jeudi 18 février 2021

Suite burgonde

Pour le vingt-cinquième cycle du troisième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

Nous retranscrivons des extraits du compte rendu que René Guénon consacre en 1940 à l'ouvrage de Pierre Piobb sur la Prophétie des papes pour les Études Traditionnelles et que Charles-André Gilis sélectionne pour le chapitre qu'il lui consacre :

« Les prédictions diverses, désignées communément sous le nom abusif de prophéties, sont, comme on le sait, fort à la mode depuis quelques temps, et elles ont donné lieu à une multitude de livres qui s'efforcent de les commenter et de les interpréter plus ou moins ingénieusement ;

« [ ... ] celui-ci, dont la plus grande partie est consacrée à la « prophétie de saint Malachie » a paru, par une coïncidence assez singulière, si elle n'a été expressément voulue, presque exactement au moment de la mort du pape Pie XI. »

« [ M. Piobb ] discute tout d'abord l'attribution de la « prophétie » à saint Malachie, et il conclut que ce n'est là en réalité qu'un « pseudonyme », ce qui est fort probable en effet ;

« [ ... ] mais une des raisons qu'il en donne est pour le moins étrange : il a découvert une « hérésie » dans le fait que le dernier pape est désigné comme Petrus Romanus ;

« [ ... ] d'abord cette devise peut être purement symbolique ou « emblématique » comme les autres, et elle ne veut pas forcément dire que ce pape prendra littéralement le nom de Pierre, mais fait plutôt allusion à l'analogie de la fin du cycle avec son commencement ;

« [ ... ] ensuite, s'il est convenu qu'aucun pape ne doit prendre ce nom, ce n'est pourtant là qu'une coutume qui, quoi qu'il en dise, n'a assurément rien à voir avec le « dogme » !

« Maintenant, que le choix du « pseudonyme » ait pu être influencé par un rapprochement avec le nom de saint Malachie, archevêque d'Armagh et ami de saint Bernard, et celui du prophète Malachie, cela est assez plausible ;

« [ ... ] que ce « pseudonyme » soit collectif et qu'ainsi on soit « en présence d'une association qui a prophétisé », ce n'est pas impossible non plus, bien qu'on puisse penser, à première vue, qu'une telle hypothèse est peut-être de nature à compliquer encore la question plutôt qu'à en faciliter la solution. »

« [ Au sujet ] de la « fabrication » de la soi-disant « prophétie », ce qu'on peut constater le plus facilement à cet égard, c'est que ceux qui en ont parlé les premiers, vers la fin du XVIe siècle, n'ont pas dit la vérité et ont invoqué des références antérieures inexistantes, ce qui parait bien indiquer qu'il ont voulu cacher quelque chose. »

« [ M. Piobb ] a obtenues [ les initiales qu'il donne sans les expliquer ] en traduisant un certain vers en latin : « F. M. B. M. T. » ;

« [ ... ] cela peut assurément signifier beaucoup de choses diverses, mais entre autres, si l'on veut, « Frater Molay Burgundus Magister Templi ». [ Frère Molay Burgond Maître du Temple. ]

« Si l'on admet cette interprétation, le reste de l'histoire s'éclaire un peu... on comprend du moins ce qu'il veut dire quand il désigne, comme les véritables auteurs du texte, « les signatures d'un document antérieur de plusieurs années à Nostradamus. »

Il nous semble vain de prétendre un lien entre les prédictions malachites et l'Ordre du Temple puis d'y trouver une antériorité sur celles de Nostradamus. Il se peut même que le miroir magique du mage de Salon ait inspiré leur vision.

Mais la légende séthienne que cite Victor-Émile Michelet vers 1930 à propos du secret de la chevalerie légendaire qui la préfigure autour de la Table Ronde dans la quête du Graal indique qu'il y avait là quelque chose de vraisemblable.

Michelet qualifie cette légende d'épisode « très mystérieux » et Guénon n'a pas l'air d'en savoir davantage. Il nous semble qu'une insinuation tendancieuse provenait d'un milieu occultiste que fréquentait Piobb.

« Mais en tout cas, si M. Piobb estime qu'un « secret social », car c'est de cela qu'il s'agit au fond, est « quelque chose de bien plus important que les ordinaires vérités ésotériques » par quoi il semble entendre des vérités d'ordre doctrinal, nous nous permettons de n'être nullement de son avis sur ce point, car ce n'est même qu'en connexion avec les principes doctrinaux et en tant qu'application de ceux-ci dans un domaine contingent qu'un tel « secret » peut être réellement digne de quelque intérêt ;

« [ ... ] et qu'on veuille bien réfléchir aussi, pour rétablir toute choses dans leur juste perspective à ce qu'un « secret » comme celui qui est ici en cause peut bien valoir encore, en lui-même et séparé de toute considération d'un ordre plus profond, dès qu'on sort des limites du monde européen. »

« [ ... ] l'importance particulière qui [ ... ] est donnée [ dans « le nombre des devises et les principales divisions qu'on peut y établir [ qui ] pourrait avoir quelque rapport avec la destruction de l'Ordre du Temple » ] au nombre « 33 » : des 112 devises, les 100 premières se répartissent en « 34 + 2 x 33 », en tout comme les chants de la Divine Comédie de Dante... tandis que les douze dernières formeraient en quelque sorte une série à part, correspondant à un zodiaque. »

Guénon s'égare : on ne voit pas que les devises « 34 », « 67 » et « 100 » – celle de Clément V, de Jules III et de Grégoire XVI – justifient une telle répartition. Quant aux douze dernières qui formeraient une série à part, rien ne permet d'y voir un zodiaque.

Même les luminaires qui illustrent les devises « 109 » et « 110 » en se coordonnant avec les lames « XVIII » et « XIX » du Tarot ne peuvent pas s'établir dans une symbolique des maisons zodiacales.

« Nous ajouterons, sur ce dernier point, que la façon dont ces correspondances zodiacales sont établies ici ne nous parait pas à l'abri de toute contestation, car les quatre dernières devises tout au moins en suggèrent assez nettement d'autres, toutes différentes de celles-là, surtout si l'on réfléchit que c'est évidemment le signe de la Balance qui doit être celui du « jugement ».

De fait, le jugement qui intervient à la fin de la série en conclut une qui en compte « 114 ». Nombre qui n'inspire aucune sorte de répartition particulière mais un canevas ou une figure rhétorique qui est celle des Paroles cachées et du Noble Coran.

La seule répartition qui nous parait avérée est celle qui répartit autour de la devise de Sixte Quint deux groupes de « 72 » et de « 40 » devises qui en font « 112 » sur un ensemble qui en compte généralement « 113 ».

Ces nombres qui en mettent deux à part – les dernières – et qui les confondent avec celle de Petrus Romanus rappellent l'héritage de Seth qui vécut dans les généalogies bibliques 112 ans après Adam. Ce qui n'est pas sans rappeler la légende de Michelet.

On peut y voir une similitude entre les quarante ans que Seth passe au Paradis dont il rapporte le Graal et les quarante pontificats qui suivent celui de Sixte Quint avant le jugement final. Septante-deux symbolise alors une vie terrestre.

   

    

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire