mercredi 28 septembre 2022

L'évangile selon K. Dick

...

« La chronique des aventures de Paul entre son départ de Philippes et son retour, sept ans plus tard [ que Carrère situe entre 50 et 58 ] est dans les Actes [ des apôtres ] passablement embrouillée.

[ Carrère commence son récit là où Luc s'invite dans la biographie de Paul – au chapitre XVI des Actes des apôtres.

Le proconsulat de Galion à Corinthe entre juillet 51 et juin 52 lui sert de repère pour la chronologie des voyages de Paul. ]

« Et pour cause : Luc [ qui rédige les Actes ] n'y était pas. Mais on dispose pour compléter son récit d'un autre document d'une valeur absolument exceptionnelle puisqu'il émane de Paul lui-même : ce sont les lettres qu'il écrivait à ses églises. »

« Dans toutes les éditions du Nouveau Testament, on les trouve sous le nom pompeux d'épîtres – qui ne veut rien dire d'autre que « lettres » – après les [ quatre ] Évangiles et les Actes.

« Cet ordre est trompeur : elles leur sont d'au moins vingt ou trente ans antérieures. Ce sont les plus anciens textes chrétiens, les premières traces écrites de ce qu'on n'appelait pas encore le christianisme.

[ Pour le quatrième évangile qui s'insère entre celui de Luc et ses Actes et que le Canon attribue à Jean, c'est incontestable. Mais nous l'attribuons au Théologien qui rédige la première épître du corpus johannique.
   

Ordre canonique

Évangélistes

Prédicateurs

Prédications

Identifications

1

Matthieu

Jésus

aux Israélites

Samaritains

2

Marc

Pierre

aux Juifs

Judéo-chrétiens*

3

Luc

Paul

aux Grecs

Païens

4

Jean

le Théologien

Universelle

Actes

Luc

Pierre et Paul

aux Juifs et aux Grecs

   
* Les Pauvres et les Saints auxquels s'adressent les épîtres de Jacques et de Jude.

Il faut dès lors distinguer les Ébionites judéo-chrétiens et les Nazaréens dont l'évangile de référence était celui de Matthieu.

Carrère qui n'évoque que l’évangile de Jean dans le préambule qui caractérise la première partie de son ouvrage ne s’intéresse ici qu'aux épîtres de Paul en étendant leur antériorité chez Luc aux deux premiers évangiles du canon néotestamentaire.

C'est une interprétation littéraire du marcionisme qui s'inscrit dans ses commentaires sur l'évangile selon Philip K. Dick (1928-1982) dont Carrère reste (après 1993) le biographe exemplaire.

Quant au christianisme des chrétiens d'Asie que Carrère cherche à faire surgir du néant, ils se reconnaissaient comme tels depuis Antioche où ils professaient leur foi dix ans plus tôt sous l'égide de Pierre. ]

« [ Les épîtres de Paul ] sont aussi les textes les plus modernes de toute la Bible, j'entends par là les seuls dont l'auteur soit clairement identifié et parle en son nom propre.

[ Ce qui contredit l'assertion précédente en jetant le discrédit sur tout le reste du Testament. ]

« ... au moins deux tiers des lettres de Paul – selon les critiques les plus sévères – sont bel et bien de lui. » [ ... ]

[ L'épître aux Hébreux ne serait pas de lui et s'adresserait aux bénéficiaires des prédications précédentes.

Les critiques écartent la deuxième épître aux Thessaloniciens qui ajourne la résurrection et le retour du Seigneur mais rien n'atteste que Paul ne se soit pas confronté lui-même à cette contradiction. ]

« Les Évangiles n'existaient pas encore : les premiers chrétiens n'avaient pas de livre sacré, mais les lettres de Paul leur en ont tenu lieu. » [ ... ]

[ Ce qui fut peut-être le cas en Asie mineure où celui de Luc s'invente. ]

« ... deux Juifs [ Paul et Timothée ] disent « les Juifs », comme s'ils ne l'étaient pas eux-mêmes, « leurs prophètes », comme si ce n'étaient pas les leurs aussi. »

[ Donc, ils ne l'étaient pas. ]

Cf. Emmanuel Carrère (2014) – Le Royaume – Paul (Grèce, 50-58)

    

    

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