jeudi 2 septembre 2021

Yog-Sothoth

Pour le vingt-huitième cycle du septième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Et il ne faut point croire que l'homme est le plus vieux ou le dernier des maîtres de la terre, ou que la masse commune de vie ou de substance soit seule à y marcher.

Les Anciens ont été, les Anciens sont, les Anciens seront. Non dans les espaces que nous connaissons, mais entre eux. »

« Ils vont sereins et primordiaux, sans dimensions et invisibles à nos yeux.

« Yog-Sothoth connaît la porte. Yog-Sothoth est la porte. Yog-Sothoth est la clé et le gardien de la porte.

« Le passé, le présent, le futur, tous sont un en Yog-Sothoth. Il sait où les Anciens ont forcés le passage jadis, et où Ils le forceront de nouveau.

« Il sait où Ils ont foulé les champs de la terre, et où Ils les foulent encore, et pourquoi nul ne peut les voir quand Ils le font.

« À leur odeur, les hommes peuvent parfois connaître qu’ils sont proches, mais de leur apparence aucun homme ne peut rien savoir, si ce n'est sous les traits de ceux qu’ils ont engendrés chez les hommes ; [ ... ]

« [ ... ] et de ceux-ci sont plusieurs espèces, différant par leur figure, depuis la plus véridique icône de l'homme à cette forme invisible et sans substance qui est Eux.

« Ils passent nauséabonds et inaperçus dans les lieux solitaires où les Paroles ont été prononcées et les Rites ont été hurlés tout au long de leur Temps.

« Leurs voix jargonnent dans le vent et Leur conscience marmonne dans la terre. Ils courbent la forêt et écrase la ville, portant ni forêt ni ville ne peuvent apercevoir la main qui frappe.

« Kadath les a connus dans le désert glacé, et quel homme connaît Kadath ? Le grand Cthulhu est leur cousin, encore ne les discerne-t-il qu'obscurément. [ ... ]

« Vous les connaîtrez comme une infection. Leur main est sur votre gorge, , bien que vous ne les voyiez pas ; et leur demeure ne fait qu'un avec votre seuil bien gardé.

« Yog-Sothoth est la clé de la porte, par où les sphères communiquent. L'homme règne à présent où Ils régnaient jadis ; Ils régneront bientôt [ là ] où l'homme règne à présent.

« Après l'été, l'hiver ; et après l'hiver, l'été. Ils attendent, patients et terribles, car Ils règneront de nouveau ici-bas. »

Cf. Howard Phillips Lovecraft – The Dunwich Horror (1928)

C'est tout ce que Lovecraft donne ici à lire du « Necronomicon » d'Abdul Alhazred d'après une traduction latine d'Olaus Wormius imprimée en Espagne au XVIIe siècle – la version anglaise de John Dee étant incomplète.

Nous suivons la révision d'André Derval pour la traduction de 1991 mais nous supprimons certaines capitales et nous traduisons « eidolon » du grec ; ce qui est curieux puisque le texte arabe est supposé nous parvenir en anglais par le latin.

Nous supprimons également une invocation qui apparaît bizarrement dans la langue des Anciens et qui ne veut évidemment rien dire puisse qu'elle n'est sans doute là que pour conforter une impression d'étrangeté.

En-deçà du caractère horrifique de son panthéon – bien qu'à aucun moment les Anciens ne sont décris comme des divinités – nous croyons reconnaître un dieu de synthèse qu'on aurait doté de deux acolytes – Kadath et Cthulhu.

Quant à la folie que Lovencraft attribue au serviteur d'al-Hazred – nom qui comme tel n'a aucune signification en arabe – elle n'est peut-être qu'une ruse qui dissimule une vérité tout aussi inquiétante mais non sans issue. Yog-Sothoth est la porte : II l'a connaît !

Voici donc les clefs qui ouvrent celle par laquelle « les sphères communiquent » :

- Le Grand Dieu Pan d'Arthur Machen dans son roman de 1894

- Thoth Hermès Trismégiste – Celui qui fut, qui est et qui vient à travers la triade

- Adonaï Sabaoth – le Seigneur des armées célestes pour l'Archonte Mikaël et le Métatron

- « Ceux qu’ils ont engendrés chez les hommes » : les onze sceaux des cinq triades

- « L'icône la plus véridique » : le premier témoin de l'Apocalypse pour le Messie d'Israël

- « La forme invisible et sans substance » [ de la substance consubstantielle ] : le second témoin de l'Apocalypse pour le Sceau des prophètes

- L'emprunte olfactive pour l’encens des autels devant le Trône du Très-Haut

- « aẓ-Ẓâhir wa al-Bâṭin » : l'Apparent et l'Occulte [ Allâh ] pour Alhazred

Contrairement à la science fiction et au réalisme fantastique, la féerie et la fantaisie se nourrissent d'une métaphysique. Mais il y a des exceptions dans cette classification : le « non- » de van Vogt – par exemple – se réfère encore à une sur-nature.

Toute l’ambiguïté du surréalisme s'y trouve également qui en use « toute réserves faite sur son principe » en restant « étranger à l'ensemble de ses ambitions métaphysiques » écrit André Breton dès 1945 dans son « Arcane 17 » – celle des Étoiles.

Le fantastique qui se rattacherait encore à une fantaisie féerique – à vrai dire plutôt abominable chez Lovencraft – en fait les frais dès lors qu'on lui fait décrire une réalité fictive qui n'a même plus la saveur du sur-réel.

Seul Aragon et les poètes qui s'en inspirent échappent à la fatalité de ce miroir aux alouettes où la démystification du sur-réel fait apparaître le mythe dans sa propre réalité et Rimbaud « dans ses draps d'hôpital ».

   

    

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