lundi 30 novembre 2020

Sous Montserrat

Pour le premier cycle du deuxième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

Le Mahdi est une personne promise par la tradition pour le relèvement de la religion. Les traditionalistes ont imaginé la fonction du vivificateur qui la relèverait tous les siècles après que l'un d'entre eux ait écrit un traité sur la vivification des sciences religieuses.

La rédaction de ce traité par l'imam al-Ghazâlî coïncide avec le cinquième centenaire de l'hégire et cette quintuple périodicité séculaire avec le cycle du phénix aux six mille lunaisons auquel on a identifié la résurrection du Christ au début de l'ère chrétienne.

Il n'y a pas de vivificateur avant Ghazâlî dont la fonction n'ai été attribuée par les traditionalistes à posteriori après la rédaction de son traité dont on l'a tiré avant qu'il ait été repris par Muyi'd-Dîn pour son imamat comme imam du Tawid coranique.

De fait, pendant plus de deux siècles et demi, une guidance spirituelle de la communauté religieuse a été maintenue dans la Maison du prophète et dans celles de son imam le plus éminent – Ja'far as-Sâdiq – jusqu'à ce que son absence inquiète l'illustre savant.

Son legs qui revient par la suite à l'imam du Tawid se présente comme celui du Sceau des prophètes et du fils de Marie dont la périodicité fut la même, les uns par rapport à l'autre, un siècle après sa théorisation savante par l'imam de la scolastique islamique.

Dès lors qu'elles étaient semblables, ces périodes et leur fonction vivificatrice théorisée préalablement par al-Hakim at-Tirmidhî comme celle du Sceau des saints muammadiens ne pouvaient être réitérées que six siècles plus tard par le Qutb al-Maktum.

Bien qu'elle soit assimilable à sa subordonnée, la fonction vivificatrice du Sceau des saints ne peut être réduite à celle du Qutb al-Aqtab que la hiérarchie initiatique de leur gouvernement accorde au Sheykh abd al-Qâdir al-Jilânî ou au Ghayb abu Madyan.

Et comme ce legs est celui des témoins de l'Apocalypse de Saint Jean, on retrouve la même fonction chez Césaire d'Arles qui l'attribue pour Grégoire-le-Grand à un Grand Monarque qui doit apparaître comme un Souverain Pontife.

L'aspect royal et sacerdotal de cette fonction pontificale et monarchique recouvre toute l'étendue des registres fonctionnels que nous reconnaissons dans la vivification du Sceau des saints chrétiens telle qu'elle se renouvelle au sommet de sa hiérarchie.

Son éminence sommitale est celle de la Conformité de l'Alter-christus au Christ ressuscité qui transcende la hiérarchie cosmique par l'ultime médiation d'un Séraphin qui le met en-dehors du monde là où la créature participe à sa propre création.

Le Padre Pio et le pape Jean-Paul I ont scellé de façons remarquables les seuils subliminaux de la sainteté chrétienne comme le Sceau amadien a scellé celui d'une sainteté spécifiquement muammadienne qu'il ne faut plus s'attendre à trouver en-deçà.

Par là-même, il ne faut pas identifier la sainteté à la simple acquisition d'une piété édifiante – aussi héroïque fut-elle – mais à cette participation créatrice que nous évoquons en décrivant le seuil du Sceau franciscain.

Si le Sceau akbarien ne semble pas connaître la même clôture, c'est parce que son double héritage entretient un rapport spécifique avec une sainteté universelle qu'on identifie à la Parousie de Sayyidina 'Isâ ibn Maryam.

Cette sainteté universelle est une réalité émergente dont on ne peut donner aucun exemple avant qu'elle ne surgisse de cette Parousie dans une clarification évidente de sa fonction et de l'équivalence qu'elle réalise pour la tradition orientale.

La tradition orientale a pris en charge l'économie cyclique au-delà des temps impartis à nos deux témoins quand leurs centres de commandement ont assimilé l’autorité califale sous la gouvernance du Sheykh al-Akbar et le pontificat lamaïque du Bogdo Khan.

Le bouddhisme mahâyâna a ses propres sceaux que nous qualifions de bodhisattva mais qui se présente dans leur nirmâakâya comme les bouddhas du Tibet – Padmasambhava – et du Japon – Daishonin Nichiren – sous la Lumière infinie d'Amitâbha.

La Lumière infinie d'Amitâbha est une émanation de Vajradhara qui personnifie l'Esprit du bouddha Sakyamuni. Cet Esprit est comparable à Celui qui émane de la Parousie du Christ en configurant la sainteté universelle dont il est le Sceau.

Cette configuration n'est pas seulement un dépassement des horizons confessionnels qui la précèdent mais aussi le retour d'un fond originel qui correspond à la face ancestrale d'un Janus dont Jésus représente à la suite de Seth sa face juvénile.

La nature originelle de cette face ancestrale est celle du bouddha primordial et de Sri Matsya qui correspond à ce qui est valide dans les traditions païennes quand elles sanctifient la sacralité d'un monde intact et inaccessible à toutes nos profanations.

C'est parce que l'aurore arrive que la nuit devient sombre avant les pâleurs de l'aube. Nous n'avons pas d'autre consolation. Toi qui pâlis sous son ombre aux abords d'un tombeau, laisse les morts enterrer leurs morts et avance dans les eaux profondes.

   

    

lundi 23 novembre 2020

Sources lointaines

Pour le vingt-neuvième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« De tout temps, les foules ont voulu non seulement voir ou entendre, mais toucher le divin. Déjà elles se bousculaient à la suite de Jésus dans l'espoir d'effleurer seulement la frange de son manteau ; [ ... ]

« [ ... ] il les en dissuadait avec une ferme douceur, les ramenant en permanence à l'essentiel, l'accueil de la Parole et du mystère, [ ... ]

« [ ... ] jusqu'à interdire à Madeleine de le toucher quand, au matin de la Résurrection, il se montra à elle qui pourtant l'avait oint de ses mains et qui de sa chevelure avait essuyé ses pieds. »

Cf. Joachim Bouflet dans l'avant-propos de son enquête sur les faussaires de Dieu

Sommes-nous seul à trouver incongrue du point de vue de la vraisemblance l'image de la prêtresse éplorée et à lui supposer un sens caché, une figure de style à interpréter ?

