vendredi 21 juillet 2023

Le treizième apôtre

...

« Et c'est là [ quand Jésus s'oppose aux apôtres ] que les traducteurs [ de « l’Évangile de Judas » ] entrent en conflit.

« Selon les uns – la plupart des membres de l'équipe de Kasser mise sur pied par le National Geographic – Judas constitue ici – à [ l'inverse ] de ce que prétendent les évangiles canoniques – un véritable héros.

[ Mais sa réhabilitation était déjà le propos de Marcel Pagnol en 1955. ]

« Selon les autres [ que nous suivons volontiers mais qu'on qualifie ici de révisionnistes ] – emmenés par la spécialiste [ des études bibliques et du gnosticisme ] April D. DeConick – Judas [ ... ] est assimilé à un démon.

« C'est précisément sa nature de démon qui permet à son esprit de se porter au-devant du Christ dont il a percé la nature de Sauveur de l'humanité [ que la gnose attribue à Seth ] comme de la divinité [ que lui attribue la théologie johannique. ]

« Il cherche à le vaincre en tant que serviteur démoniaque de « Yaldabaôth », le démiurge créateur de l'univers physique » [ ou « matériel » et « le dieu mauvais » que le texte identifie également à « Nebrouel » en le qualifiant d'apostat ou de renégat.

Mais il s'agit aussi d'un ange déchu et il n'est pas tant question de dépouiller Dieu de son attribut créateur que de rivaliser avec Lui en modifiant sa création pour la faire correspondre à des conceptions qui favorise un profit. ]

« Selon DeConick – dans la conception gnostique – le sacrifice du Sauveur – sacrifice que commémore le rite horrible de l'Eucharistie rappelant les sacrifices ignobles offerts par les païens à leurs multiples dieux – ne signifie pas la rédemption de l'humanité.

[ Sacrifices qui sont ceux des prémices sous toutes ses formes : offrantes, holocaustes ou meurtres rituels. ]

« Ce sacrifice expiatoire signifierait plutôt [ pour les gnostiques ] que Dieu offrant son Fils en holocauste serait infanticide. C'est au contraire, le Dieu mauvais qui est à l'origine de la crucifixion pour le gnosticisme.

[ Mais c'est de mauvaise foi ou par facilité de langage qu'on réduit la gnose à un gnosticisme en la définissant comme un dualisme qui mettrait un Dieu transcendant sur le même plan que celui des principes opposés qui animent les cosmogonies. ]

« Donc Judas étant l'instrument de la condamnation à mort du Christ [ ne ] serait [ pas ] au service de Dieu et de Jésus mais bien [ d'un ] démiurge [ qui agit à travers lui. ] »

[ Ce qui rend toute réhabilitation scabreuse. ]

« Dans l'esprit de la traduction de Kasser et de son épique, Judas [ au contraire ] sert secrètement les desseins divins et c'est pourquoi Jésus lui révèle – à lui et à lui seul – les mystères du Royaume [ qui restent cachés aux apôtres. ]

[ Mais c'est à Thomas – donc à Jude – que revient ce privilège dans les Paroles cachées que le Vivant confie à son didyme.

Il est donc tout à fait possible que ces personnages distincts dans la liste duodécimale de ses apôtres correspondent aussi à celui-là dont nous avons dit qu'il ne fallait pas le prendre en compte dans celle de sa décade. ]

« Si le Christ qualifie dans cet évangile Judas de « treizième démon » cela ne signifie pas qu'il s'agit d'une créature démoniaque mais d'un « daïmôn » au sens où l'entendait les grecs anciens.

[ Ce qui donne à sa déité et à celles des douze apôtres un genre hellénisant plutôt surprenant pour la religiosité qu'on leur suppose.

Le « treizième » est plutôt celui d'une constellation – celle du Serpent – rejetée du plérôme des douze maisons zodiacales lors du passage des lunaisons sidérales (13 x 28) aux mois synodiques (12 x 30). ]

« La langue copte dans laquelle est rédigé cet évangile transcrit en effet le grec ancien en caractères égyptiens.

[ Ce qui hôte dès lors toute légitimité culturelle à l’interprétation d'un texte qu'on écarte de son origine sémantique. ]

« Le philosophe grec – Socrate – par exemple qualifiait de démon ou [ de ] « daïmôn » un esprit intermédiaire entre les dieux et les mortels.

« Aussi Kaffner traduit-il l'apostrophe de Jésus à Judas comme suit : « Toi, le treizième esprit... » [ tandis que ] DeConick traduit ce même passage : « Ô Treizième Démon ! »

« Quant au terme de « treizième » – pour l'équipe du National Geographic – il signifie que Judas étant remplacé après sa disparition par [ ... ] Matthias, il devient le « treizième ».

[ Pour ce nombre qui revient à Paul dans le canon néotestamentaire, il nous semble impossible que le Christ l'attribue à Judas comme tel avant l'élection de son remplaçant qui n'y apparaît qu'avec les actes des apôtres – donc après la tradition synoptique.

Et bien sûr, le nombre des apôtres comme celui des tribus n'est que le nombre des maisons zodiacales dans une représentation cosmique de leur configuration céleste. ]

« Pour DeConick, Judas est assimilé par [ la gnose ] au treizième royaume dans le monde des étoiles – treizième royaume qui est précisément celui de ... « Yaldabaôth ».

[ Ce qui est évidemment beaucoup plus vraisemblable mais qui ne nous dit pas – le texte étant lacunaire – si Judas et l'entité céleste qu'il représente après leur déchéance finiront par être sauvé ou pas.

Pour Kasser et pour l'équipe du National Geographic, ils le seront ; mais pour DeConick, ils ne le sauront pas. Pour elle, les fautes commises par l'équipe de traducteurs dans leur interprétation ont une double origine : ]

« Ces traducteurs auraient – d'une part – voulu réhabiliter la figure de Judas ...

« ... parce que les Occidentaux – culpabilisés par l'extermination des juifs au cour de la Seconde Guerre mondiale – souhaitent voir en Judas – longtemps assimilé aux Juifs par une propagande antisémite – un personnage positif.

[ C'est une explication concevable : bien que le personnage soit incontestablement l’éponyme de sa tribu, c'est à la constellation stellaire qu'il fait d'abord référence dans cet argumentaire.

Mais qu'elle crédibilité accorder à une telle assimilation tout en identifiant le christianisme à une religion juive dès lors que sa gnose syro-phénicienne s'y est introduit avec le baptême de son fondateur.

Et enfin – comme nous l'indiquons ci-dessus – cette réhabilitation était déjà en marche depuis au moins la seconde moitié des années 1950 bien avant l'invention d'un texte qui ne date que de 1978.

En 2000 six ans avant la publication du texte que nous commentons, Jean-Paul II s'excusait déjà auprès des Israélites pour l'attitude de l’Église catholique à l'encontre des Juifs. ]

« Et parce que – d'autre part – les traducteurs [ du National Geographic ] auraient par trop été influencés par la présentation [ supposée ] d'Irénée de Lyon au deuxième siècle [ de l'ère chrétienne ] dans son traité « Contre les hérésies ».

[ Sans pouvoir juger de l'état d'un texte qu'on date du troisième texte siècle qu'Irénée commente à la fin du siècle précédent dans un commentaire qui s'y oppose tout en présentant Judas comme un initié qui veut détruire l’Église en la trahissant. ]

Cf. Arnaud de la Croix – Treize livres maudits – L'évangile de Judas, l'homme qui trahit Jésus (2016)

Il nous semble cependant que Seth à la fin des temps doit retrouver l'émeraude pour y façonner le Graal à partir de cette lumière verte qui s'y trouve captive depuis la chute de l'ange que le légendaire médiéval confond avec Lucifer apportant la lumière de l'aube.

Comme fut confondu sur la Croix le Serpent propitiatoire des Israélites et le Signe de toutes leurs exécrations. « Mais c'est Dieu qui l'a élevé vers Lui car Dieu est Puissant et Sage » – cf. Cr S 4 V 159.
    

     

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