mardi 20 juin 2023

Les sept d'Alep

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« Enfin, au début du dixième volume des « Futûḥât » , ibn Arabî révèle qu'il retrouva à Damas quatre hommes qu'il avait connus en Andalousie et qui – il l'ignorait à cette époque – étaient les quatre « homme de la Crainte révérencielle et de la Majesté » :

« Ce sont eux qui assistent les [ quatre ] « awtâd » ; leurs cœurs sont célestes, ils sont ignorés sur terre, connus dans les cieux [ ... ]

« L'un [ d'eux ] est sur le cœur de Muḥammad, le deuxième sur le cœur de Shu'ayb, le troisième sur le cœur de Ṣâliḥ, le quatrième sur le cœur de Hûd ...

« L'adoration de l'univers est réunie en ces quatre hommes [ ... ]

« Je les ai rencontrés à Damas et je sus qu'ils étaient ces quatre hommes ; je les avais connus préalablement en Andalousie mais j'ignorais qu'ils possédaient cette station ; je les prenais [ alors ] pour de simples croyants. »

Cf. Claude Addas – Ibn Arabî ou la quête du Soufre Rouge – Damas, « refuge des prophètes » – Ibn Arabî et les fuqahâ syriens (1989)

Notons d'abord que ces quatre prophètes ne sont pas bibliques et qu'ils président avec Hûd à l'immersion du Sheykh al-Akbar dans l'assemblée des prophètes qui caractérise en Andalousie son accès à la voie muḥammadienne.

Le prophète des 'Âd – le peuple des Yahûd – médiatise son passage de la voie chrétienne à la synthèse muḥammadienne sommairement décrit par une adhésion dont il ne reste pour ainsi dire aucune trace à la voie mosaïque.

Autrement dit Hûd et ses acolytes – Shu'ayb et Ṣâliḥ – se sont substitués à Moïse dans ce viatique où le Sheykh al-Akbar assume le double lignage de son héritage – celui du Messie et celui du Sceau des prophètes.

Relevons ensuite que leur connaissance initiale s'inscrit dans un récit visionnaire qui ne nécessite pas la connaissance préalable des quatre croyants qu'il rencontre à Damas. Il est même probable que ce préalable est celui des quatre prophètes.

Et enfin, rien ne s'oppose à supposer qu'il s'agit des quatre « apôtres » parmi les quatorze qu'Addas retrouve à Damas dans les répertoires biographiques qu'elle consulte :

- 'Alî ibn Muẓaffar an-Nushbî

- Ḥusayn ibn Ibrâhîm al-Irbîlî

- Ibrâhîm ibn 'Umar al-Qurashî

- Naṣru'Llâh ibn abû'l-'Izz ash-Shaybânî ibn aṣ-Ṣaffâr – ibn Shuqayshiqa

Cette assise damascaine a laissé deux lignées hostiles à la position du Pôle :

- Dhahabî  >  ibn Taymiyya  >  ibn Daqîq al-'Îd  >  'Izz ad-Dîn as-Sulamî

- Ṣafadî  >  ibn Sayyid an-Nâs  >  ibn Daqîq  >  'Izz ad-Dîn [ as-Sulamî ]

Mais les deux lignées relèvent du même témoignage de Sulamî désignant ibn Arabî à l'un des siens comme le Pôle entouré de ses élèves – à priori des quatre damascains – dans la Grande Mosquée à Damas.

Parmi les quatorze apôtres on retrouve aussi le fils aîné du Sheykh – Muḥammad 'Imâd ad-Dîn ibn Muḥyî'd-Dîn ibn 'Arabî – son gendre – Muḥammad ibn Sa'd ad-Dîn al-Mu'aẓẓamî et son disciple le plus assidu – Ismâ'îl ibn Sawdakîn an-Nûrî.

Reste les sept apôtres d'Alep dont nous n'allons pas ici recenser les noms mais dont on se doute qu'ils entretiennent un rapport avec Suhrawardî qui tenait Platon et Zoroastre pour prophètes :

« Déjà en 587 / 1191, les oulémas avaient fait exécuter Suhrawardî d'Alep qui professait une inquiétante doctrine où Platon, Zoroastre [ et ] Avicenne côtoyaient abû Yazîd al-Bisṭâmî, Dhû'n-Nûn al-Miṣrî et Ḥallâj. »

Il ne s'agit pas pour nous d'inverser ici le sens du courant mais de montrer l'étendue du fleuve qui se jette à la mer là où il trouve son estuaire et qu'Alep soit son lieu terrestre est confirmé par le don exclusif de « l'Ikhlâ » (112) qui lui fut fait :

« Cette sourate [ se révéla ] à moi dans la ville d'Alep.

« Lorsque je la vis, on me dit : « Ni homme ni djinn n'a souillé cette sourate ». [ S 55 V 56 ]

« Je vis en elle et procédant d'elle une grande sympathie pour moi. [ « maylan 'aîman » ]

« Il me fut dit encore : « Elle est à toi à l'exclusion des autres croyants. »

« À ce moment [ là ], je compris l'allusion et je sus qu'elle était mon essence, l'essence de ma forme [ et ] rien d'autre que moi-même. »

   

    

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