samedi 18 février 2023

Le taḥmid de la khutba

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« ... assez rare, les commentaires [ des « Futûhât » ] sont en outre extrêmement fragmentaires.

« La plupart d'entre eux ne portent que sur quelques lignes, voir quelques mots – les huit premiers du texte en particulier – parfois sur un vers – tel celui qui figure au début du prologue. » [ ... ]

« Tout auteur musulman commence traditionnellement ses écrits par une doxologie – « khutba » – en deux parties : louange à Dieu – « tamid » – et prière sur le Prophète – « tasliya ».

« Cette figure obligée peut se limiter à de courtes phrases ou se déployer dans une scintillante pyrotechnie de prose rimée souvent plus sonore que riche de contenu.

« Tel n'est pas le cas chez le Sheykh al-Akbar dont les doxologies sont déjà en elles-mêmes des énoncés doctrinaux qui méritent une longue méditation.

« Celle des « Futûhât » en est un exemple significatif et présente de plus la singularité d'évoquer de façon précise [ dans la seconde partie ] un événement considérable de la vie de son auteur.

« Ce n'est pas un hasard si – comme nous l'avons signalé – les huit premiers mots [ ... ] ont suscité une bonne par des commentaires [ dont ceux de l’Émir abd al-Qâdir. ]

« La limpidité de leur surface est trompeuse. »

[ Les deux parties de la « khutba » ont évidemment un rapport avec les deux attestations de la « shahâda » : unicité d'Allâh – « tawid » – et mission du prophète Muammad.

Mais ce rapport est aussi valable avec les témoignages du Sceau général et du Sceau spécifique de la sainteté muammadienne qui précèdent le Sceau de la sainteté absolue quand il se manifeste pour sa parousie en-deçà de l'unicité d'Allâh. ]

« Al-amdu li-Llâh al-ladhî awjada' l-ashiyâ' 'an 'adam wa 'addamahu »

« Pour quiconque est familier avec l'enseignement akbarien la formule « al-amdu li-Llâh » – littéralement : « la louange appartient à Dieu » – ne signifie pas seulement que la louange revient de droit à Dieu mais qu'elle ne procède en fait que de Lui, ...

« ... qu'Il est à la fois le Louangeur – « al-âmid » – et le Louangé – « al-Mamûd » : « nul ne loue Dieu si ce n'est [ ... ] Lui-même » – « lâ âmida li-Llâh illâ Huwa » – déclare ibn Arabî dans son commentaire de la « Fâtia » au [ cinquième ] chapitre des « Futûhât ».

« Dans le chapitre 350 où il traite des [ voiles ] – c'est-à-dire [ des ] créatures elles-mêmes en tant qu'elles occultes l'omniprésence divine – il décrit d'ailleurs la demeure spirituelle – « manzil » – dans laquelle on reçoit la connaissance de cette louange de Dieu par Dieu.

« À propos de ces deux premiers mots de la « khutba », l’Émir abd al-Qâdir – s'inspirant du [ cinquième ] chapitre – distingue trois catégories d'êtres : ...

« - les croyants ordinaires qui louent Dieu « par eux même » – « bi-anfusihim »,

« - l'élite qui loue Dieu « par Dieu » – « bi-Llâh »

« - et l'élite de l'élite dont la louange « appartient à Dieu » – « li-Llâh » car les hommes de cette catégorie savent que c'est Dieu qui par leur bouche s'adresse à Lui-même.

« Les hommes du « lâm » – lettre initiale de la particule « li » – sont donc supérieurs aux hommes du « bâ » – lettre initiale de la particule « bi » – car le « bi » implique la subsistance du louangeur alors que le « li » implique son extinction.

« Al-ladhî awjada'l-ashiyâ' » peut se traduire par « qui a existencié [ sic ] les choses ». Mais « shay' » – singulier de « ashiyâ' » – désigne indifféremment dans la terminologie akbarienne ce qui est existant – « mawjûd » – ou inexistant – « ma'dûm ».

« Qu'en est-il ici ? Les références scripturaires – sous-jacente à tout exposé doctrinal chez le Sheykh al-Akbar – sont apparemment contradictoires.

« D'un côté, le [ huitième ] verset [ de la dix-neuvième sourate ] : « Nous t'avons créé alors que tu n'était rien » – « lam taku shay'an » – littéralement [ ...] « une chose » ; ...

« ... de l'autre, huit versets [ ... ] déclarent que lorsque Dieu veut qu'une chose soit « Il lui dit : « Sois ! » [ « Kûn » ] et elle est » – cf. S 2 V 114 / S 3 V 47 et 59 / S 6 V 73 / S 16 V 40 / S 19 V 35 / S 36 V 82 / S 40 V68

« Or ibn Arabî, lorsqu'il commente ces derniers versets ne manque pas de souligner qu'ils impliquent que cette « chose » n'était pas pur néant puisque la parole divine s'adresse à elle et qu'elle entend.

« Le premier verset que nous avons cité [ S 19 V 8 ] en revanche suppose l'existenciation de quelque chose qui n'existait sous aucun rapport ; et c'est ce point de vue qui semble l'emporter dans la phrase initiale de la « khutba », ...

« ... interprétation que renforcent les mots suivants : « 'an 'adam wa 'addamahu », l'ensemble se traduisant alors : « La louange appartient à Dieu qui a existencié les choses d'un néant et a anéanti le néant », ...

« ... formulation de la création « ex nihilo » à laquelle les représentants de l'exotérisme islamique ne peuvent trouver à redire. » [ ... ]

[ Le passage du néant à « l'existenciation » est celui de la « wâidiyya » ou de la « wadâniyya » – de l'unicité divine – à la « 'aadiyya » que Chodkiewicz décrit ici comme « la pure unité de l'Essence absolument indéterminée ».

Ce que nous décrivons avec « as-Samad » pour la sourate de « l'Ikhlâṣ » – S 112 V 2 – comme la Substance consubstantielle sur laquelle se fonde toute subsistance.

L'unité de la « 'aadiyya » ne peut être répertoriée parmi les Noms divins dont elle n'est que l'attribut qui caractérise « a-amad » – la Substance consubstantielle ou l'Essence indéterminée – en-deçà de l'unicité de l'Unique – « al-Wâid ».

C'est dans cet en-deçà que le Sceau de la sainteté la plus absolue doit finalement se manifester avec la parousie du Christ. ]

Cf. Une introduction à la lecture des « Futûhât Makkiyya » – Michel Chodkiewicz (1988)

Je connais un secret plus profond que ton cœur
– une âme sœur –
entre un océan qui déferle et la lagune d'où elle reflue.

Qui peut transmettre l'essence de l'être en soi ?

Ce matin
– devant l'ermitage –
la neige a effacé la trace de mes pas.

   

    

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