mardi 24 août 2021

Le dernier Père de l’Église

Pour le vingt-deuxième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Robert de Molesme [ le fondateur de l'ordre cistercien ] qui avait vu dans la richesse, le confort et la puissance des bénédictins une source de décadence spirituelle, avait voulu revenir à la règle primitive, celle de saint Benoît, et celle de l'Irlandais Colomban. » [ ... ]

« On a vu en [ Saint Bernard ] l'héritier d'une tradition occidentale qui remonterait aux Druides et au-delà. René Guénon a dit qu'il était « le dernier druide des Gaules ».

C'est une absurdité. L'action de Bernard de Clairvaux dément en tout points cette affirmation.

« Il n'y a pas plus romain que Bernard, il n'y a pas plus centralisateur, pas plus universaliste que lui, [ ... ]

« [ ... ] et c'est, il faut bien le dire, le contraire de l'attitude druidique répercutée à travers le monachisme irlandais et breton, et infiltré à petites doses dans le monachisme continentale bénédictin.

« Rome, au VIIe siècle, a tout fait pour détruire les Chrétientés celtiques parce qu'elles ne correspondaient pas au modèle tracé par le papes et leur affidés, parce qu'elles se permettaient d'apprécier différemment le message évangélique.

« Si le problème s'était posé au XIIe siècle, nul doute que Bernard de Clervaux se fût dressé contre les Chrétientés celtiques avec la virulence qui lui était coutumière [ celle dont il use contre les propositions d'Abélard. ] »

Cf. Jean Markale – Qui étaient les TempliersLa fondation du Temple (1986)

Markale s'en prend ici directement à Guénon d'une façon paradoxale dans laquelle on retrouve son refus de toute perspective métaphysique ou surnaturelle et son encrage dans un psychologisme militant.

Si Bernard de Fontaines est l'héritier de Saint Benoît et de Saint Colomban et si Saint Colomban est l'effigie d'un Christianisme celtique, il n'y a pas d'inconvenance à considérer Saint Bernard comme le dernier des druides.

Si tant est que Guénon ait jamais formulé ce genre d'outrance qu'on ne retrouve pas dans l'opuscule qu'il lui consacre où il présente Bernard comme un grand saint et comme le dernier Père de l’Église .

Il ajoute à ces appréciations que certains voudraient voir en lui – « non sans quelques raisons » – le prototype de Galaad ou le chevalier idéal et sans tache, le héros victorieux de la « queste du Saint Graal » et le « chevalier de Marie ».

On reconnaît son style à la fois précis et allusif qu'on résume difficilement par des formules à l’emporte-pièce mais où le dernier Père de l’Église apparaît aussi comme la figure éminente d'une culture romano-celtique.

Mis à part ce que Markale nous dit du VIIe siècle où l'installation d'un patriarcat romain à Canterbury prolonge l'évangélisation du Nord de l'Europe par Saint Colomban, tout ce qu'il nous dit sur Saint Bernard est faux.

Car au-delà des parallèles qui transposent cette installation au XIIe siècle, le modèle cistercien et sa charte de Charité correspondent plutôt à celui qu'il nous donne en exemple comme le type d'un monachisme irlandais et breton.

[ « ... Rome a littéralement livré les Bretons aux Anglo-Saxons au VIIe siècle et les Irlandais à Henry II Plantagenêt au XIIe siècle. » - cf. Les grandes heures de Gisors ]

Mais c'est bien évidemment d'une synthèse entre ce modèle et celui que Markale qualifie de bénédictin dont il est question et il y a plus encore dans la proposition qui nous la présente comme celle du dernier Père de l’Église.

Quand on parle de la Chrétienté – au sens le plus générique de son expression et en-deçà de toute idiosyncrasie culturelle – il faut constater qu'elle n'aura pas durée deux siècles entre le concile de Troyes (1129) et celui de Vienne (1312).

Son histoire – quand on la confond avec celle des Templiers – n'est précédée que par une longue évangélisation du monde romain puis germanique avant d'être subvertie dès Philippe le Bel par un gallicanisme qui ne cesse de la déposséder d'elle-même.

« On peut [ ... ] supposer [ conclut Markale ] que Bernard de Claivaux a voulu sciemment l'implantation du Temple à travers toute l'Europe en un réseau aussi serré que possible parce qu'il garantissait l'unité du monde chrétien. »

« Maintenir dans la Chrétienté une vive conscience de son unité » fait aussi partie « des raisons plus profondes » que Guénon attribue aux « grands mouvements [ politique et religieux ] du Moyen-âge » en parlant des croisades.

Ce que nous pouvons dire, c'est que le monde chrétien de Galaad a joué son rôle dans la succession des temps apocalyptiques entre la cohorte du second témoin et la dernière cohorte orientale des turco-moghol qui fut celle du Sheykh al-Akbar.

C'est une des raisons plus profondes évoquées par Guénon qui identifie la Chrétienté médiévale à la civilisation occidentale et à l’œuvre de Saint Bernard dans la constitution de l'ordre du Temple en situant son apogée au XIIIe siècle.

   

    

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