jeudi 6 avril 2023

Le maqâm al-Qurba

...

« abû Hâmid al-Ghazâlî a nié cette station [ celle de la Proximité ] en affirmant :

« Il n'y a pas de station entre la confirmation de la Vérité – « aṣ-Ṣiddîqiyya » – et la prophétie ; celui qui cherche à passer par-dessus le cou des confirmateurs de la Vérité tombe dans la prophétie ; or celle-ci est une porte close ».

« Il disait aussi : « Ne passez pas par-dessus le cou des confirmateurs de la Vérité ! »

[ Ce qui n'est pas sans rapport avec le station du « Qutb al-aqtâb » – le Pôle des pôles – revendiquée par abd al-Qâdir al-Jîlânî qui aurait le pied sur le cou des « awliyâ' » – les amis ou les saints de Dieu.

Sa station s'identifie alors à une « rubûbiyya » – une seigneurie – transcendée dans le « tasawwuf » akbarien par la « 'ubûdiyya » – la servitude – du gnostique authentique – « 'ârif bi-Llâh ». ]

« Sans aucun doute les prophètes légiférant sont les plus élevés des serviteurs de Dieu d'entre les hommes.

« Néanmoins il n'est pas inconcevable que Dieu donne à celui dont le mérite est moindre – « mafdûl » – une science que ne possède pas celui dont le mérite est supérieur – « fâdil ».

« Le fait que le premier se distingue du second par cette science ne signifie pas qu'il lui est supérieur. »

[ Nous passons ici la justification qui illustre ce propos en évoquant la relation paradoxale qui oppose al-Khir à Moïse dans le récit coranique – cf. S 18 V 60 à 82. ]

« De cette station [ celle de la proximité ] vient le secret d'abû Bakr, le confirmateur de la Vérité, ce secret déposé en lui et dont la force se manifesta lorsque son temps fur venu.

[ « abû Bakr ne vous est pas supérieur par le jeune et la prière, mais par quelque chose qui s'est déposé dans son cœur. » ]

« L'envoyé savait – à l'exclusion de la communauté – le secret qui était déposé en lui.

« Mais il l'y eut personne, le jour où mourut l'Envoyé de Dieu – sur lui la grâce et la paix – qui ne restât consterné, l'esprit troublé, proférant des paroles [ inconvenantes ] à l'exeption d'abû Bakr le confirmateur de la Vérité que rien de tout cela ne toucha.

« Il gravit [ les marches du ] « minbar », exhorta les assistants et à propos de la mort du Prophète – sur lui la grâce et la paix – déclara :

« Pour celui d'entre vous qui adorait le Muammad, Muammad est mort et pour celui qui adorait Dieu, Dieu est vivant, immortel ! »

« Il récita ensuite : « Tu es voué à la mort et ils sont voués à la mort » [ S 39 V 30 ] [ puis ]

« ... et Muammad n'est qu'un envoyé ; avant lui les envoyés sont passés. S'il mourait ou était tué, tourneriez-vous les talons ? » [ S 3 V 144 ]

« Le trouble des musulmans s'apaisa, à tel point qu'Umar s'écria : « C'est comme si je n'avais jamais entendu ce verset avant ce jour. »

« L'attitude d'abû Bakr est conforme à la parole du Prophète – sur lui la grâce et la paix :

« Quand [ la mort ] s'est abattue [ ... ] que plus aucune pleureuse ne se lamente. Mais avant l'échéance de la mort, pleurer est louable.

« Ainsi fit abû Bakr lorsque le Prophète se leva [ ... ] et déclara : « Que dites-vous d'un homme à qui Dieu a laissé le choix et qui choisi la rencontre de Dieu ? »

« abû Bakr fut alors dans l'assemblée le seul à pleurer. Il avait compris que l'Envoyé d'Allâh – sur lui la grâce et la paix – avait annoncé sa mort à ses compagnons.

« Ceux-ci réprouvèrent les pleurs d'abû Bakr – lui qui savait mieux.

« À la mort du Prophète, les gens pleurèrent et poussèrent des cris, sauf abû Bakr – conformément à la parole du Prophète : « Quand elle s'est abattue... ».

« Toute l'attitude d'abû Bakr était due au secret que lui avait conféré cette station [ celle de la Proximité ]. »

« Ce qu'il convient donc de dire, c'est qu'il n'y a personne entre Muammad et abû Bakr ; et non qu'il n'y a pas de station entre la confirmation de la Vérité et la prophétie.

« Le propre du confirmateur est d'être un suivant – « tâbi' » – par le foi.

« Ce que celui qu'il suit dénie, il le dénie ; ce qu'il admet, il l'admet. Ainsi est-il en tant que tel ; mais il peut aussi détenir une autre station que ne régit pas cet état. Sache donc cela ! »

Cf. Denis Gril – Le terme du voyage – De la station qui se trouve entre la confirmation de la Vérité et la prophétie : la station de la Proximité [ chapitre 161 des « Futûhât » du Sheykh al-Akbar pour le « maqâm al-Qurba » ] (1988)

L'excellence d'abû Bakr s'inscrit ici dans celle de la sunna du prophète mais le titre de Juste – « aṣ-Ṣaddîq » – revient aussi à l'Imam Ja'far (+ 765) qui dans ce cas suit le « mahab » – l'école juridique – de l'Imâm Muammad al-Bâqir (+ 731).

De même, le frère du Seigneur – Jacques le Juste – suit le Christ. Gilis rappelle dans son chapitre sur les origines de la religion chrétienne que les Paroles cachées de son didyme – Jude Thomas – attribuent au Messie la parole suivante :

« Là où vous irez, vous irez vers Jacques le Juste, pour qui le Ciel et le Terre ont été créé. » Il s'agit vraisemblablement – nous paraphrasons le douzième logion – d'un nouveau ciel et d'une nouvelle terre qui lui sont confiés.

Or, il existe au moins une similitude formelle entre le nombre de ces Paroles cachées (114) et celui des Sourates du Noble Coran (114) que nous attribuons à une tradition séthienne mais qui s'inscrit ici dans son héritage nazaréen.

Il ne faudrait donc pas allez trop loin dans la critique d'un judéo-christianisme qui aurait recouvert très tôt un enseignement syro-phénicien sur la Science des lettres dont les Samaritains auraient eut connaissance.

Ce recouvrement est celui d'une échéance cyclique où l'universalisme du catholicisme johannique apparaît avant tout comme celui d'un judéo-christianisme intégrant avec lui une gnose paulinienne plus proche de son origine.

Si on retrouve bien là les étapes théoriques que nous assignons aux prédications qui seraient liées dans l'ordre canonique à leurs évangiles, reconnaissons que la tradition synoptique des trois premiers est plus solidaire que théorisée :

Matthieu

 Prédication originelle aux Samaritains et aux brebis perdues d'Israël  

Marc

 Prédication judéo-chrétienne sous l'autorité de l'apôtre Pierre  

Luc

 Prédication de la gnose paulinienne dans les actes des apôtres  

Jean

 Prédication universelle du catholicisme dans son nouvel évangile  

   

    

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