Nous savons que le Schleswig-Holstein est la tête des Gaules chevelues. Où sont leurs pieds sachant que sa chevelure en-deçà du Soleil ondoyant entretient un rapport symbolique avec leurs voies fluviales ?

« Or, il existe un discours apparitionnaire [ sic ] à forte connotation eschatologique, qui pour certains de ses éléments remonte jusqu'à la nouvelle prophétie de Montan – [ au ] deuxième siècle – [ ... ]

« [ ... ] et qui – surtout depuis le XIXe siècle, par réaction contre les dangers de l'immanentisme – porte sur le devenir de l'humanité un regard panoptique.

« Une lecture linéaire et littérale de l'Apocalypse de Saint-Jean sous-tend cette démarche, plus intellectuelle que spirituelle, [ ... ]

« [ ... ] à laquelle l'exhumation de textes prédictionnels [ sic ] anciens puis l'éclosion des mariophanies à partir de celle de la rue du Bac – en 1830 – viennent apporter ses lettres de créance. »

Cf. Joachim Bouflet (2000) – Faussaires de DieuLa parole dévoyéeDire dieuSources lointaines

La nouvelle prophétie de Montan, c'est celle du nouvel évangile de Jean qui s'oppose à l'exclusive de Marcion sur celui de Luc au détriment des deux autres dans la synthèse inclusive du prophétisme johannique.

Les dangers de l'immanence, ce sont aussi les affleurement des sources vives dont les eaux les plus limpides se sont épanchées dans les larmes de la Vierge – en 1846 – et dans la grotte de Massabielle – en 1858.

   

    

mercredi 18 novembre 2020

La Reine du ciel et de la terre

Pour le vingt-huitième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« [ Au XIe siècle ] à Wawre [ sic ] dans le Brabant [ wallon ] les ouvriers occupés à l'édification d'une église sont témoins d'une intervention de la Vierge en plein ciel qui vient indiquer l'emplacement où elle souhaite voir s'élever le sanctuaire :

« [ Ils ] avaient vu la Reine du ciel et de la terre avec une grande multitude d'anges détruire la construction située sur la montagne et la placer dans la zone marécageuse. »

Cf. Joachim Bouflet (2000) citant Sylvie Barnay (1999) – Le Ciel sur la terre. Les apparitions de la Vierge au Moyen Âge [ dans les ] Faussaires de Dieu – Le discernementL'objet du discernementInterventions marialesMarie se donne à voir

Nous restituons le texte originel retranscrit à Basse Wavre en 1951 :

« Mais voici grande merveille est ensuivie. Car tout ce qui, de jour, fut bâti sur la montagne, fut, de nuit détruit et porté en la vallée.

« Ce que, par après, ayant été trouvé ainsi, plusieurs fois répété, ont alors les circonvoisins été occasionnés à monter une garde. À quoi ils ont employé prêtres et hommes de crédit : pour savoir si cela advenait par l'Ennemi ou par Dieu. »

« Or, ce faisant, eux est apparue, à la minuit, une clarté et lumière si grande qu'on la pouvait comparer à la lumière du soleil : [ ... ]

« [ ... ] entre laquelle ils voyaient la Reine du ciel et de la terre, accompagnée de multitude d'anges qui défaisaient le bâtiment étant dessus la montagne * et le dressaient en la vallée, oyant chanter les anges à haute voix :

« J'habiterai cette vallée, parce que je l'ai choisie. » **

* « Le Belloy faisait partie du patrimoine d'Afflighem à Basse Wavre. »

** Psaume 131, 14 retranscrivant le psaume 132 pour l'anniversaire de la translation de l'arche dans la Bible de Jérusalem qui identifie le Belloy à Sion – cf. Ps 132 V. 13-18 :

Car Yahvé a fait choix de Sion,
Il a désiré ce siège pour lui :
« C'est ici mon repos à tout jamais,
là je siégerai car je l'ai désiré.

Ses viatiques, je les comblerai de bénédiction,
ses pauvres, je les rassasierai de pain,
ses prêtres, je les vêtirai de salut
et ses fidèles exalteront de joie.

Là, je susciterai une lignée à David,
j'apprêterai une lampe pour mon messie :
ses ennemis, je les vêtirai de honte,
mais sur lui fleurira son diadème. »

Cf. La dévotion à Notre Dame de Basse Wavre (1050-1951) – Valeur du culte marial de Basse Wavre. Une haute antiquité – La voix de la tradition – Translation de la Chapelle

La montagne du Belloy – une auguste colline – porte en langue d'Oïl – la langue de l'Oie – la racine du Verbe de vie trilitère qu'on complète avec une équivalence du Digamma (6) et du Stigma (6) ou avec celle de l'Epsilon (5) pour le peigne de Mélusine :

« ʘYW » ou « ʘÏE »

Ces équivalences ont un rapport symbolique avec les deux angles du Digamma ou avec les deux cédilles du Stigma qui composent une représentation du monde sous la forme d'un carré ou d'un cercle qui coïncident du point de vue de leur valeur numérique.

En-deçà de ces représentations symboliques, affleure la suite arithmétique de la Triade originelle qu'on retrouve dans la région sous la forme du petit livre apocalyptique de Saint Jean parmi les dix Commandements des tables de la Loi.

Cette suite arithmétique que nous mettons en rapport avec sa mystique solaire est une transposition dans les Gaules chevelues de ce qu'on retrouve ailleurs sous une autre forme pour le Véda du védanta ou pour la Salutation angélique de l'Archange Gabriel :

« AUM » ou « AVM »

Ce que génère l'astre syriaque à travers la matrice d'une première alvéole hexagonale qui est celle de la Vierge ou de la Reine du ciel et de la terre, c'est le Verbe incarné du Kalimatu'Llâh ou celui de l'Amin d'Amina dans la lumière lointaine de l’Étoile polaire.

Le récit de la translation sur la colline du Belloy met en scène la juxtaposition médiévale de deux cultes identiques – celui d'Amon-Râ – dont le plus ancien refuse d'assigner sa manifestation cosmique à l'édification d'un sanctuaire sur un lieu sacré.

Les « circonvoisins » impliqués dans cette translation rappellent la circumambulalton du voisinage qui devait s'accomplir en procession autour de la colline comme le montre le jeu de l'Oie et comme le propose encore le Grand Tour du Bon Dieu de Pitié.

Les deux alvéoles hexagonales qui correspondent aux demeures solsticiales de l'astre syriaque ouvre la manifestation cosmique sur un ensemble de coordonnées symboliques qui descendent à travers les règnes de la création jusqu'aux régions infernales.

On peut s'interroger à propos de cette symbolique sur la Tiare pontificale qui représente sans doute les trois rangs de la hiérarchie cosmique qui règnent sur les trois ordres ecclésiastiques mais qui a aussi l'apparence d'une ruche.

Ce qui nous permet de considérer qu'en renonçant à la Tiare pontificale, le pape Jean-Paul I a scellé pendant trente-trois jours la sainteté grégorienne comme le Padre Pio a scellé pendant quarante ans la sainteté franciscaine dans l'ordre des Capucins.

I
I  .  I
I  .  I  .  I

Au commencement était le Verbe
Le Verbe était avec Dieu
et le Verbe était Dieu

[ ... ]

En Lui était la Vie
et la Vie était la Lumière des hommes

Prologue de Jean
   

l'Esprit

la Sagesse

Grégoire

le Spirituel

le Soleil

la Ruche

le Verbe

la Justice

Ambroise

l'Animal

le Miel

la Vie

l'Amour

Augustin

le Végétal

l'Ambre

la Lumière

la Raison

Jérôme

le Minéral

l'Or

les ténèbres

l'Infernal

l'Argent

la Lune

la Lumière luit dans les ténèbres mais les ténèbres ne La saisissent pas

   
La souffrance enfante les songes
Comme une ruche ses abeilles
L'homme crie où son fer le ronge
Et sa plaie engendre un soleil
Plus beau que les anciens mensonges

Les poètes d'Aragon

À propos du pape Jean-Paul I, rappelons que David Yallop mêle le vrai au faux pour proposer l'invraisemblable : le vrai, c'est le scandale financier le faux, c'est assassinat du pape et l'invraisemblable, c'est l'idée qu'il se fait de Mgr Albino Luciani.

« 63 »
   

« 7 x 9 »

    

mardi 17 novembre 2020

Celle qui se donne à voir

Pour le vingt-septième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« La plus ancienne apparition mariale en Occident, au sens où nous l'entendons de nos jours, remonterait au Ve siècle, attestée par la légende [ du XVe siècle ] : [ ... ]

« [ ... ] selon une [ vénérable ] tradition séculaire, la Vierge se serait manisfesté à une malade sur le mont Anis, là où se dresse à présent la cathédrale du Puy-en-Velay.

« L'événement a eu lieu selon toute vraisemblance sous l’épiscopat de Scutaire (415-430) – période d'essor de la piété mariale qui précède immédiatement le concile d’Éphèse [ qui définit la Virginité perpétuelle de la Mère de Dieu. ]

« Le récit est sobre : une femme atteinte de malaria se rend sur la montagne jusqu'à une pierre plate passant pour guérir les fièvres ; [ ... ]

« [ ... ] s'étant allongée sur le dolmen, elle s'endort et voit « la Souveraine du monde, la Vierge Marie, Mère du Dieu tout-puissant » escortée d'anges, qui lui révèle qu'elle se réserve ce lieu pour le protéger.

« La femme se réveille guérie. Elle va chez l'évêque, lui conte son aventure. L'homme de Dieu, à la tête de son clergé, gravit la pente du mont Anis.

« Merveille, on découvre au sommet une neige épaisse, alors qu'on est en pleine été ! Nouveau prodige : un cerf surgit d'un hallier y trace de ses bois le plan de la future église.

« L'évêque fait entourer l'aire sacrée d'une palissade ; plus tard on édifiera un sanctuaire, la « chambre angélique », noyau de l'actuelle cathédrale. »

Cf. Joachim Bouflet (2000) – Faussaires de Dieu – Le discernementL'objet du discernementInterventions marialesMarie se donne à voir

Bouflet tire de ce premier récit six critères de discernements « qui structurent toute mariophanie » dans une recherche d'authenticité des faits surnaturels :

  • l'intervention céleste

  • le témoignage du récipiendaire

  • le message qu'il transmet

  • les signes miraculeux attestant une origine divine

  • les fruits d'une dévotion sanctionnée par l'autorité ecclésiastique

  • l'institution d'un culte et / ou l'édification d'un sanctuaire

« [ Un ] grand principe ecclésiale [ veut que ] l'ordinaire du lieu a [ la ] grâce d'état et [ la ] faculté de juger des faits d'apparence surnaturelle survenant dans son diocèse [ ... ]. »

La sanction ecclésiastique et ses résultantes institutionnelles indiquent qu'il s'agit en définitif d'un critère d'autorité.

L'enquête de Bouflet ne manque pas de témoignages et de signes miraculeux qui ont été refusés par l'autorité ecclésiastique parce que leur message ou les fruits de leur dévotion ne lui paraissaient pas recevables.

Cette sanction institutionnelle a sa raison d'être mais elle repose préalablement sur la recherche d'un objet improbable : une théophanie qui dans les faits s’insère toujours dans la subjectivité du récipiendaire.

Pour ce qui est de la Souveraine du monde qui délivre le message, la chambre des anges avant d'être celle de la Vierge Marie fut sur le mont Anis comme sur le berg d'Alsem – au Sud de Bruxelles – le sanctuaire de la déesse Artémis.

On pont supposer – sans trop solliciter la légende – que la dame qui s'est endormie sur son dolmen est une figure de la tradition ancestrale qui a trouvé dans la définition dogmatique du concile d’Éphèse une nouvelle vigueur.

