vendredi 25 février 2022

De Ramatoulaye à Montluçon

Pour le vingt-sixième cycle du neuvième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« L'existence de Ramatoulaye, son succès et les enseignements du Cheikh [ Aboubakr Sawadogo ] suscite une hostilité et engendrent un certain nombre d'épreuve qui ont comme effet de grandir le prestige du Cheikh [ ... ]

« [ ... ] et de construire la mémoire d'un homme exemplaire, [ celle d'un homme ] en lutte pour la propagation de l'islam et de la voie de la Tidjaniyya hamalliste dite [ des ] Onze grains. »

« L'hostilité, dont on trouve trace dans la mémoire collective ainsi que dans les rapports administratifs étudiés par les historiens, provient de plusieurs sources ; d'abord de la société coutumière qui a de nombreux griefs à l'égard du Cheikh.

« Ces griefs se sont déjà manifestés [ en 1917 ] dès la première implantation [ à Namissiguima ]. L'administration coloniale de son côté, sollicitée ou non par les chefs coutumiers, tente d’étouffer ce mouvement qu'elle considère comme subversif.

[ Il est néanmoins difficile d'accroire que cette sollicitation ait perduré puisque le fils aîné du Na'ba Kango du Yatenga aurait dirigé les travaux d'installation de la zaouïa de Ouahigouya où le Ckeikh de Ramatoulaye fut relégué par l'administration coloniale. ]

« On trouve peu de traces des tensions probables entre ce nouveau courant et les variantes de l'islam confrérique déjà implantées, comme la Tijâniyya [ des ] Douze grains ou la Qadiriyya. »

Cf. Felice Dassetto, Pierre-Joseph Laurent et Tasséré Ouédraogo – Un islam confrérique au Burkina Faso. Actualité et mémoire d'une branche de la Tijâniyya – La phase fondatrice et la consolidation de 1917 à l'époque contemporaineDes relation tendues avec la société coutumière moaga et avec l'administration coloniale (2013)

Avec la Qadiriyya, c'est probable ; entre les deux branches de la Tijâniyya, ça reste à démontrer. Dasseto & consorts évoquent brièvement la Qadiriyya :

« La Qadiriyya est une des plus anciennes confréries musulmanes fondées sous les Abbassides au XIIe siècle par Abd'l Qadir al-Jilani.

« Elle a pénétré le continent [ africain ] vers le XVe à travers deux axes. L'un à partir du Caire, le long du Nil, jusqu'à Khartoum [ au Soudan ] et puis vers l'Ouest. L'autre à partir du Maghreb vers le Sud.

« Plusieurs groupes issus de la Qadiriyya s’implanteront en Afrique occidentale. »

Cf. Felice Dassetto & cie – Op. Cit. – Islam africain, Tijâniyya, HamallismeConfrérisme et Tijâniyya (2013)

Si les rapports entre les deux branches de la Tijâniyya se tendent, c'est sous l'administration des autorités coloniales :

« Les historiens rapportent un épisode assez singulier qu'ils situent en 1933 [ mais qui prolonge jusqu'en 1939. ]

« On sait que l'administration coloniale prend appui non seulement sur la chefferie traditionnelle mais également sur des confréries musulmanes et, en l’occurrence, les Tijâni [ des ] Douze grains qui s'avèrent plus conciliants avec le colonisateur.

« Par contre les Onze grains [ ... ] sont soupçonnés de résistance. Pour tenter de réduire l'influence du hamallisme, les autorités coloniales organisent une tournée du petit-fils de Al-Hajj Umar, Noura Tall.

« Ses tournées se multiplient en Afrique à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, en signe de loyauté à l'égard de la France. »

Cf. Felice Dassetto & cie – Op. Cit. – La phase fondatrice et la consolidation de 1917 à l'époque contemporaineDes relation tendues avec la société coutumière moaga et avec l'administration colonialeLes contrôles coloniaux (2013)

Résistance et conciliation tournent ici autour de la « prières abrégée » :

« En 1938, le cheikh Hamahoullah, pour protester rituellement contre le danger qui s'abat sur lui et [ sur ] ses adeptes [ ... ] proclame le temps venu de la prière abrégée [ ... ] autorisée par le Prophète en temps de danger imminent [ ... ].

« [ Cette proclamation ] est [ perçue ] comme une preuve [ ... ] d'hostilité [ envers l'administration coloniale. ] [ Elle ] lui vaut sa déportation, d'abord en Algérie, puis en France où il est interné au camp d'Evaux-les Bains, dans la Creuse.

« Finalement, il meurt à l'hôpital de Montluçon en 1943 [ mais ] les fidèles du cheikh Hamahoullah ne croient pas à sa mort [ ... ]. Ce n'est qu'assez tardivement que le décès [ fut ] admis. » [ ... ]

« Pour trancher la question [ de la mort de Hamahoullah qui laisse ses disciples en retrait ] le cheikh Abdoullaye Doukouré décide d'effectuer un voyage en France en 1964 afin de vérifier et de témoigner ensuite au sujet du maître.

« Le voyage fut en grande partie financé par Houphouët Boigny devenu président de la Côte d'Ivoire. [ ... ] les récits de ce voyage rapportent une vision que cheikh Doukouré aurait eue la nuit qu'il passa sur la tombe de Hamahoullah à Montluçon.

« Ce rêve confirmait la véracité du décès du Cheikh Hamahoullah. » [ ... ]

« Revenu [ ... ] à Ouagadougou, le cheikh Doukouré restaura la prière ordinaire et abandonna la prière [ abrégé ] qui avait été instauré par [ le cheikh ] Hamahoullah pour montrer ses réticences face à la situation coloniale.

« Le Cheikh de Ramatoulaye – le successeur d'Aboubakr Sawadogo – fit ensuite de même. »

Cf. Felice Dassetto & cie – Op. Cit. – Islam africain, Tijâniyya, HamallismeLa Tijâniyya des Onze grains (2013)

« L'année 1942 [ ... ] peut être considérée au point de vue politique, comme étant celle de la lutte contre le hamallisme dont l'emprise dans le cercle de Ouahigouya ne cessait d'être inquiétante [ pour l'administration coloniale ].

« Deux foyers virulents existaient : l'un à Djibo dans la région peule du Djalgodji avec [ le cheikh ] Abdoullaye Koudouré ; l'autre à Namissiguima près de Ouahigouya en pays Moaga avec [ le cheikh Aboubakr ] Sawadogo.

« [ Leurs influences ] s'étendaient jusqu'en Haute Côte d'Ivoire, [ ... ] au Niger et aux régions soudanaises limitrophes. » [ ... ]

Cf. Felice Dassetto & cie – Op. Cit. – La phase fondatrice et la consolidation de 1917 à l'époque contemporaineRadicalisation des conflits entre le Cheikh et l'administration colonialeL'emprisonnement et l'exil (2013)

Le cheik Aboubakr Sawadogo fut déporté à Bamako puis à Tombouctou jusqu'en janvier 1945 quelques mois avant son décès.

Aboubacar Maïga II
   

    

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