samedi 27 mai 2023

Le nombre des secrets

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« Quand au nombre de ces Contemplations – quatorze – il va de soi qu'ibn Arabî a intentionnellement tiré parti du symbolisme du septénaire redoublé.

« On connaît la sentence qu'il prononça devant le cercle du Saykh [ abd al-'Azîz ] al-Mahdawî – à Tunis en 590 de l'hégire – à l'époque où il écrivit son Livre des Contemplations.

« Il déclara devant l'assistance estomaquée : « Je suis le Coran et les Sept redoublés ! » – par allusion aux sept versets de la « Fâtiḥa ».

Cf. Spéphane Ruspoli – Introduction au Livre des Contemplations divines d'ibn 'Arabî où al-Mahdawî est présenté comme le successeur d'abû Madyan (1197) – Le symbolisme du septénaire (1999)

La similitude ou la gémellité entre le Sheykh al-Akbar et le Noble Coran – contenu et contenant – est une assertion communément assénée par le « tasawwuf » akbarien.

Nous avons vu que le redoublement peut être indépendant par rapport aux sept versets de la première sourate et dans ce cas désigner les « Mu'awidhatan » (113 et 114) ou lié au nombre de ces versets en désignant les sept sourates du « Kawthar » (108 – 114).

Le nombre quatorze a son propre redoublement qui n'a rien à voir avec celui de ce septénaire : celui de la décade (10) avec les quatre éléments qui la composent (4) quand ils apparaissent comme les quatre permutations de la dyade.

Le nombre des sections de l'ouvrage (107) laisse entendre qu'un tel redoublement s'inscrit en-deçà des redoublements du « Kawthar » mais n'exclut nullement que le septénaire originel – celui des versets de la « Fâtiḥa » (1) – puisse s'y trouver comme analogie.

C'est même ce que laissent entendre les variations grammaticales qui substituent l'article de coordination – « wa » – à l'adverbe de manière – « bi » – des déterminations astrales que Ruspoli qualifie de « fluctuations » stylistiques.

Dans ces fluctuations, la contemplation au onzième secret d'une « vision apophatique de la déité purement indéterminée » lui paraît singulière et on peut la considérer comme celle d'une monade qui accompagne la décade au début de son dédoublement.

Et dans ce dédoublement, la considérer comme une hypostase de la monade originelle qui caractérise l'unicité de l'Un sans second ; cette hypostase entretenant ici un rapport étroit avec la dyade dont elle procède :

« Dieu m'introduisit dans la contemplation de la déité. Ce fut tellement inexprimable que je suis impuissant à décrire la chose et incapable même de la suggérer. Il n'y eut plus aucune qualité, ni propriété, ni nom, ni repère quelconque.

« Il parla, je parlai. Il fit signe, Il fit face, Il se détourna, Il se leva, Il s'assit. Toutes ces choses furent suspendues, et je ne vis rien. Je vis les choses sans qu'il y ait vision.

« L'interpellation cessa, les causes furent anéanties, le voile disparut complètement. Il n'y eut plus que la subsistance et l'abolition fut abolie du sein de la subsistance par « Moi ».

Cf. Contemplation de la lumière de la déité par le lever de l'astre de la négation (11) – La grande annihilation mystique (63) – « Kitâb mashâhidu'l-asrâr al-qudsiyya wa matâli' al-anwâr al-ilâhiyya » du Sheykh al-Akbar traduit par Stéphane Ruspoli (1999) :

« Livre des Contemplations des secrets sanctissimes et des levers des lumières divines » ou Contemplation des secrets sanctifiés par la vision des aurores intimes.

L'annihilation fait ici référence au « Moi » divin dans les « tahlîl » de ses trois « tawḥîd » – le quinzième, le dix-septième et le dix-neuvième – énoncés à la première personnes du singulier – cf. S 16 V 2 + S 20 V 14 + S 21 V 25.

« Ibn 'Arabî a précisé ailleurs sa conception du nombre quatorze comme indice de l'âme humaine pleinement illuminée et manifestant la synthèse des [ sept ] attributs de perfection en commentant une strophe de son [ « Interprète des désirs ardents ». ]

« Il s'inspire semble-t-il – des propriétés de la Tétraktys des pythagoriciens en additionnant la tétrade fondamentale des quatre forces ou éléments universels au nombre dix qui en est le produit ... »

Mais pourquoi ce « produit » devrait-il être « démultiplié » et comment surtout cette démultiplication de la décade pourrait-elle « dégager » un « double septénaire » – celui « de la constitution de l'âme initiée à la connaissance du « tawḥîd ».

Si une telle opération a encore un sens, on voit bien que « l'idée » du « double septénaire » ou « le principe » de son « redoublement » ne correspond pas ici à la « perfection » du nombre qui préside à la contemplations des secrets.

Cf. L'introduction de Stéphane Ruspoli commentant la strophe du « Tarjumân al-ashwâq » : dix est bien évidemment la somme des nombres de la « Tétraktys » et c'est quatorze qui est le produit de la multiplication par deux du « septénaire ».

Le nombre des secrets de la contemplation dans la vision des aurores intimes est aussi celui des deux lettres isolées qui apparaissent au début de la vingtième sourate où se trouve le dix-septième « tawḥîd » (14) comme celles du « â » (9) et du « Hâ » (5).

Mais rappelons que le cycle hebdomadaire de la semaine comprend déjà l'ascension et l'éloignement par rapport au Jour dominical sous la forme du « trivium » ascendant et du « quadrivium » sans qu'il soit nécessaire de les redoubler.

C'est donc le « trivium » ascendant que nous qualifions de prophétique ou de poétique qui doit être identifié à la décade et le « quadrivium » qu'on qualifiait autrefois de mathématique qui correspond en arithmétique à la réalisation califale.

C'est l'identification du « trivium » à la décade qu'on observe dans la décade des mois lunaires où chaque mois synodique comprend trente jours ou soixante phases et donc leur décade trois cents jours ou six cents phases.

Il en résulte que le « quatrivium » doit correspondre aux soixante jours du Janus dans la génération des cercles qui se trouvent en-deçà de la dyade où l'hypostase de la monade originelle devait correspondre jadis à celle de la décade.

Car il existe en effet une hypostase intermédiaire – celle de la décade – entre la monade originelle – celle de l'Un sans second – et celle de la dyade à laquelle renvoie l’annihilation du onzième secret qui devait correspondre aux cinquante jours du Janus romain.

La superposition de ces hypostases dans l'économie cyclique du « kali-yuga » n'est sans doute que l'ultime avatar d'un passage du paysage sidéral des peuples les plus anciens aux cycles synodiques où s'inscrivent les calendriers les plus récents.

   

    

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