L'autorité de son siège épiscopal est dès lors d'une certaine façon supérieure à celle du siège patriarcal qui en lui transmettant son pallium la reconnaît pour Mère dans sa demeure antérieure qui est celle du cerf.

Le cerf est selon toute vraisemblance une figure païenne du dieu Pan sur la face ancestrale du Janus qui règne avec le Christ sur l'âge d'Or.

   

    

dimanche 15 novembre 2020

Le monde jaune du Mandchoukuo

Pour le vingt-cinquième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« À partir de 1930, [ le ] doute n'est plus possible. Une fraction notable du programme de l'Est [ l'action de sûreté ] partie essentielle et condition préalable de la manœuvre générale [ vers l'Ouest ] a fait visiblement long feu.

« La base asiatique, que l'on comptait aménager [ à l'arrière ] et dont on espérait utiliser les immenses ressources, échappe de plus en plus [ à la Russie soviétique ] ou est du moins fortement compromise. »

« Bientôt, la sûreté elle-même n'est plus assurée, et elle va être gravement remise en question par l'entrée en scène offensive du Japon. »

« Celui-ci déclenche en septembre 1931, avec 80 000 hommes – sept divisions – et sous prétexte de police, son opération de Mandchourie, qui durera deux ans et qui l'amènera jusqu'à Kharbin et Tsitsikar au Nord et jusqu'à l'occupation complète du Jehol au Sud.

« De janvier à mars 1932, les Japonais effectuent à Shang-Haï et dans la région avoisinante, un coup de force qui inquiète vivement toutes les grandes puissances. »

« Puis le Japon provoque en sous-main la création d'un État mandchou indépendant, le Mandchoukuo, qui, englobant la Mandchourie, se sépare de la Chine – le 9 mars 1932 – sous l'autorité d'un gouvernement républicain, [ ... ]

« [ ... ] avec un régent chef du pouvoir exécutif, Pou-Yi, qui n'est autre que l'ex-empereur-enfant de Pékin détrôné en 1911.

« Le Japon reconnaît le Mandchoukuo le 15 septembre [ 1932 ], le soutient vigoureusement malgré l'abstention des autres puissances, et exerce sur le nouvel État un protectorat effectif.

« En 1934, le Mandchoukuo est érigé en empire et Pou-Yi, sous le nom de Kang-Te, ceint la couronne dans l'antique capitale de Hsing-King, restaurée pour la circonstance. »

« Le Japon parvient, par une voie détournée, à rétablir à son profit, en Mandchourie, la situation qu'y avait la Russie [ tsariste ] en 1904. Il tend même à l'étendre vers la Mongolie intérieure, dans la province du Tchahar et la région de Dolonnor. »

« Cette expansion menace directement la Russie soviétique et sa situation en Extrême-Orient. De multiples incidents [ ... ] affichent cet antagonisme violent. Le Japon consolide de plus en plus sa situation en Mandchourie. Il organise l'armée du Mandchoukuo.

« Il procède à une construction intensive d’aérodromes, de routes, et surtout de chemin de fer. De nombreuses [ nouvelles ] voies ferrées [ ... ] sont établies en direction du Nord et de la vallée de l'Amour : [ ... ]

« [ ... ] voies du port de Rashin à Kharbin, de Taonan à Suolon, de Hei-Ho, de Tumen-Ninguta-Soungari ... orientées visiblement pour faciliter les transports stratégiques vers la frontière sibérienne, de Blagoveschenk à Khabarovsk.

« L'effort japonais encercle patiemment certaines avancées [ soviétiques ] comme [ au ] Sud de la Province Maritime, par exemple, où Vladivostok, très déchu de son ancienne prospérité économique, serait en cas d'hostilités, très [ isolé ] et sérieusement compromis.

« Le souci de la guerre aérienne future pousse naturellement le Japon à s'entendre largement sur le continent, afin de reculer le plus possible les terrains de départ [ soviétiques ] et de s'étaler au maximum en surface pour des raisons de sécurité.

« La Mandchourie est toujours le glacis indispensable au Nippon, mais autant et plus pour des motifs aériens que pour des motifs terrestres. Tous ces préparatifs sont manifestement orientés contre la Russie [ soviétique ].

« Le Japon semble reprendre, avec beaucoup plus d'ampleur que jadis, ses projets sibériens de 1919-1922, qui ont avorté la première fois. Il se met, de plus, en travers de ceux que les Soviets nourrissent à l'égard de la Chine.

« Dans ce secteur, où la situation [ soviétique ] était en 1925, après le traité avec le Japon, assez claire, relativement satisfaisante, dégagée de tout danger immédiat, la position s'est considérablement modifiée en sept ou huit ans, et en mal [ pour l'Union soviétique ].

« La sûreté [ orientale ] est a peu près ruinée dans cette fraction de la zone de l'Est, à moins d'y consacrer en permanence de gros moyens, et le programme [ général ] de Moscou [ vers l'Ouest ] reçoit de ce fait une atteinte profonde. »

Cf. Amiral Castex (1935) – De Gensis-Khan à Staline ou Les vicissitudes d'une manœuvre stratégique (1205-1935) – Complication dans l'Est

« C'est le pire qui pourrait arriver à la manœuvre soviétique. Cette défaite morale l'anéantirait totalement.

« Le Japon lui ravirait sa conception essentiel, en prenant la tête du monde jaune et même asiatique, à la faveur d'une expansion non freinée, [ ... ]

« [ ... ] en exploitant une poussée de sentiment analogue à celle qui s'est manifesté dans toute l'Asie à la suite de la guerre russo-japonaise. »

Cf. Amiral Castex (1935) – De Gensis-Khan à Staline ou Les vicissitudes d'une manœuvre stratégique (1205-1935) – La manœuvre soviétique en panne face à l'Est

Le monde jaune dont le Japon serait la tête, c'est tout l'Orient dans le domaine des Mongols bleus. Le monde asiatique c'est la rive orientale du Rhin et celles du Danube en période de crue quand leurs alluvions refluent depuis le delta de la Volga.

