jeudi 11 mai 2023

La colonne de lumière

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« ... on peut s'étonner de ne pas retrouver chez [ ibn Arabî ] la reprise de la geste du « nûr muammadî » telle que la décrit Tustarî : aucune référence dans les écrits connus de lui à une « colonne de lumière » ni aux traditions qui ont fleuri sur ce thème. »

Cf. Claude Addas – La Maison muḥammadienne. Aperçus de la dévotion au Prophète en mystique musulmane – « Et nous ne t'avons envoyé si ce n'est vers la totalité des hommes »   [ S 34 V 28 ] – « J'étais prophète... » (2015)

Nous suivons l'index de la Maison muḥamadienne sous les rubriques « Tustarî » et « nûr muammadî » :

- Hallâj est présenté par Addas comme le disciple de Sahl at-Tustarî (896) qui est présenté par Massignon comme celui de Dhû'l-Nûn al-Misrî (860) qui recensa le « tasfîr » de l'Imam Ja'far al-Sâdiq (765) à la source de ces traditions.

- La notion de « nûr muammadî » qualifiée de gnostique et jugée suspecte par les docteurs de la Loi serait essentiellement ancrée dans les milieux soufis.

- La « shumûl al-umma » – le genre humain – la « shumûl ar-risâla » – la communauté du message – communément désignée comme celle des gens du Livres – « ahl al-Kitab » – et la « shumûl ar-Rama » qu'on retrouve chez ibn Arabî ...

... seraient contenues en germe dans le thème mystique du « nûr muammadî ».

- La doctrine du « nûr muammadî » que Massignon qualifie de Lumière pré-éternel – ce qui est impropre puisque l'éternité est toujours en-deçà de toute durée perpétuelle – introduit « la fonction sotériologique du Prophète » et son eschatologie.

- La notion de « Lumière muammadienne » absente des théophanies akbariennes se retrouverait dans les écrits d'Aḥmad ibn Idrîs al-Fâsî (1837) à l'origine de la « voie muḥammadienne » qui caractérise le « néo-soufisme ».

- Jâbir ibn abda'Llâh rapporte le « hadîth » du prophète : « Ô Jâbir, la première chose que Dieu créa, ce fut la lumière de ton Prophète » où elle est alors semblable au Calame ou à l'Intellect – « al-'aql » – de la Réalité muammadienne – « aqîqa » – pour ibn Arabî.

- 'Ali ibn abû Tâlib (661) rapporte le « hadîth » du prophète : « J'étais une lumière devant mon Seigneur quatorze mille ans avant qu'Il ne crée Adam. »

- Les « tasfîr » de Muqâtil (767) et de Ja'far al-Sâdiq (765) déclarent : « La lumière dont il est dit qu'elle est telle « une niche où se trouve une lampe dans un verre » [ S 24 V 35 ] désigne la lumière du Prophète alors qu'il était dans les reins de son père. »

Ce qui fait référence à l'origine chrétienne du prophète quand cette lumière apparut sur le front de son géniteur d'où elle fut transmise à sa progéniture dans le ventre de sa mère.

« ... lorsque Dieu voulu créer Muammad [ écrit Tustarî dans son « tafsîr » ] Il manifesta une lumière de Sa lumière, laquelle quand elle atteignit le voile de la Majesté – « hijâb al-'azama » – se prosterna [ ... ] devant Dieu.

« De cette prosternation, Il créa une immense colonne de lumière transparente pareille à du cristal – c'est-à-dire aussi lumineuse en son dedans qu'en son dehors – en laquelle était l'essence de Muammad. »

La création de cette essence précède celle d'Adam et de sa descendance parmi laquelle Dieu tira de son argile le corps du Sceau des prophètes pour y mettre sa lumière.

« Outre ce texte et celui [ ... ] qui concerne les premiers versets de la sourate de l’Étoile [ 53 ] dans lequel Tasturî fait de nouveau référence à la manifestation primordiale du Prophète sous la forme d'une colonne de lumière – « 'amûd an-nûr » – ...

« ... nous disposons également du témoignage de 'Ayn al Qudât al-Hamâdhânî (1131) qui indique [ ... ] que Khadir [ ... ] transmit à Tustarî (896) – ainsi qu'à Shaybân al-Ra'î – la tradition suivante [ qui remonterait dès lors à une époque antérieure ] :

« Dieu a créé la lumière de Muḥammad de Sa lumière. Il la modela parfaitement et la plaça devant lui. Cette lumière resta alors devant Dieu pendant cent mille ans.

Chaque jour et chaque nuit, Il portait sur elle soixante-dix mille regards, la revêtant par chaque regard d'une nouvelle lumière et d'une nouvelle miséricorde. De cette lumière, Il créa ensuite toutes les créatures. »

« ... selon Kamâl Ja'far [ en 1974 ] c'est [ Sufyân at-Thawrî (778) avec lequel Shaybân al-Ra'î était en relation ] qui aurait forgé l'expression de « colonne de lumière » pour rendre compte de la primogéniture du prophète. » [ Idem pour Massignon en 1975 ]

Nous n'en saurons pas plus sur la colonne de lumière dans ce contexte islamique mais nous avons ici un vitrail assez singulier où elle représente la Vierge Marie sur le chemin de Compostelle reconnaissable par la présence d'un pèlerin.

Il s'agit de la Vierge du Pilier à Saragosse où elle s'élève dans la lumière vers le soleil par une geste qui fut sans doute celle d'Artémis au Sar d'Augusta pour assister l'Auguste qui se remémore dans la remémoration d'Apollon.

Cette coïncidence nous rappelle que la Vierge apparaît comme la sœur du prophète parmi les saintes femmes de l'Islam avec sa mère, son épouse et sa fille là où l'épouse du pharaon qui est aussi sa sœur se substitue à la mère de l'Amin – celui d'Amina.

Cette substitution pharaonique pour le moins étrange renvoi aux médiations gréco-romaines que nous évoquons où la colonne originelle qui supporte de soleil ou la sphère zodiacale est celle de la colonne d'Atlas.

Nous ne somme pas insensible à la Vierge corédemptrice si chère au pape mystique de Lorraine ; quoi que l’Église romaine l'ai repoussée considérant Jésus comme le seul rédempteur – celui vers qui elle nous mène.

Mais Jésus n'est pas le partenaire auquel nous avons songé en contemplant l'énigmatique vitrail de la Vierge du Pilier et le bleu de sa station céleste – j'imagine – est celui d'une ultime demeure où n'accède que le pôle d'une autre sainteté.

Mais de cette demeure – là où nous nous tenons pour réciter le Rosaire – nous ne voyons que la colonne dorée à travers la nuée et ailleurs sur le pont du « wad » où nous gravitons – la même – exactement la même.
   

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