lundi 3 juillet 2023

Les quatorze décennies

...

« Ce qui est vrai des œuvres qui furent en général conçues à un moment particulier et comme un ensemble particulier [ leur caractère inachevé ] l'est encore plus de celles qui consistent en un certain nombre de morceaux plus courts composés au fil des années ; ...

« ... c'est le cas en particulier des recueils de lettres en prose [ ... ] ou en vers [ ... ] et de la poésie en langue vulgaire : ...

« ... le célèbre cycle de trois cents soixante-six poèmes aujourd'hui connu sous le nom de « Canzoniere » mais qu'il intitula « Rerum vulgarium fragmenta » [ ... ] et les six « Trionfi » – les Triomphes.

« On a pu relever jusqu'à neuf phases dans l'évolution du « Canzoniere » [ ... ] à mesure que la conception de Pétrarque évolue : les premiers poèmes furent écrits peu après ses vingt ans ; ...

« ... l'idée de les organiser en un cycle date des deux dernières années de sa vie et même alors elle n'était pas – et ne pouvait être – vraiment finale.

« De même, le premier des Triomphes, [ celui ] de l'Amour (1) fut conçu dans les années 1330 et suivantes, apparemment comme un poème indépendant.

« L'idée d'un cycle embrassant les Triomphes de la Chasteté, de la Mort, de la Renommée et du Temps (5) ne prit naissance que bien plus tard ...

« ... et Pétrarque devait continuer à travailler à ces poèmes jusqu'à l'année de sa mort (1374) où il composa finalement le Triomphe de l’Éternité. » (6)

Cf. Nicholas Mann – Pétrarque – La vie de l'esprit (1989)

On constate que la forme pallie toujours au caractère inachevé du fond, « éternellement susceptible de corrections et d'améliorations » écrit Mann dans son essai.

Sur la forme ici en relation avec le nombre des jours de la semaines (6) et de l'année (366) elle n'exprime pas l'unité sabbatique qui les récapitule – le septième – mais comprend un jour d'exception qui est celui du phœnix aux six mille lunaisons.

Elle entre dans la totalité des demeures (692) où les nuits sont perçues comme des haltes entre les théophanies qui comprend aussi le nombre des semaine (52) et des mois sidéraux (13) sous leur sphères célestes (261).

Et de fait le septième est une halte entre les semaines et le treizième entre les années dont il ne reste que les jours complémentaires (5) dans leur expression synodique (12 x 30) – le jours d’exception étant en rapport avec celui des semaines (52 x 7).

Il y avait une similitude entre les premiers jours complémentaires (5) et ceux du Janus (50) avec les années du Phénix (500) qui s'est maintenue entre les six (6) et les soixante du calendrier julien (60) avec le nombre de leurs lunaisons (6.000).

Rappelons pour le Triomphe de l'Amour qu'il s'agit ici d'un Nom divin pour le « troblar clus » de la poésie courtoise qui peut être identifié au Vivant – « al-Ḥayy » – comme Pôle apparent des quatre de la hiérarchie initiatique parmi les sept.

Le Triomphe de l’Éternité y apparaît dès lors en sixième position comme celui du Pôle caché qui est parmi les quatre celui du Puissant – « al-Qâdir » – ces pôles étant dès lors ceux du Jour dominical (1) et de la « Jumu'a » (6).

« Les « Familiares » [ l'un des recueils de lettres en prose ] offrent une illustration particulièrement frappante du processus évolutif et des difficultés qui en découlent pour l'historien ...

« ... à la recherche d'un schéma chronologique clair qui permettrait d'établir le développement intellectuel de Pétrarque.

« Il avait dû garder une copie de sa correspondance depuis 1320 environ ; cependant ce n'est qu'après la découverte des lettres de Ciséron en 1345 que l'idée de remanier ses propres lettres pour en faire un recueil lui vint à l'esprit : ...

« ... à ce point, il semble que son projet était de les diviser en douze livres, imitant par là même la structure de l'Énéide [ de Virgile. ]

« Plus tard – en 1350 ou peu après – il en vint à préférer une division en vingt livres d'après le modèle des Lettres à Lucilius de Sénèque, ...

« ... et finalement – en 1360 – il se décida à adopter – suivant en cela Homère – une division en vingt-quatre livres.

« Entre-temps Pétrarque avait rassemblé assidûment ses lettres et en avait écrit de nouvelles.

« Les trois cents cinquante qu'il finit par choisir pour les faire figurer dans la forme définitive des « Familiares » – texte terminé en 1366 – avaient été soigneusement sélectionnées, ordonnées et retouchées. » [ ... ]

Ici aussi, c'est sur la forme adoptée pour le recueil (24) et sur celle envisagée auparavant (12) que nous portons notre attention – la forme intermédiaire (20) étant trop pragmatique – plutôt que sur les contenus variables de leur symbole littéraire.

Leurs nombres qui sont ceux des heures du jour et de la nuit sont aussi ceux des prophètes du Noble Coran ou des avatars dans la décade du « manvantara » qui avec l'occultation du jour apparaît aussi comme celui des maisons zodiacales.

« Six lettres – toutes exclues finalement du texte officiel des « Familiares » – retentissant d'appels à la restauration de la paix, à la liberté et à l'âge d'or témoignent de son enthousiasme et de sa participation à un soulèvement ...

[ Celui de Cola di Rienzo que Mann qualifie d'étrangement « proto-fasciste ». ]

« ... qui ne dura réellement que six ou sept mois et qui pourtant semblait incarner ses rêves érudits les plus délirants : l'unification de l'Italie grâce à la recréation de son ancienne capitale, Rome. »

L'âge d'or est ici confondu chez Virgile avec le règne de Saturne qui correspond dans la précession des saisons à la troisième cohorte de l'âge de fer qu'enfante celui de la Vierge avant le règne du Janus aux portes du nouvel âge.

Dans les conversations imaginaires du « Secretum » que Pétrarque entretient entre « Augustinus » et « Franciscus », il se reproche l'encrage littéraire qui le retient sous le premier règne – celui de Jupiter auquel Augustin se serait soustrait en suivant Ambroise.

Sans doute Pétrarque a-t-il conscience en suivant son modèle de changer d'époque et de passer un cap dans la transmission d'une histoire antique qui l'entraîne malgré lui vers les affaires politiques de son temps.

« En dehors des lectures déjà mentionnées [ ... ] le premier signe que nous ayons de ses activités érudites est un exemple remarquable d'analyse textuelle qui l'occupa peu après ses vingt ans : ...

« ... la reconstitution du texte de la célèbre histoire de Rome par Tite-Live commencée environ en 25 avant [ l'ère chrétienne ] et consistant à l'origine en cent quarante deux livres, divisés en groupe de dix nommés des décennies. »

Cf. Nicholas Mann – Pétrarque – La vie active et contemplative (1989)

Quatorze décennies donc et deux livres pour achever la série.

    

    

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