« 1931 – 1945 »

   

    

samedi 14 novembre 2020

Deux étoiles vers l'Orient

Pour le vingt-quatrième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« En Asie Centrale, les Soviets ont commencé par rétablir leur situation fortement compromise à la suite de la révolution russe.

« Au cours du deuxième semestre de 1919, ils chassent les Blancs de Merv et de la Transcaspie. En 1920, ils dispersent définitivement, dans le Turkestan chinois, les « chouan » de Doutov.

« En 1922, ils réduisent la révolte des Basmatchi, à la tête de laquelle s'est mis le Turc Enver-Pacha, qui est venu porter dans l'atmosphère ancestrale, près de Sarmarkand et du tombeau de Tamerlan, ses songes pantouraniens [ ... ].

« L'aventurier termine bientôt sa carrière, tué le 11 août dans un combat près de Baldjan. Les Russes [ judéo-slaves ] rétablissent leur autorité complète sur tout le pays. »

« Vers l'Extrême-Orient, les Russes [ judéo-slaves ] [ ... ] effectue [ ... ] en Sibérie, en 1919, la vaste opération de nettoyage qui libérera cette région de l'offensive de l'amiral Koltchak.

« Ils rétablissent en trois années l’œuvre que Yermak et ses successeurs avaient accomplie au XVIIe siècle.

« Après l'évacuation de la Sibérie orientale par le Japon et la disparition de l'éphèmère république de Tchita, la Russie [ soviétique ] reparaît sur la [ rive ] du Pacifique [ en ] octobre 1922. »

« Elle restaure pendant ce temps, simultanément, son ancienne prééminence en Mongolie, y liquidant promptement, en 1921, l’État que le Russe Blanc Ungern-Sternberg y avait constitué pendant quelques mois.

« En 1924, il est créé une république mongole entrant de fait dans le cadre de [ l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques ]. La Mongolie est soviétisée et son armée est encadrée par des Russes [ judéo-slaves ]. »

Cf. Amiral Castex (1935) – De Gensis-Khan à Staline ou Les vicissitudes d'une manœuvre stratégique (1205-1935) – L'action soviétique de sûreté vers l'Est

« 1920 – 1922 »

   

    

vendredi 13 novembre 2020

Le Nord de Novgorod

Pour le vingt-troisième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« La Russie soviétique a conduit ses opérations de façon radicalement différente [ par rapport à la Russie tsariste ]. Dès ses débuts, elle s'est orienté dans un sens anti-européen [ celui d'une puissance asiatique ].

« Il n'y avait là rien que de logique. La ferveur primitive, le mot d'ordre nouveau, le credo inédit qui avaient présidé à la naissance de la Russie [ soviétique ] de 1917-1918 et entouré son berceau, le communisme en un mot, [ ... ]

« [ ... ] l’opposaient foncièrement au monde ancien, qui de son côté, la tenait comme ennemie pour cette raison et lui témoignait une franche hostilité, ou tout au moins une froideur marquée. »

« Et la divergence s'accentue promptement dans la suite. La Russie soviétique devient de plus en plus l'adversaire de l'Occident, autant et plus au point de vue philosophique, dans le domaine de l'esprit, que dans le royaume de la matière.

« Le rêve de grandeur future que les premiers bolcheviks au pouvoir nourrissent pour leur pays prend d'emblée sa forme spéciale. C'est un élan non seulement nationaliste, mais aussi révolutionnaire, tout imbu de la croyance mystique qui emporte les âmes.

« C'est la recherche d'une domination sur le monde qui soit non seulement domination matérielle, mais aussi domination de l'idée. Cela n'ira pas sans guerre, certes. Au reste, cette guerre a déjà commencé un peu partout, sourde ou déclarée.

« Elle est quelque chose de plus que le heurt coutumier, par les voies politiques et militaires ordinaires, d'une ambition assaillante et de résistances adverses, quelque chose de plus que le choc habituel d'une volonté d'acquisition et de volontés de conservation.

« C'est le conflit de deux conceptions morales et sociales radicalement opposées, de deux civilisations dissemblables, de deux systèmes incompatibles. C'est une lutte non pas uniquement « temporelle » [ ... ] mais aussi spirituelle, une manière de guerre de religion.

« Il est impossible d'en attendre une issue heureuse – pensent les orthodoxes marxistes – si on laisse substituer cette citadelle du monde capitaliste qu'est l'Europe occidentale, si on laisse debout, robuste et florissant, comme un défi à l'idéal naissant, [ ... ]

« [ ... ] ce qui est, outre le principal centre de résistance politique, économique et militaire, le réduit de la conception adverse, le foyer de la doctrine antagoniste, le temple des hérétiques.

« Tant qu'on ne l'aura pas abattu, rien de sera acquis, aucune décision ne sera obtenue. La victoire est à ce prix. »

« La Russie soviétique se dresse, par force, chaque jour davantage contre ce qui représente et incarne l'idée occidentale : l'Europe, la « petite presqu'île » accolée à la masse asiatique. »

« Et alors on voit reparaître chez les [ nouveaux ] Russes [ bolcheviks ] le projet cher à Boukharine, « d'enfoncer dans l'édifice vermoulu du système bourgeois le coin d'acier de la dictature prolétarienne en arme ».

« On n'entend parler, vers les années 1920 [ ... ] sous l'influence du parti de Trotsky, que de guerre ouvrière et paysanne, de révolution mondiale imposée par la force en armes, de lutte à mort contre les nations capitalistes, d’impérialisme communiste, etc.

« Les plus exaltés voient la marée irrésistible des armées rouges se ruant sur l'Europe, rééditant l'invasion [ de la « Horde d'Or » ] de 1241 ; mais, cette fois, ne s'arrêtant plus à la Hongrie et poussant jusqu'à l'Atlantique.

« C'est le vieux rêve. Il enflamme plus d'un cerveau judéo-slave [ que Kœstler qualifierait de khazar ] [ à ] Moscou. On reprendrait ce plan non plus au nom du Yassak mongol, mais au nom du communisme.

