mardi 28 décembre 2021

Les cimetières sous la Lune

Pour le onzième cycle du neuvième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« En mai 1938, paraissent Les grands cimetières sous la Lune, qui consomment la rupture de Georges Bernanos avec la droite d'Action française, [ le mouvement politique de Charles Maurras. ]

« La position de l'auteur est originale, unique même : ne se rattachant ni à la famille des démocrate-chrétiens, ni à la droite conservatrice, et pas d'avantage [ au ] catholicisme de gauche, [ ... ] Bernanos entend rester fidèle à ses origines [ ... ]

« Les grands cimetières révèlent un imaginaire bernanosien historiquement douteux, poétiquement sublime, empreint d'un christianisme à la fois évangélique et chevaleresque, dont une des vertus cardinales est le sens de l'honneur. »

Le journal de Bloy serait lui aussi émaillé des abominations « vraies et imaginaires » commises par les Allemands sur le territoire français.

Bernanos est royaliste et antisémite dans sa fidélité « à son rêve d'une ancienne France » et à son « esprit de liberté » ; mais son antisémitisme est atténué par Winock puisqu'il ne s'agit que de celui de « son vieux maître Drumont ».

[ « Les Bernanos s'installent [ ... ] à Palma de Majorque en octobre 1934.

« Le mot est impropre, car Bernanos, tout comme Léon Bloy qu'il admire, ne fut jamais un installé, mais un éternel locataire promenant sa femme Jeanne, ses enfants et ses impedimenta d'appartement de fortune en logis précaire. » ]

« Les grands cimetières sous la Lune ne sont pas seulement le récit éloquent, imagé, pathétique, d'une désillusion ; c'est aussi un pamphlet contre la droite française, celle qu'inspire Maurras tout particulièrement [ ... ]

[ « Quand [ Bernanos ] rompt avec Maurras [ en 1932 ] ce sera pour toujours ; il découvre que le maurrassisme, qui entend faire de la politique une science positive, n'était son école que sur un malentendu.

« Désormais, tout sépare le chrétien rêvant du temps des cathédrales et le disciple d'Auguste Comte prétendant établir la monarchie comme un théorème, à commencer par la guerre d'Espagne. » ]

[ « [ et ] la théorie des deux pouvoirs [ temporel et spirituel ] qui était dans la pensée de Saint-Simon [ et ] d'Auguste Comte [ ... ] »

Théorie où Maurras revendique le primat du politique que Winock attribue aux puissants et Maritain celui du spirituel que Winock qualifie aussi d'intellectuel.

Les détenteurs de ce pouvoir spirituel ou intellectuel ont d'après lui « quelque chose qui s'apparente au prophétisme » et que Guénon identifie à l'autorité.

Winock confond ici la puissance qui fonde l'autorité spirituelle et la force qu'exerce le pouvoir temporel en confondant également dans cette confusion l'intellect et l'esprit.

L'esprit est l'objet idéel d'une préhension intellectuelle plus où moins défectueuse que Guénon met sous la garantie de la transmission initiatique.

Winock considère enfin que ce prophétisme – celui de l'autorité spirituelle – est « détaché des conséquences immédiates de ce rappel à la loi morale » – celui exercé par les intellectuels.

Détachement qui est apparemment celui de l'immoralisme de Gide dont le modèle intellectuel préfigure celui de l'engagement sartrien dans le débat politique.

« Au-delà des conservateurs français, dont il détaille la médiocrité, Bernanos alarme ses contemporains sur la montée des totalitarismes, le communisme et le fascisme, mais aussi le totalitarisme mou [ sic ] des démocraties capitalistes.

[ Le « mou » est un concept étrange qui décrit par sa substance une téléologie. ]

« L'explication, qu'il en donne est inspirée par sa culture chrétienne : il y voit le fruit de la déchristianisation et en discerne la perspective eschatologique. » [ ... ]

« Emmanuel Mounier [ ... ] définit le pamphlet de Bernanos comme un « livre de prophète » – [ Mais pour Mauriac, Mounier est « chimérique » et « lyrique ». ]

Prophète que Mounier compare à Péguy et – « si l'on veut » – à Bloy. Winnock qui le décrit comme « un homme d'absolu » – avec une épithète que Colleye réserve à Bloy – le compare à Gide mais en moins versatile. ]

Cf. Michel Winock – Le siècle des intellectuelsLes années GideLes cimetières sous la Lune [ et ] La trahison des clercs (1997)

« Saint-Simon, Auguste Comte, Alain ont tour à tour formulé l'équilibrage indispensable de la force par l'esprit. »

[ « Depuis [ ... ] que l’Église catholique [ aurait ] cessé d'exercer [ après la Révolution ] ce rôle [ de « contre pouvoir spirituel » qui fait face « au pouvoir matériel ». ]

Formule maurrassienne où le « pouvoir spirituel » n'est qu'un « contre pouvoir » que « l'ancienne monarchie chrétienne » aurait confondu avec le « pouvoir politique » qui ne serait qu'un aspect du « pouvoir matériel » de l'économique et du social.

La Révolution aurait inventé la séparation des pouvoirs et Saint-Simon, le contre pouvoir des intellectuels par l'exercice d'un ministère de l'esprit.

Cf. Michel Winock – Le siècle des intellectuelsÉpilogueLa fin des intellectuels ? (1997)

   

    

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