vendredi 5 août 2022

L'Ordre des Chevaliers Élus

Pour le cinquante-cinquième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :

David Stevenson a publié un livre en 1993 traitant des Origines de la Franc-Maçonnerie qui nous a paru singulier parce que son historiographie théorise un Siècle écossais qui s'étendrait de 1590 à 1710.

Sa singularité tient au fait que le siècle auquel il est fait référence est de 120 ans et qu'il correspond par sa durée aux trois périodes rosicruciennes introduites avec l'invention de la sépulture de Christian Rosenkreutz dans celle des temps apocalyptiques (360).

Mais les limites de ce siècle ne correspondent ici à rien : ni à la fable rosicrucienne de 1604 ni à l'historiographie de la maçonnerie écossaise qui commence en 1603 avec l'intronisation de Jacques VI et I sur le trône d'Angleterre.

Elles cherchent une antériorité à la Grande Loge de Londres de 1717 en se donnant une ère rosicrucienne qui s'achèverait un siècle après l'édition du premier ouvrage attribué au fondateur putatif de la Rose-Croix en 1610 :

« Le fait est que le premier ouvrage du fondateur du mouvement Rose-Croix – Johann Valentin Andreæ – sort des presses de l'imprimeur en 1610 à une date qui est compatible avec l'hypothèse d'une influence sur les érudits proches de la cour anglaise ; ...

« ... sauf que la propension à vanter les qualités de la mémoire et de l'aptitude à anticiper l'avenir en détectant les signes cachés, est de beaucoup antérieur. [ ... ] Il n'est donc pas possible de postuler une innovation apportée par le mouvement rosicrucien. »

Cf. André Kervella (2002) – La Passion écossaise – Microcosmes – Sous le nouveau Salomon

L'innovation apportée par le mouvement rosicrucien sur ses prédécesseurs – Nostradamus et Ciacconius – c'est que sa double vue ne se fonde plus sur deux périodes de 444 ans – autour de 1555 et 1588 – à trente-trois ans d’intervalle.

Elle enchaîne deux temps apocalyptiques de 360 ans dans lesquels elle introduit à partir de 1604 trois périodes de 120 ans qu'elle emprunte à l'historiographie du Saint Empire Romain Germanique. Mais le principe et la méthode sont en effet les mêmes.

Reste que la maçonnerie écossaise que nous connaissons, qui nous vient de France et dont l'influence pour René Guénon ne s'achève qu'en 1783 est beaucoup plus récente et ne voit le jour dans l'historiographie du Grand Orient qu'en 1732 :

« ... la loge de la rue des Boucheries est la première qui reçoit en France une constitution régulière de la grande loge d'Angleterre mais [ ... ] son ancienneté n'est retenue qu'à partir du 7 mai 1729 sous le titre de Saint-Thomas à la taverne du Louis d'Argent. » [ ... ]

« Ce n'est qu'en avril 1732 que la loge du Louis d'Argent sera reconnue par la Grande Loge londonienne. »

Cf. André Kervella (2002) – La Passion écossaise – L'expansion en Europe – L'essor [ pour l'Histoire de la Fondation du Grand Orient de France de 1812 ]

Notons ici un motif que nous avons déjà rencontré sur la montagne des Armoises au Sud de Bruxelles, là où la confrérie des Bouchers sert apparemment du support à des élaborations que nous qualifierons d'hermétiques :

« Sur l'Ordre des Chevaliers Élus proprement dit, nous avons moins de garantie [ que pour le soulèvement manqué de 1715 et les revers subis par l'armée de Charles Édouard. ]

« En l'état actuel de la recherche, il est impossible de savoir quand il est apparu, comment il s'est développé. À force de recouper les documents – quelle qu'en soit la nature – nous devons alors adopter un double point de vue.

« Désormais qu'il ne ne fait guère de doute que les Jacobites ont voulu inventer une nouvelle version de la maçonnerie au cours des années 1730, le principe de son existence forme une sorte de fondement à n'importe qu'elle étude de l'Écossisme.

« Cependant, les modalités choisies pour lui donner corps prêtent à controverse. En hypothèse basse, nous devons parier pour un seul grade.

« Puisqu'il s'agit d'opérer un détour à l'institution première où l'on est maçon tout uniment - « fellow » [ pour ] compagnon de la fraternité – on ne voit pas l'intérêt d'en concevoir plusieurs.

« Malheureusement, nous échouons à en connaître le nom. Plusieurs possibilités se présentent [ « ... où celui de Grand Écossais s'annonce en récompense suprême. » ]

« Reste que les archives [ ... ] offrent de précieuses indications pour admettre une connexion forte entre ces Chevaliers Élus et la mouvance stuardiste.

« Disons [ qu'en ] ce sens, ils proposent la composante chapitrale des loges bleues dont la propagation est également assurée au même moment.

« Le rituel est clair au moins sur l'idée qu'il faut avoir donné pleine satisfaction dans ces loges pour espérer accéder au quatrième grade. Il l'est tout autant sur trois autres points :

« Le premier est que ses dirigeants ne valorisent que la dimension écossaise ; ...

« Le second qu'ils reprennent certains épisodes de la geste templière en développant une thématique de la vengeance autour de l'imagerie kadosh ; ...

« Le troisième qu'ils considèrent leur système comme le seul apte à parachever un authentique cheminement initiatique. » [ ... ]

« Tout compte fait, il se peut que l'objet du scandale [ qui inquiète le gouvernement français sous Louis XV ] soit dans l'usage de la thématique kadosh.

« ... l'allégorie qu'affectionnent les Chevaliers Élus est celui de la vengeance promise aux assassins de l'architecture du temple de Salomon. C'est une allégorie. Est-elle purement gratuite ?

« En dépit des risques de déphasage [ ... ] il convient de relire de très près les archives qui la véhiculent.

« Les premiers maçons Écossais songeaient bel et bien à venger les malheurs des Stuarts depuis la décapitation de Charles 1er, fils du Salomon de la Grande Bretagne, selon l'expression officielle de son temps. » [ ... ]

Cf. André Kervella (2002) – La Passion écossaise – Retour aux sources – Crépuscule

   

    

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