« Quelle vision ! En elle se retrouvent les traits ordinaires des projets des perturbateurs du passé : l'ampleur de la conception et l'orgueil démesuré qui l'inspire. »

« L'idée de manœuvre générale se déduit immédiatement et lumineusement de ces préoccupations : entre les multiples directions politiques, militaires et morales offertes à la Russie soviétique, l'une s'avère dominante : l'Ouest. L'Ouest sera l'objectif principal.

« Et quand, accidentellement, on ira de l'autre côté, ce sera pour le plus grand bien de cet objectif principal. Si l'on est conduit à s'orienter momentanément [ ... ] contre [ cet objectif, ] [ ... ]

« [ ... ] cet effort initial vers l'Est, ce retournement préalable et provisoire vers l'Asie seront destinés non pas, comme au temps des tsars, à obtenir des avantages considérés comme primordiaux et suffisants en eux-mêmes, [ ... ]

« [ ... ] mais bien à assurer dans cette direction la sûreté de l'opération principale et à trouver dans cette Asie une base, un tremplin et un supplément important de ressources servant la manœuvre générale anti-européenne. »

« Au dire de Lénine, la victoire du bolchevisme dépend du ralliement des masses humaines de la Chine et des Indes à la tentative de la Russie [ soviétique ].

« Au congrès de Bakou, en 1920, il résume la combinaison dans sa formule lapidaire : Vous viendrez à bout de l'Occident par l'Orient. Plus explicite encore, son disciple Zinoviev ajoute :

« La Russie [ soviétique ] tend la main à l'Asie non pas pour qu'elle partage ses conceptions sociales, mais parce que 800 millions d'Asiatiques lui sont nécessaires pour abattre l'impérialisme et le capitalisme européen. »

« C'est à cette fin que Tchitcherine veut créer « les États-Unis d'Asie [ avec Moscou pour ] capitale [ en 1923 ].

« L'Ouest est ainsi remis en honneur, comme direction d'attaque principale. Les soviets ramènent la Russie [ soviétique ] à son rôle et à son caractère de puissance essentiellement asiatique.

« Ils reviennent à l'idée de manœuvre de Gengis-Khan lui-même, après la longue éclipse qu'elle a subie sous ses successeurs jaunes ou blancs pendant le grand siècle mongol et pendant les siècles tsaristes. »

Cf. Amiral Castex (1935) – De Gensis-Khan à Staline ou Les vicissitudes d'une manœuvre stratégique (1205-1935) – [ ... ] la manœuvre soviétique

Le rôle originel de la Russie, c'est la défense du Nord comme puissance centrale. Les successeurs jaunes de Gengis-Khan, c'est la dynastie des Yuan ; ses successeurs blancs, c'est la Russie tsariste.

Le grand siècle mongol, c'est sa prolongation dans l'empire moghol sur une période de six cents ans qui correspond aux cohortes du Kali yuga – entre 1258 et 1858 ou à partir du témoignage apocalyptique, après 1260.

Les siècles tsaristes sont des périodes séculaires qui s'étendent entre Yvan le Terrible et l'Union soviétique. Les deux années prorogées entre en 1258 et 1260 correspondent après 1858 aux années 1921 et 1922.

   

   

jeudi 12 novembre 2020

Au Sud du Yang-Tsé-Kiang

Pour le vingt-deuxième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« [ ... ] en dépit [ des ] apparences, la direction de l'expansion mongole n'est [ pas ] aussi ferme avec les successeurs de Gengis-Khan qu'avec l'ancêtre lui-même. L'idée de manœuvre de celui-ci se transforme, s'altère [ ... ] insensiblement.

« L'Est, qui n'était auparavant qu'une direction secondaire, qu'un azimut n'existant qu'aux fins de sûreté, qu'un satellite et un serviteur de la direction principale vers l'Occident, [ ... ]

« [ ... ] va [ gagner ] des points dans l'esprit des dirigeants, des détenteurs de la pensée stratégique et politique. Il va s'imposer de plus en plus en vertu des bénéfices qu'il promet. »

« De ce côté, les opérations n'ont d'ailleurs jamais été arrêtées. Sous Ogodaï [ 1229-1241 ] elles se sont continuées jusqu'à la complète conquête de l'empire de l'empire des Kin (1234). Les Mongols sont alors maîtres de toute la Chine du Nord jusqu'au Yang-Tse.

« Ils pourraient s'arrêter. Au contraire, ils vont maintenant s'attaquer à la Chine du Sud, à l'empire national des Song, pourtant leur ancien allié contre les Kin.

« À la cour de Karakoroum, tout un clan pousse à cette orientation d'intention nouvelle, tendant à rechercher dans ce secteur des avantages toujours plus étendus.

« Il y a un parti « chinois » très puissant, qui se dresse comme un rival vis-à-vis du parti « vieux mongol » [ celui de « l'empire à cheval » ]. Ogodaï lui doit son élection. L'administration mongole, composée d'Oïgours et de Chinois, lui est inféodée.

« Le premier ministre d'Ogodaï, le Chinois Yé-Lou-Tchoutsaï, impose ses volontés à son souverain, [ ... ]. On marchera donc contre les Song, sans succès d'abord, à part la conquête du Se-Tchouen (1236), [ ... ]

« [ ... ] et pour commencer, on piétine devant le Yang-Tse jusque vers 1250. »

« Monka [ 1251-1259 ] persévère dans cette ligne. Il charge son frère Koubilaï d'en finir avec l'empire Song. Koubilaï tourne l'obstacle du Yang-Tse par le Yunnan et le Tonkin (1252-1257) et il pénètre dans la Chine du Sud ainsi prise à revers.

« Il arrête pourtant sa marche victorieuse, par une trêve avec les Song, quand il apprend la mort de Monka (1259). »

« Pendant ce temps, Monka, qui accorde aux affaires orientales une attention sans cesse accrue, cède de plus en plus à l'attraction de la Chine et de l'énorme domaine que ses généraux sont en train d'y conquérir pour lui.

