mardi 16 mai 2023

La perle blanche

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« Aux environs de 1905-1906, un différend d'ordre religieux avait éclaté à Nioro du Sahel (Mali) entre différentes branches de la confrérie Tidjani à propos des modalités de récitation d'une certaine prière.

[ « La « Djawharatu'l-kamal » [ la Perle de la perfection ] est une prière traditionnelle de bénédiction sur le Prophète. Toutefois à travers le Prophète de l'Islam – dont le nom ne figure pas dans ce texte contrairement à toutes les autres formules du même genre – ...

« ... on s'adresse ici à la Réalité prophétique éternelle – le Logos dirait-on en d'autres lieux – appelée en arabe la « Nûr muḥammadiya » – la Lumière muḥammadienne – Prime intelligence créée par Dieu, antérieure à toute manifestation ...

« ... qui tout à la fois contient et pénètre toutes choses et dont le Prophète Muḥammad est [ le prototype ] et la manifestation dans le temps et dans l'histoire où il apparaît le dernier [ à apparaître comme intelligence parmi les prophètes. ]

« Pour l'Islam ésotérique, c'est cette même Lumière prophétique éternelle qui s'est exprimée à travers tous les Prophètes et [ tous les ] Envoyés de Dieu. » ]

[ « ... chez les Tidjani, on efforcera à l'immobilité. [ ... ] La Perle de la perfection en particulier devra être récitée dans un état d'immobilité totale. » ... ]

« À partir de 1917, le conflit prit une proportion telle que l'Administration coloniale fut amenée à s'occuper de la question.

« Elle ouvrit un dossier qu'elle intitula « Hamallisme » – étiquette tirée du nom de Cheikh Chérif Hamallâh, chef de l'une des deux branches tidjaniennes en cause [ ... ].

« Ses partisans reçurent le nom de « Hamallistes » et leurs adversaires le nom de « Omariens » parce qu'ils relevaient de la branche tidjanienne issue du grand chef religieux El Hadj Omar. »

[ « Les Hamallistes [ ... ] ne sont en fait que des Tidjani ... » ]

« [ Le ] maître et [ le ] père spirituel [ d'Amadou Hampâté Bâ ] Tierno Bokar – lui-même Cheikh de la confrérie Tidjani dans la branche omarienne – appartenait à la famille d'El Hadj Omar.

« Pourtant – en 1937 – dédaignant les ennuis qui ne manqueraient pas de s'abattre sur lui, il reconnut la validité spirituelle de Chérif Hamallâh et se plaça sous son obédience. [ ... ]

« Dès lors, Tierno Bokar fut violemment combattu par ses cousins omariens. Ces derniers qui comptaient des membres très influents auprès du gouvernement général de [ l'Afrique Occidentale Française (1895-1958) ] ...

« ... réussirent à déclencher l'intervention de l'Administration coloniale en faisant passer pour une affaire politique de tendance « anti-française » ce qui n'était qu'un conflit d'ordre religieux et local. »

[ Mais à contrario, cette présentation du conflit tend à faire de ses adversaires une branche en collusion avec l'Administration coloniale. ]

« La Tidjaniya fut l'un des derniers ordres apparus puisqu'elle prend sa source en Cheik Aḥmad Tidjani qui naquit en 1150 / 1737 à Aïn Mahdi en Algérie. Il mourut en 1230 / 1815 à Fès au Maroc où se trouve son tombeau.

« ... Cheik Aḥmad Tidjani en plus de l'inspiration personnelle qu'il reçu directement du Prophète était l'héritier des « tourouq » les plus importantes de son temps :

« Qadriya, Shadiliya, etc. » [ Hampâté Bâ cite encore la Suhrawardiya et les « Mewlevi » de « Mawlâna » [ Jalalu'd-Dîn Rumi (672 / 1273) ]

[ En vérité, la Tijâniyya est sur l'une des deux branches du « néo-soufisme » : elle est issue de la Khalwatiyya avec la Raḥmaniyya et la Sammâniyya.

L'autre branche du « néo-soufisme » est celle de l'Idrîsiyya d'où sont issues la Sanûsiyya, la Khatmiyya et la Rashîdiyya.

