vendredi 24 février 2023

La science des lettres arabes

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« On peut [ ... ] se demander – comme l'a fait R. W. J. Austin [ en 1980 ] – si ibn Arabî, vivant dans un pays où juifs et musulmans se côtoyaient a eu directement accès à cet enseignement au cours de la période andalouse de son existence.

[ Il est question de la kabbale hébraïque dans le « Sepher Yetsira » et le « Zohar » que Chodkiewicz met en rapport avec la science des lettres arabes – « 'ilm al-hurûf » – du Sheykh al-Akbar dans les « Futûhât ». ]

« Un dialogue [ qu'Austin ] rapporte entre un docteur [ ... ] « isrâ'iliyyîn » et lui-même montre qu'il savait que la Thora commence par la lettre « beth » comme le Coran par [ la lettre ] « bâ » qui en est l'équivalent dans l'alphabet arabe ; ...

« ... mais les besoins de la polémique avec les « ahl al-Kitab » [ les gens du Livre ] [ ceux du Noble Coran ] avaient depuis longtemps conduit des auteurs musulmans à s'intéresser à des livres [ que Chodkiewicz qualifie de ] sacrés, ...

« ... et rien dans les écrits du Sheykh al-Akbar ne permet de croire que ses connaissances de la tradition hébraïque aient été plus précises que celles d'un homme cultivé de son époque.

[ Bien que le mosaïsme hébraïque ait pu d'abord lui apparaître comme une voie médiane entre la voie christique et l'islam comme en témoigne l'intercession de Hûd – le prophète des 'Âd – qui l'introduit dans la vision inaugurale de l'assemblée des prophètes.

Dans son « Rayon vert », Jules Verne fait usage en 1882 d'un curieux procédé littéraire – « Bet ! Beth ! Bess ! Betsey ! Betty ! » – pour nous indiquer le caractère sacré qu'il attribue à son héroïne telle qu'elle semble en rapport avec l'origine hébraïque des Hébrides.

Hébraïsme qu'on peut difficilement mettre en relation avec son origine israélite en général ou juive en particulier si ce n'est quand il est question de « Juifs rouges » en référence au Phénix, au Soufre ou au Soleil couchant, au Maghreb ou à l'Occident. ]

« Au delà de disputes qui seraient assez vaines et qu'aucune preuve décisive n'autoriserait à conclure sur la filiation historique de tel ou tel point de doctrine et [ sur ] le jeu complexe des influences réciproques, ...

« ... il reste à constater la coïncidence – dans l'espace et dans le temps – de manifestations majeures de l'ésotérisme islamique et de [ ce que Chodkiewicz qualifie d'ésotérisme juif en lui prêtant un caractère initiatique ] ...

« ... et à méditer [ la ] signification [ de cette coïncidence ] dans l'économie spirituelle de ce « dernier tiers de la nuit » qui précède l'aube du jour éternel. »

Chodkiewicz fait ici référence à une citation des « Futûhât » :

« Nous sommes à présent au troisième tiers de cette nuit du sommeil de l'univers. Or la théophanie qui donne les grâces, les sciences et les connaissances parfaites sous leurs formes les plus accomplies est celle du dernier tiers de la nuit. »

Cf. Une introduction à la lecture des « Futûhât Makkiyya » – Michel Chodkiewicz (1988)

Quelque soit le sens donné à cette citation, elle décrit précisément la succession des cohortes du kali-yuga depuis la venue du premier témoin de l'apocalypse johannique jusqu'au renouvellement du « manvantara » que Chodkiewicz identifie au jour éternel.

La théophanie du dernier tiers de la nuit est alors celle qui implique le « tasawwuf » akbarien et les formes simultanées de la sainteté franciscaine et de la tradition orientale que le daishônin Nichiren qualifie avec la même insistance de « mahâyâna » définitif.

Quant à la science des lettres arabes dont il est question ici dès le premier chapitre des « Futûhât », c'est une science éminemment christique – « 'isawî » – que Chodkiewicz met judicieusement en rapport avec « la fonction eschatologique de Jésus ».

Ibn Arabî qu'il s'évertue à qualifier ici aussi de « Sceau de la sainteté muḥammadienne » dont la fonction rentre indubitablement dans son caractère général apparaît néanmoins dans la « communauté de statut » qu'il partage également avec le Christ.

Et par ailleurs, les vingt-huit lettres de l'alphabet arabe sont misent en rapport avec les vingt-huit degrés de la cosmologie akbarienne ; indiquant par là-même qu'ils expriment les mansions des lunaisons sidérales qui caractérisent la tradition primordiale.

Dans cette représentation du monde, le Pôle et ses deux imams sont représentés par la lettre « Alif » (1) avec le « Wâw » (6) à gauche et le « Yâ » (10) à droite dont nous mettons les nombres en rapport avec sa cosmologie et sa métaphysique.

Les quatre piliers qui soutiennent leurs fonctions hiérarchiques sont ici représentés par les lettres « Nûn » (50), « Tâ » (400), « Kâf » (20) et « Ḥâ » (8) – sauf erreur de notre part dans leur identification en l'absence de signe diacritique.

Deux lettres entrent dans l'injonction du fiat arabe – « KûN » – autour de la lettre « Wâw » (6) et probablement le « Ḥâ » (8) dans le nom du Vivant – « Ḥayy » – avec la lettre « Yâ » (10) ; le « Tâ » (400) étant sans doute celui du « Tawḥid ».

À ces lettres et à ces fonctions correspondent les sept noms matriciels – « ummahât al-'asmâ » qui caractérisent l'essence d'Allâh : « al-Ḥayy », « al-'Alîm », « al-Murîd », « al-Qâdir », « al-Qâ'il », « al-Jawwâd » et « al-Muqsiṭ ».

L'ordre dans lequel ils nous sont donnés nous laisse supposer dès lors une fois encore que le Vivant – « al-ayy » – est leur Pôle parmi leurs substituts.

   

    

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