vendredi 13 novembre 2020

Le Nord de Novgorod

Pour le vingt-troisième cycle du premier mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« La Russie soviétique a conduit ses opérations de façon radicalement différente [ par rapport à la Russie tsariste ]. Dès ses débuts, elle s'est orienté dans un sens anti-européen [ celui d'une puissance asiatique ].

« Il n'y avait là rien que de logique. La ferveur primitive, le mot d'ordre nouveau, le credo inédit qui avaient présidé à la naissance de la Russie [ soviétique ] de 1917-1918 et entouré son berceau, le communisme en un mot, [ ... ]

« [ ... ] l’opposaient foncièrement au monde ancien, qui de son côté, la tenait comme ennemie pour cette raison et lui témoignait une franche hostilité, ou tout au moins une froideur marquée. »

« Et la divergence s'accentue promptement dans la suite. La Russie soviétique devient de plus en plus l'adversaire de l'Occident, autant et plus au point de vue philosophique, dans le domaine de l'esprit, que dans le royaume de la matière.

« Le rêve de grandeur future que les premiers bolcheviks au pouvoir nourrissent pour leur pays prend d'emblée sa forme spéciale. C'est un élan non seulement nationaliste, mais aussi révolutionnaire, tout imbu de la croyance mystique qui emporte les âmes.

« C'est la recherche d'une domination sur le monde qui soit non seulement domination matérielle, mais aussi domination de l'idée. Cela n'ira pas sans guerre, certes. Au reste, cette guerre a déjà commencé un peu partout, sourde ou déclarée.

« Elle est quelque chose de plus que le heurt coutumier, par les voies politiques et militaires ordinaires, d'une ambition assaillante et de résistances adverses, quelque chose de plus que le choc habituel d'une volonté d'acquisition et de volontés de conservation.

« C'est le conflit de deux conceptions morales et sociales radicalement opposées, de deux civilisations dissemblables, de deux systèmes incompatibles. C'est une lutte non pas uniquement « temporelle » [ ... ] mais aussi spirituelle, une manière de guerre de religion.

« Il est impossible d'en attendre une issue heureuse – pensent les orthodoxes marxistes – si on laisse substituer cette citadelle du monde capitaliste qu'est l'Europe occidentale, si on laisse debout, robuste et florissant, comme un défi à l'idéal naissant, [ ... ]

« [ ... ] ce qui est, outre le principal centre de résistance politique, économique et militaire, le réduit de la conception adverse, le foyer de la doctrine antagoniste, le temple des hérétiques.

« Tant qu'on ne l'aura pas abattu, rien de sera acquis, aucune décision ne sera obtenue. La victoire est à ce prix. »

« La Russie soviétique se dresse, par force, chaque jour davantage contre ce qui représente et incarne l'idée occidentale : l'Europe, la « petite presqu'île » accolée à la masse asiatique. »

« Et alors on voit reparaître chez les [ nouveaux ] Russes [ bolcheviks ] le projet cher à Boukharine, « d'enfoncer dans l'édifice vermoulu du système bourgeois le coin d'acier de la dictature prolétarienne en arme ».

« On n'entend parler, vers les années 1920 [ ... ] sous l'influence du parti de Trotsky, que de guerre ouvrière et paysanne, de révolution mondiale imposée par la force en armes, de lutte à mort contre les nations capitalistes, d’impérialisme communiste, etc.

« Les plus exaltés voient la marée irrésistible des armées rouges se ruant sur l'Europe, rééditant l'invasion [ de la « Horde d'Or » ] de 1241 ; mais, cette fois, ne s'arrêtant plus à la Hongrie et poussant jusqu'à l'Atlantique.

« C'est le vieux rêve. Il enflamme plus d'un cerveau judéo-slave [ que Kœstler qualifierait de khazar ] [ à ] Moscou. On reprendrait ce plan non plus au nom du Yassak mongol, mais au nom du communisme.

« Quelle vision ! En elle se retrouvent les traits ordinaires des projets des perturbateurs du passé : l'ampleur de la conception et l'orgueil démesuré qui l'inspire. »

« L'idée de manœuvre générale se déduit immédiatement et lumineusement de ces préoccupations : entre les multiples directions politiques, militaires et morales offertes à la Russie soviétique, l'une s'avère dominante : l'Ouest. L'Ouest sera l'objectif principal.

« Et quand, accidentellement, on ira de l'autre côté, ce sera pour le plus grand bien de cet objectif principal. Si l'on est conduit à s'orienter momentanément [ ... ] contre [ cet objectif, ] [ ... ]

« [ ... ] cet effort initial vers l'Est, ce retournement préalable et provisoire vers l'Asie seront destinés non pas, comme au temps des tsars, à obtenir des avantages considérés comme primordiaux et suffisants en eux-mêmes, [ ... ]

« [ ... ] mais bien à assurer dans cette direction la sûreté de l'opération principale et à trouver dans cette Asie une base, un tremplin et un supplément important de ressources servant la manœuvre générale anti-européenne. »

« Au dire de Lénine, la victoire du bolchevisme dépend du ralliement des masses humaines de la Chine et des Indes à la tentative de la Russie [ soviétique ].

« Au congrès de Bakou, en 1920, il résume la combinaison dans sa formule lapidaire : Vous viendrez à bout de l'Occident par l'Orient. Plus explicite encore, son disciple Zinoviev ajoute :

« La Russie [ soviétique ] tend la main à l'Asie non pas pour qu'elle partage ses conceptions sociales, mais parce que 800 millions d'Asiatiques lui sont nécessaires pour abattre l'impérialisme et le capitalisme européen. »

« C'est à cette fin que Tchitcherine veut créer « les États-Unis d'Asie [ avec Moscou pour ] capitale [ en 1923 ].

« L'Ouest est ainsi remis en honneur, comme direction d'attaque principale. Les soviets ramènent la Russie [ soviétique ] à son rôle et à son caractère de puissance essentiellement asiatique.

« Ils reviennent à l'idée de manœuvre de Gengis-Khan lui-même, après la longue éclipse qu'elle a subie sous ses successeurs jaunes ou blancs pendant le grand siècle mongol et pendant les siècles tsaristes. »

Cf. Amiral Castex (1935) – De Gensis-Khan à Staline ou Les vicissitudes d'une manœuvre stratégique (1205-1935) – [ ... ] la manœuvre soviétique

Le rôle originel de la Russie, c'est la défense du Nord comme puissance centrale. Les successeurs jaunes de Gengis-Khan, c'est la dynastie des Yuan ; ses successeurs blancs, c'est la Russie tsariste.

Le grand siècle mongol, c'est sa prolongation dans l'empire moghol sur une période de six cents ans qui correspond aux cohortes du Kali yuga – entre 1258 et 1858 ou à partir du témoignage apocalyptique, après 1260.

Les siècles tsaristes sont des périodes séculaires qui s'étendent entre Yvan le Terrible et l'Union soviétique. Les deux années prorogées entre en 1258 et 1260 correspondent après 1858 aux années 1921 et 1922.

   

   

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