L'inspiration personnelle dont il est question rend cet héritage plutôt improbable. Par contre celui de la Khalwatiyya transcende le « néo-soufisme » qui caractérise l'Idrîsiyya à moins de considérer l'Idrîsiyya comme une émanation particulière de l'Akbariyya. *

La nature de cette inspiration doit même inverser la proposition et considérer son antériorité comme l'héritage de toutes les « tourouq » de même que l'antériorité de la Réalité muḥammadienne est l'héritage de tous les prophètes.

« Ibn el Arabi » et « Ghazali » sont présentés ici comme « des grands maîtres à penser » dans un syncrétisme approximatif – « la doctrine enseignée » étant « partout la même » à « quelques détails près ». ]

Cf. Amadou Hampâté Bâ – Avant-propos [ à la ] Vie et [ à ] l'enseignement de Tierno Bokar. Le sage de Bandiagara [ et ] Annexe [ au ] Soufisme et [ aux ] confréries en Islam (1980)

Renvoyant les chaînes de transmission – « silsila » – des confréries vers 'Alî ibn abû Tâlib ou Abou Bakr, Hampâté Bâ note « onze Imams – douze avec 'Alî » ce qui renvoi les « ahl al-Bayt » vers leur pôle : Fatima Zohra – la fille du Sceau des prophètes.

Nous comptons « onze » – douze avec « al-Mahdî » que nous identifions au Sheykh al-Akbar sachant que la branche ismaélite sur le tronc ja'farite ne compte pas Ḥasan ibn 'Ali – le deuxième entre 'Ali et Ḥusein sous le manteau des cinq pour les « ahl al-Burda ».

En comptant Ḥasan ibn 'Alî nous nous arrêtons avec Raḍî abdu'Llâh (881). Ce qui fait pour elle : « dix » – onze avec Ḥasan ibn 'Alî. Et pour la branche mûsaïde : « onze » avec Ḥasan al-'Askarî ibn 'Alî al-Hâdî ou al-Naqî (874) – date de l'occultation.

En vérité, c'est dix à partir du pôle – Fatima Zohra – et le onzième – l'Imam du Tawḥid – c'est le retour du premier avec la décade que le premier soit « ḥasannî » ou « 'aliyyî ».

* « Il convient de souligner [ ... ] que le maître spirituel d'ibn Idrîs (1837) – 'abd al-Wahhâb at-Tâzî fut en contact étroit avec le milieu « akbarien » de son époque puisqu'il fut à la fois le disciple de Muḥammad al-Hifnî (1767) – ...

« ... lui même disciple de Nâbulusî (1731), éminent représentant de l'école akbarienne dans la Syrie ottomane – et celui de son principal héritier – Maḥmûd al-Kurdî (1781), lecteur assidu des « Futûhât makkiyya » ...

« ... et qui – selon le témoignage de l'historien Jabartî (1826) – rédigea un commentaire des « Fusus al-Hikam » à la suite d'une vision d'ibn Arabî. »

Cf. Claude Addas – La Maison muḥammadienne. Aperçus de la dévotion au Prophète en mystique musulmane – « Muḥammad n'est absent d'aucun lieu à aucun moment » – « Unis-moi à lui » (2015)

Ce que la réfutation du « néo-soufisme » remet en question, c'est la discontinuité dans la continuité qui relève de l'économie cyclique et de la science d'al-Khidr – autre référence d'Aḥmad ibn Idrîs par l'intercession du « Kitâb al-Ibrîz » d'ibn ad-Dabbâgh (1719).

« Contemporain de Najm ad-Dîn Kubrâ (1221), ibn Arabî [ ... ] ne mentionne jamais la fameuse tradition [ concernant la Lumière du Prophète dont il fait usage dans son « tafsîr » ] remontant à Jâbir ibn 'abd Allâh – du moins dans sa forme la plus répandue.

[ « L'émir 'abd al-Qâdir [ al-Jazâ'irî ] cite [ ... ] une tradition que l'on rencontre notamment [ chez ] Tha'labî (1035) qui évoque la création du Prophète à partir d'une « Perle blanche » – « Durra al-bayda ». [ ... ]

« Ibn Arabî identifie la « Perle blanche » au « aql » [ l'Intellect ] et au « qalam » [ le Calame ] et indique avoir rédigé un traité intitulé « La Perle blanche ».

Cf. Claude Addas – La Maison muḥammadienne. Aperçus de la dévotion au Prophète en mystique musulmane – « En vérité, tu es d'un caractère sublime » [ S 68 V 4 ] – « N'eût été toi, Je n'aurais pas créé le monde » (2015)

   

    

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