« Fait significatif : en 1257, il transfère sa capitale de la vielle Karakoroum mongole à la ville chinoise de Kaï-PingCheng-Tou – à la frontière de la Mongolie et du Pe-Tchi-Li. »

« Ce sera pis encore sous son successeur Koubilaï (1264-1294), qui [ par ] ailleurs portera l'empire mongol à son apogée.

«  Koubilaï, déjà gouverneur des provinces chinoises soumises, entièrement absorbé et dominé, de cœur et d'esprit, par l’œuvre de la conquête, s'est entouré de conseillers chinois. Il baigne dans cette atmosphère. [ ... ]

« Dès son avènement, il transporte la capitale de Kaï-Ping à Pékin même, où il bâtit en 1267 la « ville tartare », le Khanbalik – le Cambalay de Marco-Polo.

« Il devient plus empereur chinois qu'empereur mongol. Il fonde la dynastie chinoise des Yuan, qui durera jusqu'à son remplacement par la dynastie nationale des Ming (1638).

« Il prend le nom chinois de Chi-Tsu et n'aspire plus qu'à être un véritable Fils du Ciel et qu'à continuer la tradition des vingt-deux dynasties précédentes.

« Le petit-fils de Gengis-Khan, l'enfant préféré de l'aïeul, s'est aiguillé dans une voie entièrement différente de celle suivie à l'origine par le fondateur.

« C'est le triomphe définitif du parti chinois. C'est le glissement du cerveau directeur mongol vers la Chine et vers la mer, qui agira, moralement, comme un violent facteur de dislocation de l'empire gengiskhanide.

« La partie la plus importante de cet empire, la masse chinoise conduite par le chef en personne, tendra à se détacher, par effet centrifuge, du corps central, essentiellement continentale, où a résidé jusqu'ici la base de l'édifice politique établit par Gengis-Khan.

« Les liens se relâcheront de plus en plus entre l'empereur devenu chinois et ses vassaux de l'Ouest, resté turco-mongols, et tout s'écroulera un jour pour cette raison. »

« Les opérations militaires matérialisent la direction politique nouvelle. C'est d'abord l'achèvement de la conquête de la Chine du Sud, qui ne sera close qu'avec la prise de la capitale Hang-Tchéou en 1276 et celle de Canton en 1227.

« C'est l'annexion de la Corée. Ce sont les deux expéditions malheureuses contre le Japon (1274 et 1281), dont la seconde aboutit à un désastre.

« Ce sont les campagnes menées contre l'Annam et le Tsampa (1282-1287), l’établissement de la suzeraineté mongolo-chinoise sur la Birmanie, le Siam, l'empire Khmer du Cambodge (1287-1297), [ ... ]

« [ ... ] et même l'entreprise tentée sans succès contre Java (1292-1293). »

« En résumé, dès l'avènement de Kiboulaï, le sort en est jeté. Le changement est net et caractéristique. On cesse de regarder vers l'Ouest. On a d'yeux que pour l'Est.

« L'Est devient l'objectif principale, alors qu'il n'était autrefois qu'objectif secondaire, cultivé accessoirement et en fonction de l'action principale. C'est le renversement total de l'idée de manœuvre [ originelle ], de celle du créateur de l'empire mongol.

« Le plan de Gengis-Khan est intégralement retourné, et la nouvelle manœuvre, celle de Kiboulaï, est à l'antipode de la sienne.

« Elle le ruinera entièrement, et l'empire, l'empire fabuleux qui va des bouches du Yang-Tse à la mer Noire, mourra de cette infraction à la doctrine stratégique initiale, périssant par dissociation, par éclatement. »

Cf. Amiral Castex (1935) – De Gensis-Khan à Staline ou Les vicissitudes d'une manœuvre stratégique (1205-1935) – La manœuvre mongole

Tamerlan sera le continuateur providentiel de Gengis-Khan et l'empire gengiskhanide se prolongera dans l'empire moghol jusqu'au XIXe siècle en s'étendant jusqu'à Zanzibar dans un Orient transfiguré par l'homme aux semelles de vent.

« 1257 – 1368 »

   

    

mercredi 11 novembre 2020

À l'Est de Saint-Pétersbourg

Pour le vingt-et-unième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Cinq ou six siècles passent... L'arène de la manœuvre est demeurée identique. C'est toujours l'énorme Asie, avec ses étendues colossales, augmentées maintenant de la moitié de l'Europe, [ ... ]

« [ ... ] et, comme jadis, c'est toujours le cadre-né et le support rêvé des grandes hégémonies terrestres de la planète, des vastes constructions politiques des perturbateurs terriens. »

« La Russie tsariste [ ... ] succède dans cette prodigieuse aire géographique eurasique aux Mongols et aux Turcs de toute catégorie.

« Elle devient l'héritière des Gengis-Khan, des Tamerlan, des Soliman, de tous ces cousins ouralo-altaïques, fléaux vomis par l'Asie pour l'effroi et la destruction de l'Occident.

« Saint-Pétersbourg [ ... ] [ s'inscrit ] à [ son ] tour sur la liste où sont figuré successivement Karakoroum, Samarkand, Stamboul, épicentres des séismes politique qui ont ébranlé l'Asie et par contre-coup l'Europe. »

« La Russie prend plus particulièrement la suite du Mongol de la grande époque gengiskhanide.

« Il en a été longtemps le vassal, la victime, l'esclave, lutant contre [ le ] royaume de la « Horde d'Or » que les invasions d'autrefois avaient laissé comme une alluvion du Dnieper à l'Oural.

« C'est contre ce Mongol que la Moscovie naissante a pris conscience d'elle, a fait son unité, a acquis péniblement, petit à petit, sa figure d’État.

