les églises catholiques, les crucifix sont recouverts d'un voile. » – Cf. Op. Cit. Ibidem en italique sous la forme interrogative.

Markale consacre un chapitre au reniement des Templiers qui devaient cracher sur la Croix. Il pourrait s'agir d'un rite d'exécration contre l'instrument du supplice afin d'accéder le cas échéant à la compréhension métaphysique d'un symbole géométrique.

Pour la compréhension métaphysique du symbole géométrique, se référer à l'ouvrage que René Guénon lui consacre en 1931 en attribuant son origine au Sheykh abd ar-Raḥmân Elîsh al-Kabîr – cf. « Le Symbolisme de la Croix ».

Le cœur au centre de la croix est l'isthme où se rejoignent l'âme et l'esprit.

   

    

dimanche 15 août 2021

Le nombre des phases

Pour le dix-huitième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

Revenons sur le caractère perpétuel du calendrier que nous qualifions d'intact à l'image du Graal comme représentation d'une totalité de la manifestation cosmique.

L'année solaire se caractérise par un certain nombre de phases (672), de jours (366), de semaines (52), de mois (12) et de saisons (4).

Il existe cinq sortes de jours pour deux sortes de phases – la nuit et le jour :

- les soixante jours monophasés qui constituent les deux mois du Janus

- les trois cents jours biphasés qui constituent la décade des mois

- les cinq jours complémentaires qui n'appartiennent pas à l'ordre des mois

- un sixième jour complémentaire qui n'appartient pas à l'ordre des semaines

- les jours sabbatiques qui sont au nombre de dix-neuf par saison

Les jours complémentaires sont toujours biphasés puisqu'ils appartiennent toujours à l'ordre des semaines ou à celui des mois.

Ce qui fait 672 phases pour 366 jours quand le sixième est bissextile – « 112 x 6 ».

Il existe deux sortes de semaines pour deux sortes de mois – sidéral et synodique :

- les semaines ordinaires (12) et la semaine sabbatique (1) qui constituent les saisons

Les jours sont sabbatiques à raison d'un jour par semaine et d'une semaine par saison.

Les quatre semaines sabbatiques décomposent le treizième mois sidéral qui ventile le même nombre de jours (28) à travers le cycle des douze mois synodiques de trente jours.

Cette distribution implique les jours complémentaires puisque le nombre des jours est le même pour le cycle sidéral ou pour celui des semaines : « 13 x 28 = 364 = 52 x 7 »

Les jours qui complètent le cycle synodique ou le cycle sidéral sont toujours sabbatiques puisqu'ils coïncident avec la treizième semaine des deux saisons où ils apparaissent.

Il existe deux sortes de saisons dans la Citée Sainte :

- celles qui divisent l'année en quatre parties égales de treize semaines ou de 91 jours

- celle qui divise l'année en deux parties inégales de seize et de trente-six semaines

Ces deux parties inégales de 112 et de 252 jours forment alors une longue période estivale et une courte apocatastase qui décrit son renouvellement.

L'apocatastase se subdivise à son tour avec une période de soixante jours qui précède le solstice d'hiver pour sa catabase et une période de trente-six jours qui précède l'équinoxe du printemps pour son anabase.

La catabase est donc une période qui s'intègre dans l'apocatastase alors que l'anabase se situe déjà au début de la période estivale.

Il reste par conséquent une période de cinquante-deux jours qui se situe entre la catabase et l'anabase et qui complète les 112 jours de l'apocatastase.

D'un point de vue anthropologique, la catabase s'accompagne d'une visite aux ancêtres et l'anabase d'une élévation de la parentelle sur les autels sous la conduite des anciens.

L'ensemble des saisons s'intègre dans le cycle des jours complémentaires qui leur correspondent et qui est celui des jours bissextiles.

Le sixième jour complémentaire se dédoublent avec le Phénix aux six mille lunaisons une fois tous les quatre ans (365,25).

Ce dédoublement connaît une exception pour les siècles (365,24) qui s'inscrivent à leur tour dans un exception qui se représente une fois les cinq siècles (365,242).

Il devient donc impossible de faire correspondre les jours du Janus (60) avec les années du Phénix (500) dans une analogie des jours et des ans.

Cette analogie semble avoir été une norme pour le cycle des douze mois synodiques dès que le treizièmes mois sidéral cessa d'être un mois supplémentaire.

L'alternance des mois de vingt-neuf ou trente jours s'intégrait alors dans un cycle de 354 jours par an avec un premier jour complémentaire.

La Janus ne comptait alors que cinquante jours pour une année de 355 jours qui s'intégrait dans un cycle de six mille lunaisons qui s'étendait sur cinq cents ans.

Cette analogie perdura mais se modifia pendant l'âge sombre avec une cohorte de six cent ans qui correspondait avec un Janus de soixante jours pour le calendrier julien.

L'existence de ces cohortes a probablement un sens qui les rend semblables aux quatre saisons de l'année ou aux quatre semaines du mois sidérale avec une période complémentaire de 192 ans.

L'âge sombre s'étend alors sur une période 2.592 ans que la tétraktys inscrit comme la décime de la décade dans la quadrature d'un cycle de 25.920 ans.

Ce cycle correspond à celui de l'écliptique à raison de septante-deux ans par degré qui s'inscrivent dans une matrice arithmétique de 64.800 unités.

Le rapport entre ces années et ces unités est toujours celle de la quadrature par la tétraktys pour un cycle de l'écliptique qui s'étend sur les quatre dixième de sa matrice.

« Il ne semble pas qu'avant la récupération cistercienne, où, en puisant dans l’Évangile de Nicodème, on a rempli le mystérieux récipient du sang de Jésus mort sur la croix, de façon à en faire un instrument de propagande en faveur du culte du Précieux Sang, [ ... ]

« [ ... ] on ait vraiment cru que le Graal était un objet.

« Les différentes formes dont on l'a revêtu en font foi. Ce n'était qu'un symbole. »

Cf. Jean Markale – Le Temple et le Graal (1986) pour L'énigme des Templiers