...
« Les « Rerum vulgarium fragmenta » – pour donner au « Canzoniere » son titre authentique – consiste en trois cents soixante-six poèmes (366).
« Ce sont – pour la majorité – des sonnets – au nombre de trois cents dix-sept (317) ...
« ... ou des formes plus courtes : sept « ballate » (7) et quatre « madrigali » (4) ; ...
« ... [ et ] des textes plus longs [ ... ] : neuf « sestine » (9) et vingt-neuf « canzoni » (29) ...
[ Le nombre des vers (39) dans les strophes de ces « sestine » et ceux des « canzoni » ne nous donnent aucune indication sur leur totalité. ]
« L'intérêt essentiel de ces donnés est d'indiquer au niveau du mètre une forte dose d'homogénéité et très peu d'innovation.
« L'innovation – frappante et d'une portée immense – résidait plutôt dans l'idée d'unir des morceaux disparates en un recueil unique, cohérent et finalement ouvragé ; ...
« ... ce ne fut qu'après qu'il eut écrit déjà bon nombre de poèmes que Pétrarque décida de les rassembler en un ensemble dont la coneption devait évaluer sans cesse au cours de sa carrière.
« Il semble avoir décidé relativement tôt – probablement en 1347 – à peine une décennie après la conception de son premier recueil – que cette structure poétique devrait être bipartite :
« ... une section initiale plus longue portant son amour pour Laure lorsqu'elle était en vie ; la suivante traitant de la survie de ce sentiment après sa mort.
« À cette date – c'est-à dire avant la date attribuée à la mort de Laure – il avait déjà écrit le sonnet [ ... ] liminaire du recueil et le « canzone » [ ... ] qui allait ouvrir la seconde partie, ...
« ... et leur avait assigné leur place respective. »
« Laure illustre pour ses propres vertus et depuis longtemps célébrée dans mes poèmes, m'est apparue pour la première fois quand j'avais juste atteint l'âge d'homme [ Pétrarque est né en 1304 ] ...
« ... dans l'église de Sainte-Claire en Avignon en l'année 1327 de Notre Seigneur – le 6 avril – au premier office du matin ; ...
[ Nous ne savons pas si le « Franciscus » qui répond dans le « Secretum » à Saint Augustin identifie le « poverello » d'Assise ; mais l'église Sainte-Claire en Avignon comme lieu de l'apparition initiale de Laure nous le laisse accroire. ]
« ... dans la même ville – le même mois d'avril – le même sixième jour à la même heure en l'année 1348, son existence lumineuse fut ravie à la lumière du monde ... »
[ Et son couronnement comme poète à Rome sous les palmes du Laurier le 6 avril 1341 « aux deux tiers du cheminement de cette histoire d'amour tenace » – quatorze et sept ans : un Lundi, un Vendredi et un Dimanche.
Le 6 avril 1327 – le jour de l'apparition – étant identifié avec le Vendredi Saint dans le troisième sonnet, on peut le mettre en rapport avec celui du couronnement – les références chronologiques s'inscrivant dans la structure lyrique jusqu'en 1358. ]
« Dès les sept premiers sonnets, [ le ] nom [ de Laure ] donne lieu à un jeu de mots, son lien avec les lauriers de la poésie est souligné ainsi que son rôle en figure de Daphné, ...
« ... la nymphe qui d'après les Métamorphoses d'Ovide, aimée et pourchassée par Apollon – dieu du Soleil – s'était transformée en Laurier juste à temps pour lui échapper. »
« Apollon fusionne avec le soleil des yeux de Laure et dans un « canzone », la métamorphose de Daphné devient celle de l'amant – lui-même changé d'abord en Laurier. » [ ... ]
« Il s'ensuit une série de transmutations inspirées de l'Antiquité où l'amant opère l'imitation ultime, non pas des poètes mais des héros mythologiques. »
[ Au premier rang desquels : Énée et Jésus – fils de Vénus et de la Vierge. ]
« Finalement – bien après la mort de Laure et vers la fin du « Canzoniere » – elle lui apparaît dans une de ses nombreuse vision et lui offre les lauriers du triomphe, lui rappelant qu'il est toujours attaché par « l'auréo nodo » – le lien doré de son amour. » [ ... ]
[ « ... l'influence d'Ovide – non seulement quand il s'agit de métamorphose et de lauriers mais aussi dans l'image de Cupidon lançant ses flèches dans les yeux de l'amant – est partout présente. » ]
« Cependant – en un sens – la structure du « Canzoniere » n'est pas clairement définie sinon par la division en deux parties justifiée par la mort de Laure qui impose à la disposition des poèmes un certain arrangement thématique sans caractère absolu.
« Le cadre chronologique fourni par les poèmes d'anniversaires qui embrassent plus de trente et un ans n'a pas tant pour effet de mesurer le temps avec précision que de le transcender et de l'abolir.
« Il n'y a là rien de strictement régulier ; ce cadre ne correspond pas exactement à la date de composition des fragments individuels ni à celle d'autres morceaux qui s'y rattachent : ...
« ... il s'agit plutôt d'une cadence fictive qui évoque le caractère éphémère de l'Amour et de la Vie.
« Dans le fait de fixer [ « à tort » ] stratégiquement au Vendredi Saint le moment de la première rencontre et à Pacques les anniversaires suivants, ...
« ... les chercheurs ont détecté une structure « calendrique » déjà latente dans la série [ des ] trois cents soixante-six morceau où les poèmes principaux sont reliés à des fêtes religieuses ;
« ... on peut observer d'autres réseaux [ numériques ] – complexes et suggestifs [ et ] autant d'aperçus fascinants mais somme toute frustrants d'un projet artistique finement élaboré qui se refuse à une résolution finale. » [ ... ]
[ La frustration du chercheur est ici la résolution qui lui échappe que Mann ne place qu'en-deçà de la poétique avec les aléas de « la condition humaine ». ]
Cf. Nicholas Mann – Pétrarque – La vie poétique (1989) [ et pour ] La vie morale :
« L'imitation de l'Antiquité [ ... ] constitue un défi passionnant pour l'intellectuel médiéval. Les institutions et la littérature ancienne [ ... ] n'étaient pas nécessairement en accord avec la chrétienté, ...
« ... et de fait les fables de la littérature païenne avaient été l'objet d'une condamnation toute particulière de Saint Jérôme » [ à la fin du quatrième siècle ou au début du suivant. ]
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