dimanche 16 juillet 2023

Le monde du « Â » et ses naufragés

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« ... en possession du titre de maître en théologie [ dès ] 1245 [ Albert le Grand ] s'attache à concilier l’œuvre d'Aristote avec le dogme religieux [ du christianisme. ]

« Les textes aristotéliciens ont en effet été traduits en latin dès le XIIe siècle – par un Gérard de Crémone par exemple.

« Séjournant à Tolède – en Espagne islamisée – ce dernier y a appris l'arabe et a eu accès aux traductions et commentaires d'Aristote réalisés par les philosophes arabes. »

« Assez rapidement, les pouvoirs religieux ont pris conscience du danger que pouvait représenter la redécouverte du savoir philosophique des Grecs anciens.

« C'est pourquoi il est interdit à Paris d'enseigner certaines parties de l’œuvre d'Aristote, telles [ que ] sa philosophie naturelle [ sa physique ] et – en particulier – sa métaphysique. »

[ Ou son absence de métaphysique dès lors qu'il fit du Bien souverain qui était jusque là une dénomination de la tradition pythagorique du Principe transcendant une catégorie dialectique et une affection morale – celle du bien contre le mal.

Et si sa physique et sa métaphysique étaient interdites, il ne restait guère que ses prolégomènes. ]

« En 1248 – de retour à Cologne – Albert a pour élève Thomas d'Aquin qui poursuivra son œuvre et l'amènera à un sommet de perfection. [ Celle qui en fit le docteur commun de l’Église catholique romaine sous Léon XIII en 1880. ]

« La Somme théologique de Thomas [ ... ] constituera bientôt – et ceci pour trois longs siècles au moins – le nouveau socle de la pensée chrétienne, ...

« ... succédant aux écrits de saint Augustin et alliant foi chrétienne et raison héritée des Grecs via leurs traducteurs et commentateurs arabe. » [ ... ]

« [ Thomas d'Aquin ] a rédigé un traité – « De unitate intellectus » : « De l'unité de l'intellect » – qui va à l'encontre de la théorie de la double vérité héritée des Arabes – Avicenne et Averroès. [ Platonisme et Aristotélisme. ]

[ « Selon cette théorie [ professée par Maïmonide et Averroes ] il y aurait une vérité selon le foi et une autre selon la raison. » ]

« [ Il ] avait en vue – au contraire – d'unifier l'intellection selon la foi et selon la raison ainsi que l'avait souhaiter Anselme de Cantorbéry dès le XIe siècle. »

« ... Les théologiens conservateurs visant à faire interdire l'enseignement de l'aristotélisme s'attaquent également à l'interprétation d'Aristote par Thomas » [ dont « une série de propositions philosophiques qui mettent la foi en danger » sera condamnée en 1277. ]

« Mais le pape [ Jean XXII ] en canonisant Thomas dès juillet 1323 mettra fin au débat : le thomisme succédera désormais à l'augustinisme » [ et l'aristotélisme au platonisme. ]

[ Jean XXIII est le successeur de Clément V et donc le deuxième pape d'Avignon. ]

Cf. Arnaud de la Croix – Treize livres maudits – Le Grand Albert, grimoire secret des sorciers (2016)

La sorcellerie médiévale n'apparaît pas ici comme la persistance d'un animisme résiduel mais plutôt comme un sous-produit de la scolastique aristotélicienne où les sciences naturelles ne sont plus tenues par des impératifs transcendantaux.

Thomas lui-même – suite à une expérience extatique particulièrement éprouvante qui préfigurait son décès (1274) – allait reconnaître à la fin de son existence l'inanité de son entreprise intellectuelle.

Quant aux écrits d'Albert qui portent son nom sous la dénomination du Grand et du Petit Albert, ils furent voués à devenir des classiques de ce genre de littérature qui caractérise une magie naturelle à ne pas confondre avec la haute magie.

Pour le monde du « Â », nous entendons comme van Vogt (1945) celui de la logique aristotélicienne du tiers exclut. Les naufragés sont ceux de la lettre « A » de l'océan Atlantique dans le puits de Philémon imaginé par Fred (1972).

Dans une logique non-aristotélicienne le signifiant et le signifié se rejoignent dans leur signification et cette jonction est le lieu d'une révélation qui échappe aux nominalistes pour qui le nom et la chose nommée restent séparés dans sa dénomination.

Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt. Soyons résolument idiot : notre lune reste intrinsèquement liée au doigt qui la désigne sans lequel elle resterait sans désignation. L'objet est toujours dans le sujet qui perçoit.

C'est l'aperception de la perception et la perception de l'aperception.

    

    

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