dimanche 12 février 2023

Le Sultant de l'Occident

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« Mais un obstacle de taille subsiste devant l’Émir [ pour devenir le sultan du Maghreb après la fuite du bey de Constantine en 1837 ] :

« 'Ayn al-Mahdî, la ville du descendant de Si Amad at-Tijânî dont le grand-père s'était allié au propre père de l’Émir – Muyi'd-Dîn – pour combattre le bey de Constantine.

« Un allié – un sharif – un homme de « zâwiya » qui refuse cependant de reconnaître l'autorité de l’Émir parce qu'il estime que son combat ne le concerne pas : il dit de lui-même qu'il n'est plus de ce monde et le jeune Émir ne l'impressionne nullement.

«Pour tenter de le rallier à sa cause celui-ci va se servir d'un curieux personnage qui fait partie depuis peu de son entourage rapproché : Léon Roches.

« C'est un Français dont le père s'est installé en Algérie pour monter une entreprise agricole dans la Mitidja. Parlant couramment l'arabe, Roches a feint de se convertir afin d'approcher abd al-Qâdir [ pour des raisons que Penot qualifie d'obscures ].

« Toujours est-il qu'il s'acquitte de sa tâche d'émissaire avec brio, ce qui lui vaut un regain de considération auprès de l’Émir même si l'entrevue se solde par un échec, le vieux marabout demeurant intraitable.

« Le siège qui suit durera six mois ; sur les instances de son frère aîné – Si Muammad Sa'îd – l'Emir acceptera finalement de négocier avec le « sheykh » Tijânî.

« La négociation sera menée par son beau-frère – Mustafâ ibn Thamî – qui obtient la capitulation du « sheykh » et le remboursement des frais occasionnés par le siège ; de son côté, at-Tijânî pourra emporter ses richesses.

« Les habitants ont quant à eux un peu moins de deux mois pour vider les lieux. La fière cité dont la forteresse est bâtie sur un piton rocheux sera détruite, tout symbole de résistance devant être gommé.

« À l'Ouest comme au Sud, abd al-Qâdir est le maître. Les français sont cantonnés dans quelques villes comme Oran et Alger.

« L’émir frappe la monnaie, organise une armée régulière, entretient des relations diplomatiques avec différents pays du monde islamique, songe à créer une fabrique d'armement, organise l'administration des territoires dont il est le maître, ...

« ... [ il ] perçoit les impôts et sait parfaitement jouer des tensions qui divisent les acteurs de la diplomatie française. Bref, il se comporte en souverain. » [ Mascara et Tagdempt sont les capitales de son émirat itinérant. ]

Cf. Introduction d'abdu'Llâh Penot aux haltes des « Mawqif » de l’Émir abd al-Qâdir (2008)

Le sultan et le marabout auraient pu incarner « l'autorité spirituelle » et le « pouvoir temporel » – pour reprendre un vocabulaire guénonien – s'ils s'étaient reconnu comme tels ; le doyen d'Ayn Mahdî étant devenu depuis le Calife de la confrérie.

Il va sans dire que l’Émir qui se parât de l'émirat pour ne pas indisposer le Sultan du Maroc ne se bâtait pas pour libérer une Algérie alors inexistante dans les « wilâyât » d'un sultanat ottoman en pleine déliquescence.

Le Sheykh tijânî sans doute plus lucide que le Sultan de l'Occident participera à une politique d’accommodements avec l'occupant sous la tutelle des autorités religieuses de La Mecque et de Kairouan.

   

    

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