« Ayant balayé définitivement son oppresseur, elle a pris sa place, et [ ... ] le problème de la manœuvre politique et militaire s'est posé, avec le même point d'interrogation quand à la direction de l'effort principal, avec les mêmes tiraillements entre l'Est et l'Ouest. »

« La Russie tsariste a résolu ce problème, en ce qui concerne l'Asie, en menant de ce côté une politique active visant à accroître le patrimoine national jusqu'aux limites du possible. »

« Au XVIe siècle, Ivan le Terrible a commencé, après la disparition du Mongol, en débordant vers l'Astrakan et au delà de l'Oural avec les raids d'Yermak et de ses compagnons.

« Dès le XVIIe siècle, les conquistadors moscovites ont, d'un seul temps de galop, mis la main sur la Sibérie, parvenant, avec une rapidité extraordinaire, en 1619 à Iénisséi, en 1632 à Yakoutsk, en 1636 à Okhotsk, sur le Pacifique, [ ... ]

« [ ... ] ne s'arrêtant dans la vallée de l'Amour que devant la résistance de la Chine – traité de Nertchinsk [ en ] 1689.

« Au XIXe siècle, par une action continue et persévérante, la Russie a enlevé aux Persans, aux Turcs, et aux autochtones toute la Transcaucasie Géorgie, Gourie, Mingrélie, Iméréthie, Daghestan, Arménie, Abkhazie, Kars, Batoum, ... »

« Mais c'est surtout après ses déboires européens, après la guerre de Crimée et celle de 1877-1878, après les congrès de Paris et de Berlin, que la Russie est revenue vers l'Asie pour y trouver des consolations et de substantiels dédommagements.

« Au lendemain de la guerre de Crimée commence la grande poussée russe en Asie Centrale.

« Ce sont successivement l'installation dans la vallée inférieur du Syr-Daria (1854-1856), la conquête de Tchemkent (1864), de Tachkend (1865), de Khodjend (1866), de Samarkand et [ de ] Bokhara (1868), de Khiva (1873), du Fergana (1876).

« En Extrême-Orient, le traité d'Aïgoun avec la Chine donne en 1858 toute la rive gauche de l'Amour à la Russie, et, en 1860, le traité de Pékin y joint la Province Maritime.

« Vladivostok est fondé en 1861. Il n'est pas jusqu'à la Dzoungarie dont les Russes n'occupent temporairement une partie (1871-1879). »

« Après la guerre de 1877-1878, Saint-Pétersbourg répare l'écroulement de son rêve de San-Stefano en donnant plus d'élan encore à sa progression asiatique. Celle-ci intéresse tous les secteurs.

« En Perse, les Russes pénètrent pacifiquement. Ils dominent le pays financièrement, par invasion bancaire, encadrent son armée, obtiennent le monopole des concessions de chemins de fer et de routes, réalisent l'infiltration économique ; [ ... ]

« [ ... ] l'arrangement du 31 août 1907 avec l'Angleterre leur assujettit toute la partie Nord de l'Iran.

« En Asie Centrale, la Russie complète son avance antérieure en mettant la main sur le pays des Turkmènes (1879-1882), en prenant Merv (1884), en construisant son chemin de fer transcaspien (1880-1888)

« Elle est au Pamir en 1895. Elle pénètre économiquement en Kachgarie (1879-1881). Elle se glisse au Thibet auprès du dalaï-lama et mobilise le bouddhisme à son profit (1894-1902).

« Puis, à partir de 1890, les Russe délaissent le secteur des Indes pour se passionner pour l'Extrême-Orient. Ils parviennent à rendre toute-puissante leur influence à la cour de Pékin.

« Ils évincent en 1895 le Japon de Port-Arthur pour y prendre sa place trois ans plus tard. Ils construisent leur transmandchourien et leur sud-mandchourien.

« Enfin, à la faveur de l'insurrection des Boxers, c'est l'installation en Mandchourie (1900-1904), ce sont des visées plus étendues encore sur la Corée, bref tout ce qui sera ruiné par la guerre russo-japonaise.

« La Mongolie elle-même est peu à peu gagnée par l'inondation russe, et, en moins de vingt ans (1898-1915), un quasi protectorat moscovite mettra cette province sous le contrôle entier de Saint-Pétersbourg. »

« Après une cinquantaine d'années passée à cultiver spécialement le théâtre d'opérations asiatiques, la Russie tsariste n'est revenue exclusivement et sérieusement vers l'Europe et les affaires européennes qu'en 1907, après la guerre russo-japonaise.

« Et on peut même dire que durant cette période et les précédentes, son effort anti-asiatique, sa seule présence même, ont eu pour effet de protéger l'Europe contre l'Asie [ ... ]

« [ ... ] et de constituer pour la civilisation occidentale une barrière contre les périls qui auraient pu, comme au moyen âge, venir de ces régions. La Russie prenait [ la ] figure d'avant garde du monde blanc vis-à-vis des menaces éventuelles de l'autre continent. »

« En somme, au cours de ses retournements asiatiques, la Russie tsariste cherchait de ce côté des avantages importants et définitifs, auxquels elle attachait grand prix.

« Son expansion extérieur était en grande majorité centrée dans cette direction. L'Est était l'objectif principal. C'était l'idée de manœuvre de Gengis-Khan. Quand les tsars s'engageaient en Asie, ils le faisaient avec l'esprit de Monka ou de Koubilaï. »

Cf. Amiral Castex (1935) – De Gensis-Khan à Staline ou Les vicissitudes d'une manœuvre stratégique (1205-1935) – La manœuvre tsariste [ ... ]

Les alluvions de la « Horde d'Or » montre que la limite continentale eurasiatique ne se trouve pas sur les hauteurs de l'Oural mais qu'elle s'est déplacée vers la dépression du Dniepr qui relie la Mer Noire à la Mer Baltique.

Le monde blanc qui se trouve en Scandinavie au-delà des régions lacustres qui s'étendent du Golfe de Finlande à la Mer Blanche est impropre pour désigner la civilisation occidentale qui fut littéralement celle de l'homme rouge.

La Russie est donc bien la figure de proue de ce monde intérieur qu'elle protégeait des incursions continentales en-deçà d'une limite antérieure qui se trouvait sur le Rhin et sur le Danube à l'époque romaine et jusqu'au Pont-Euxin en Colchide.