vendredi 3 mars 2023

Le grammairien de la langue arabe

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Dans l'introduction des articles qu'il lui consacre, Cyrille Chodkiewicz oppose la bonne et la mauvaise réputation d'ibn Arabî en les faisant correspondre au « Doctor Maximus » d'Henry Corbin et au « grammairien de l'ésotérisme » de Louis Massignon.

La réputation que lui fait Massignon serait dédaigneuse selon Chodkiewicz ; mais on ne peut guère lui attribuer ce dédain qu'on constatant une absence d'étude de sa part à son sujet dans une œuvre qu'alimentent d'autres personnages – Manṣûr al-Ḥallâj par exemple.

Ce qui n'est pas le cas d'Henry Corbin qui utilise les théophanies du Sheykh al-Akbar pour construire sa propre théorie sur l'imaginal tandis que Massignon qui fut l'un de ses maîtres lui indiquait l'œuvre de Sohravardî pour qu'il lui consacre une thèse.

Avant ces préoccupations d'exégètes, c'est à René Guénon que revenait en premier l'initiative d'une transmission en langue française des études akbariennes dont les Études traditionnelles se firent dès 1936 le prolongement naturel.

Préséance à laquelle Michel Chodkiewicz ne rend guère justice mais qu'il transpose sur celle de Michel Valsân dans le même courant où l'on retrouve Charles-André Gilis et Slimane Rezki qu'on peut raisonnablement qualifier de « guénoniens ».

Rezki rappelle que Massignon fut l'un des membres du Conseil consultatif de l'Union intellectuelle pour l'entente générale des peuples à laquelle Guénon insuffla une âme dès 1924 avec un ouvrage consacré à des rapprochements entre l'Orient et l'Occident.

Il n'y eût donc guère qu'une opposition de style assez relative entre le grammairien de la langue arabe qu'était Massignon et celui de l'ésotérisme qu'il qualifie ici d'une épithète assez juste et fort peu dépréciative quoique réductrice.

Il est vrai que Gilis systématiquement passé sous silence en-dehors des quelques quolibets discrets que lui décoche Michel Chodkiewicz ne manque pas d'évoquer les raisons scabreuses pour lesquels Guénon se serait méfié du grammairien.

Et c'est peut-être ce qu'on retrouve ici comme une évidence mal placée qui l'opposerait à son tour à Corbin dans la réputation qu'il ferait au Plus grand des maîtres sous celle d'un Guénon à laquelle s'opposerait la figure d'un Émir magnifiée par son exégèse :

« La réputation d'ibn Arabî – qu'elle soit bonne ou mauvaise, qu'on voie en lui, comme Corbin, le « Doctor Maximus » ou qu'on le traite dédaigneusement, comme Massignon, de « grammairien de l'ésotérisme » – prend rarement en considération sa position réelle » ...

Cf. Cyrille Chodkiewicz – « La Loi et la Voie » [ dans ] « Les illuminations de la Mecque » [ dirigées par ] Michel Chodkiewicz (1988)

L'appréciation du « sheykh admirable » restera infiniment plus simple si on veut bien voir que le grammairien de la langue arabe fut avant tout un dévot de Notre-Dame à La Salette et l'hôte – dans les deux sens du terme – sur une terre étrangère.

   

    

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