...
« Il reste que l'imitation ou l'emprunt pur et simple sont aussi des phénomènes historiques biens attestés.
« La première hypothèse qu'il convenait d'envisager consistait à se demander si les catégories de pensée et les techniques d'art que les troubadours introduisent brusquement [ ... ]
« ... au sein de la civilisation occidentale ne proviendraient pas d'une autre civilisation, contemporaine mais plus précoce et déjà plus riche [ du point de vue de ces catégories et de ces techniques. ]
« Byzance paraissant hors de cause [ ... ] il ne peut s'agir que de l'Islam. » [ ... ]
« L'imagination des poètes de Bagdad avait projeté cet idéal dans une figure mythique, celle de la tribu légendaire [ ... ] qui aurait vécu quelque part au sud de l'Arabie, aux confins du Yémen [ que Davenson qualifie d'odhrite – c'est-à-dire virginal. ]
Cf. Henri Davenson – Les troubadours – L'hypothèse arabe (1964)
Mais il ne s'agit pas seulement de légendes et la figure mythique qui unit le roi Salomon à la Reine du Midi trace ici son continuum culturel :
Occitanie |
◄ |
Maghreb |
◄ |
Syrie |
◄ |
Yémen |
Cette transmission s'enrichit d'un patrimoine iranien et mandingue qui est celui que l'Asie et l'Afrique lèguent aux strates intermédiaires et chaque étape à son propre génie où entre aussi la poétique gréco-latine hellénisante ou grégorienne.
« L'hypothèse d'une origine arabe [ en Espagne ] de la poésie des troubadours suggérée dès le XVIe siècle par G. M. Barbieri et défendue à la fin du XVIIIe [ siècle ] par le jésuite espagnol exilé J. Andrés a été bien souvent reprise depuis et tout récemment encore.
« Elle a rencontré d'autre part des adversaires aussi résolus que ses partisans pouvaient être enthousiastes [ Menéndez Pelayo [ y ] Pidal ] : l'un des défendeurs les plus ardent de la thèse a été le regretté A. R. Nyki – un arabisant de Chicago d'origine slovaque. » [ ... ]
Cf. Op. Cit. Ibidem (1964)
Mais c'est envisager l'hypothèse par le petit bout de la lorgnette arabique.
Nous retranscrivons très librement en substance ces vers que Davenson attribue à Hamzah ibn abî Daygham pour ce qu'ils ont d'exemplaires :
Nous
somme restés tous deux à l'arrière
des tentes
sans demeurer près d'eux ni rejoindre l'ennemi
Nous
y avons passé la nuit puis la rosée
enivrés et transis des
parfums du Yémen
Écartant
loin de nous la folle ardeur pour Dieu
lorsque nos cœurs
ensembles s'y mirent à battre
Revenus
abreuvés de chastes retenues
juste à peine effleurées aux
lèvres écarlates
Ce à quoi ibn Sâra de Santarem plein de courtoisie – « zarf » – et de convenance – « adab » consent :
Souvent
mon amie m'a visité la nuit
jusqu'à l'aube
Noire comme sa chevelure et blanche comme l'éclat de son visage
Je
l'ai eue pour commensal tandis que l'amour virginal
livrait sous
la prunelle de ses yeux
des assauts incessants
Ces assauts sont ceux d'un « trobar » clos – le « trobar » étant ici le chant du troubadours – dont ibn al-Haddâd de Cadix se fit l'écho :
J'ai
tu le nom de mon amie que je ne prononce jamais
et ne cesse par
mes énigmes de le rendre encore plus obscur
Ce que le « mameluk » de son amour déclame sous son nom d'emprunt – « senhal » – avec ibn Zaidûn de Cordoue :
Entre
toi et moi si tu le voulais
il y aurait quelque chose qui jamais
ne se perdrait
Un
secret qui alors que tous les autres seraient divulgués
resterait
caché
Si
tu chargeait mon cœur de ce qu'aucun autre ne peut supporter
le
mien le pourrait
Qu'a dit la petite oie blanche à des amants trop empressés ? Je suis une Conception immaculée. Un temps qui ne tient plus qu'à trois ... deux ... un ... zéro :
Je connais de toi un secret plus profond que ton cœur
une âme sœur
entre un océan qui déferle et un abîme que rien ne vient combler
Qui peut transmettre l'essence de l'être en soi ?
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