mardi 5 janvier 2021

Octavie

Pour le dix-neuvième cycle du deuxième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Cédant au désir d'amis communs qui s'étaient entremis, [ ... ] Antoine alla à Rome épouser Octavie, la plus jeune sœur d'Octave.

« Au cour des négociations qui aboutirent à ce mariage, Antoine semble bien avoir fait mention de Cléopâtre, mais Cléopâtre n'était pas femme, il était veuf et n'avait aucune raison valable à invoquer contre ce projet.

« En fait aucune alliance n'était plus propre à servir la cause de la paix : sœur de l'un, épouse de l'autre, Octavie pouvait être le ciment de la concorde et de la réconciliation entre les deux puissants personnages de l'empire, [ ... ]

« [ ... ] à l'exemple du mariage de Pompée avec la fille de César.

« Octavie n'était d'ailleurs pas un parti quelconque :d'un an plus jeune que Cléopâtre et, autant qu'on [ puisse ] en juger, plus belle que sa rivale.

« Octave l'aimait beaucoup. Elle n'avait pas l'ambition, le génie audacieux de la reine d’Égypte, mais elle lui était supérieure par ses vertus.

« Peut-être a-t-on eu tendance à l'idéaliser pour accentuer le contraste ; il reste que la fermeté d'âme avec laquelle elle accepta les humiliations qu'elle eut plus tard à subir de la part d'Antoine témoigne d'une grande noblesse de caractère.

« Sa douceur, sa patience, la pureté de ses mœurs l'élevaient au-dessus du niveau de beaucoup de Romaines de son temps : si l'on songe à la réputation d'une Clodia, d'une Fulvie, on [ comprend ] l'estime dont Octavie jouissait dans l'esprit de ses contemporains.

« Son premier mari, Caïus Marcellus, était mort quelque mois auparavant, et elle avait depuis donné le jour à un enfant .

« Les partisans de la réconciliation et d'une paix durable attachaient tant de prix à ce mariage que le sénat, sur leurs instances, donna l'autorisation avant l'expiration du délai de dix mois après la mort du mari exigé par la loi.

« On craignait et non sans raison une intrigue de Cléopâtre, on espérait que la beauté et la douceur aimable d'Octavie feraient oublier à Antoine le luxe d'Alexandrie et les charmes de la reine, le rapprocheraient d'Octave et réveilleraient en lui l'âme romaine.

« Telle était la grande et lourde tâche que trouvait la douce Octavie dans sa corbeille de noce. »

Cf. Oscar de Wertheimer traduit de l'allemand par Adrien F. Vochelle en 1966 – Cléopâtre. Reine des rois – Antoine et Cléopâtre

Nous avons déjà relevé l'antagonisme qui transparaît entre la sainteté rhétorique que le Sceau des prophètes attribue à Sayyida Assia et la séduction de Cléopâtre qui subjugue à Tarse le nouveau Dionysos pour le salut de l'Asie.

Cet antagonisme a son antipode du point de vue de la rhétorique pythagorique de l'empire romain avec Octavie que nous qualifions aussi d'Augusta par rapport à son frère Octave quand on le qualifie d'Auguste.

Bien que leur modèle mythique soit d'abord celui qui lie la déesse Artémis à l'Apollon de cette typologie, son iconographie numismatique nous montre que son nœud a aussi quelque chose d'isiaque dans sa façon de rivaliser avec la reine d’Égypte.

Quand le Sceau des prophètes se représente entre Sayyida Khadija et Sayyida Fâtima, il établit un rapport identique entre Sayyida Assia et Sayyida Maryam qui est celui qui existe aussi entre Octavie et la Vierge Marie dans un imaginaire gréco-romain.

Du point de vue de sa typologie prophétique, Octave occupe alors la place de Sayyidina Yousuf (sws) qui résiste à cette séduction pharaonique de la reine d’Égypte à laquelle succombe le nouveau Dionysos dans la mythologie d'Antoine.

« À dater de ce [ mariage ] commence entre Cléopâtre et Octavie le duel patient dont Antoine est l'enjeu.

« La reine d’Égypte mène la lutte avec toutes les ressources de son génie, de ses raffinements de femme, avec son ardente passion, son inflexible ténacité ; [ ... ]

« [ ... ] Octavie [ lutte ] avec sa douceur, son abnégation, sa sagesse tranquille et ses droits d'épouse légitime, mais aussi avec un résolution obstinée dont on ne saurait dire à qui il allait le plus, [ ... ]

« [ ... ] à son mari, à la sauvegarde de son foyer, à la paix romaine, ou peut-être pour une part aux intérêts de son frère.

« Toute ambition personnelle lui était étrangère, elle n'avait pas de sens pour les nécessités du présent pas plus que de volonté politique bien déterminé.

« Nature passive, prête à l'acceptation, mais empreinte de dignité, animée d'un idéal agissant qui lui donnait une grande force dès qu'il fallait assumer un devoir et s'y donner toute.

« Consciente de la tâche qu'elle avait à remplir au côté d'Antoine, elle lui consacra toute sa vie jusqu'au sacrifice.

« L'idéal était présent à ses yeux : son frère et son époux, par un accord favorable, gouvernaient l'empire. Cet heureux état de choses, il fallait le conserver et elle devait tout faire dans ce but pour autant qu'il dépendait d'elle.

« Mais l'ennemi veillait, les éléments hostiles à cette euphorie ne se laisseraient pas toujours endormir, endiguer par la douceur obstinée d'une femme.

« Cléopâtre, force élémentaire et libre, était aussi trop habile politique pour se satisfaire de cet harmonieux équilibre. Au centre de son microcosme, il y avait elle et son rôle à jouer.

« Il est difficile d'imaginer contraste plus frappant que celui que, par nature, par tradition, par éducation, présentaient ces deux femmes. »

Cf. Oscar de Wertheimer – Op. Cit. – Un rêve d'amour et de souveraineté en Orient (1966)

   

    

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