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Dans la septième halte de l’Émir, abd al-Qâdir fait mention de la doctrine du « ṭûl » et du « 'arḍ » que nous qualifions d'ḥallâjienne dans la mesure où elle ne fait pas référence à la « Hawqala » qui préside à son déploiement. [ 1 < 4 ]
Il y est question au contraire d'un anéantissement de la verticale et de l'horizontale par ce que Chodkiewicz qualifie de « réintégration » dans le symbole géométrique du « Point initial » en-deçà des mondes de l'élévation spirituelle et de l'étendue de la création.
Et il s'agit bien de la doctrine ḥallâjienne dont l’Émir croit se distancer puisqu'il en fait expressément la mention :
« Puis me fut dite la parole de Ḥallaj, avec cette différence qu'il la prononça lui-même alors qu'elle fut prononcée pour moi sans que je l'exprime moi-même. »
Ce que Chodkiewicz interprète comme étant « le fameux « Anâ'l-Ḥaqq » que l'on peut traduire par « Je suis Dieu » ou « Je suis le Réel absolu ».
« Le contexte – ajoute-t-il – suggère que le parole qui fut dite à l’Émir est « Anta al-Ḥaqq » que l'on peut traduire par « Tu es Dieu » ou « Tu es le Réel absolu ». »
Mais cette interprétation – aussi judicieuse soit-elle – ne tient pas et l’Émir échoue à se distancer de son modèle parce que dans une mystique de l'identification les pronoms – quelques soient leurs degrés – cessent d'exister l'un par rapport à l'autre.
Nous pourrions même dire qu'il aggrave une telle prétention dans la mesure où il attribue son pronom à celui de Dieu en s'attribuant le Sien dans un excès où pour le moins Ḥallaj avait voulu se perdre – ce que le Sheykh al-Akbar semble lui reprocher.
C'est la raison pour laquelle une telle identification est toujours scellée par le pronom de l'Absent – « Huwa » – dont l'Imâm du Tawḥid fait le Sceau des noms, tel qu'énoncé par la citation qui préside pourtant à la trois cents vingt-deuxième halte – cf. S 21 V 29 :
« Quiconque
d'entre-eux dit : « Je suis un dieu en dehors de
Lui »,
Nous lui donnerons l'enfer pour récompense. »
On est loin de la conclusion que l’Émir donne à la différence qu'il lui oppose :
« Cette parole, en connaissent le sens et l'acceptent ceux qui en son digne ; en ignorent le sens et la rejettent ceux chez qui l'ignorance l'emporte. »
De fait, si elle a bien le sens que Chodkiewicz lui prête – ce que nous croyons – nous la rejetons comme le Noble Coran la rejette.
Mais
nous acceptons la science du « ṭûl »
et du « 'arḍ » dans le
déploiement de la « Hawqala » :
« Ni force ni puissance qui ne soit celle d'Allâh l’Élevé l'Immense »
« Huwa 'Llâhu 'aḥad aṣ-Ṣamad »
S 112 V 1 et 2
Certes, l’Émir entend dépasser la Science des savants et s'exalte dans son Amour ; mais nous n'avons pas entendu dire qu'il se soit départi de la Crainte de Son commandement :
« Parfois, Il le contracte et parfois Il le dilate. »
H 1 (à propos du modèle prophétique)
La « contraction » et la « dilatation » – indique Chodkiewicz – sont – d'après Jurjânî – « deux états qui surviennent lorsque le serviteur a dépassé le stade de la crainte et de l'espoir [ qui ne sont plus ] liés à un événement futur, désiré ou craint ...
« [ la récompense et la punition ] sont [ alors ] liées à une chose immédiatement présente procédant d'une inspiration surnaturelle qui domine le cœur du gnostique » – « 'ârif ».
Quant à l'enfer promis pour ce genre d'extravagance, nous n'en voyons que son purgatoire où là aussi ne prévaut que la Miséricorde d'ar-Raḥman qui ne donne à chacun que ce qui lui est favorable.
Il se peut – par exemple – qu'Il le prive de la vision de Dieu telle qu'elle lui apparaissait quand Il se prenait pour lui afin qu'Il se fasse connaître comme celui qui se prenait pour Dieu quand Il se prenait pour lui.
Mais nous n'avons bien sûr aucune connaissance de ce genre de choses. Nous savons seulement que Celui qui s'est révélé dans l'Amour au-delà de toute Connaissance nous recommande de nous aimer en nous aimant à travers l'Amour.
Ce que le Sheykh al-Akbar semble reprocher tacitement à Ḥallaj en s'éloignant dans sa vision sans le saluer, ce n'est pas de s'être identifié à l'attribut de l'essence divine – « al-Ḥaqq » – mais de ne pas être revenu vers les créatures.
Le chant extatique du Dîwân de l’Émir que Chodkiewicz donne à lire comme celui de l'unicité de l'Être – « waḥdad al-Wujûd » – en reprend néanmoins l'expression et d'autres dans des alternances qui rappellent l’héautontimorouménos baudelairien.
Nous
adaptons assez librement une prosodie plutôt malheureuse de la
traduction des rimes en « dâl » et du mètre « hazaj » :
Je suis le Réel et sa créature
Je suis le Seigneur et son serviteur
Je suis le Trône et je suis la natte
Je suis l'enfer et le firmament
Je suis l'eau et je suis le feu
Je suis le ciel et je suis la terre
Je suis la présence et l'absence
et le combien et le comment
Je suis l'essence et l'attribut
la proximité et l'éloignement
Tout être est mon être et mon être est Seul
Je suis l'Unique
[
al-Waḥid ]
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