dimanche 21 février 2021

Le messianisme de Maitreya

Pour le vingt-huitième cycle du troisième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Le bouddhisme indien disposait certainement d'un ensemble de croyances et de représentations que l'on peut qualifier de millénarisme.

« Dans le vaste complexe des croyances relatives aux bodhisattvas, il est également possible de déceler des éléments messianiques.

« Notamment le bodhisattva Maitreya, le [ soi disant ] Bouddha de l'avenir, qui viendrait un jour régner sur un univers de paix et de bonheur, correspondait à un tel idéal.

« Mais il est également indéniable que c'est au contact de la Chine et notamment au contact du taoïsme que le bouddhisme a développé une véritable eschatologie millénariste et messianique. »

« Le ferment messianique présent en Chine a fait que les textes relatifs à Maitreya figurent parmi les premiers à avoir été non seulement traduit mais encore activement prêchés en Chine, et ceci dès les IIIe et IVe siècles de notre ère.

« Or c'est justement à cette époque que le taoïsme finit par obtenir un statut semi-officiel.

« Cette institutionnalisation commence d'abord sous la dynastie des Jin orientaux (317 – 420) puis s'accentue nettement sous les dynasties suivantes des Liu-Song (420 – 478) et des Liang (502 – 556).

« Ensuite le taoïsme devient une sorte de religion d'Etat en Chine du Nord sous les Wei (386 – 533).

« Tout ceci signifie que la religion indigène de la Chine perd petit à petit sa ferveur révolutionnaire. Désormais – et ceci est d'une grande importance pour l'histoire ultérieure de la Chine – c'est le bouddhisme autour du culte de Maitreya qui va prendre la relève. »

« Ce sont les « sectes hétérodoxes » [ du bouddhisme ], comme on les appelle dans l'histoire officielle, qui se manifestent alors avec une violence toute nouvelle.

« On estime que durant les Ve et VIe siècles, il y eut pas moins de dix révoltes menées par des moines réclamant être des réincarnations de Maitreya.

« Afin de réprimer un de ces mouvements en l'an 445 en Chine du Nord, le bouddhisme dans son ensemble fut proscrit pendant un certain temps. »

« Pourtant, ce ferment messianique et apocalyptique ne devait plus cesser.

« Tout au long de l'histoire, et notamment dans les périodes de crise sociale et politique, les révoltes « sectaires » [ du bouddhisme ] animées par la croyance d'un prochain avènement de Maitreya se manifestent avec une grande régularité.

« Il serait trop long de les énumérer toutes. Ces mêmes mouvements « sectaires » existent toujours, restent extrêmement actifs, et constituent pour les gouvernements actuels une menace dont ils ne sont que trop conscients. » [ ... ]

« Le bouddhisme chinois va reprendre à son compte [ la ] vision catastrophique [ du discours apocalyptique chinois ].

« Sa ferveur messianique sera grandement stimulée par l'apparition, sur le sol chinois, d'un « sutra » intitulé « Livre de l'extinction totale de la Loi », prêché par le Bouddha [ ... ].

« Il s'agit bien entendu d'un apocryphe, écrit en Chine probablement au cours du Ve siècle de notre ère. Ce livre, qui va inspirer toutes les révoltes messianiques jusqu'à nos jours, est le premier d'une longue suite de prophéties analogues.

« Dans ce texte, le Bouddha révèle qu'après sa mort – le « paranirvana » – sa loi – [ le ] « Dharma » – va être attaquée et surtout pervertie de fond en comble par les forces démoniaques. Ce sont là les signes avant-coureurs de la venue du messie Maitreya.

« Dans des termes qui proviennent parfois tout directement des apocalypses taoïstes, les apocryphes bouddhiques décrivent les souffrances du peuple, les guerres et les épidémies à venir, etc.

« Nous sommes ici dans une forme de la religion chinoise où taoïsme et bouddhisme se confondent au point de devenir une seule et même chose.

« Une des conséquences de l'influence taoïste est qu'au lieu de projeter la venue du nouveau Bouddha Maitreya dans un avenir très lointain [ ou perpétuel ], les apocryphes chinois annonce que sa parousie est toute proche.

« D'où une ferveur accrue chez les masses désespérées pour qui sa venue signifie la fin de leurs souffrances. »

Cf. Kristofer Schipper – La religion de la Chine. La tradition vivante – Millénarismes et messianismes de la Chine ancienne – Conclusion (2008)

Pour le bouddhisme « orthodoxe », il ne serait être question d'un « autre » Bouddha – Maitreya – mais de l'esprit du Bouddha – Vajradhara – et d'une représentation iconique de sa Lumière infinie – Amithaba – qui se propage à travers les âges.

Rappelons que le Bouddha eut deux illuminations : celle qui lui fit concevoir sa doctrine en se libérant de tous les états conditionnés mais en doutant de sa capacité à la transmettre et celle qui lui fit réaliser sa nature irréfragable.

L’esprit inconditionné du Bouddha et sa nature irréfragable sont les fruits inaliénables de cette double illumination et Maitreya n'est qu'un des huit bodhisattvas du sambhogakâya qui émanent du Bouddha Sâkyamuni.

L'extinction et le renouvellement du Dharma ne sont qu'une adaptation cyclique liée à la succession des manvantaras pour la doctrine des cycles cosmiques qui n'admet ni rupture ni altérité de l’expansion dans la transmission du Noble Sentier.

Il s'agit d'une extinction relative à un renouvellement et non de l'extinction totale que théorise le messianisme de Maitreya.
   

   

    

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