dimanche 17 décembre 2023

La syzygie apostolique

...

« Pour apprendre aux hommes la réalité des êtres, Dieu qui lui-même est un a divisé tous les extrêmes en couples opposés.

« Étant lui-même dès le principe le Dieu un et unique, il a fait le ciel et la terre, le jour et la nuit, la lumière et le feu, le soleil et la lune, la vie et la mort.

« Parmi ces êtres l'homme seul a été créé libre, capable de devenir juste ou injuste ; pour lui aussi Dieu fit alterner les images des syzygies lui présentant en premier lieu des choses petites [ et ] en second lieu des choses grandes comme le monde et l'éternité.

« Le monde actuel en effet est éphémère tandis que le monde à venir est éternel. D'abord l'ignorance puis la science. C'est dans le même ordre qu'Il a distribué les princes de la prophétie.

« Le monde présent est femelle, il enfante les âmes comme une mère ses enfants ; le siècle à venir au contraire est mâle comme un père qui reçoit de sa femme ses enfants.

« C'est pourquoi les prophètes en leur qualité de fils du siècle à venir viennent en ce monde avec la science des choses éternelles.

« Si les hommes religieux avaient connu ce mystère, jamais ils ne se seraient laissé séduire et dans le cas présent aussi, ils auraient compris que ce Simon – sujet actuel de tous les entretiens – est le complice de l'erreur et de la tromperie.

« Voilà ce qu'enseigne la règle prophétique. » HC II 15

« De même qu'au commencement Dieu qui est un fit pour ainsi dire comme chose placée à droite et à gauche d'abord le ciel puis la terre, de même aussi il composa à la suite toutes les syzygies.

« Néanmoins pour les hommes, il n'en est plus ainsi mais l'ordre de toutes les syzygies est interverti : tandis que ce sont les premières œuvres de Dieu qui sont supérieures et les secondes qui sont inférieures, chez les hommes c'est le contraire que nous constatons :

« Les premières choses sont inférieures, les secondes sont supérieures. » HC II 16

[ Il en va ainsi chez le Pseudo-Clément pour Caïn et Abel, pour Ismaël et Isaac, pour Ésaü et Jacob, pour Aaron et Moïse – « le grand-prêtre » et « le législateur ». ]

« De même la syzygie [ Jean < Jésus ] dont Élie faisait partie et qui devait venir remit spontanément son apparition à un autre temps ayant décidé de jouir d'elle-même une autre fois au moment opportun.

« C'est pourquoi celui-ci [ Jean ] qui est au nombre des enfants des femmes est venu le premier et celui [ Jésus ] qui est au nombre des fils des hommes n'est venu que le second.

« En se guidant sur cet ordre de succession, on pouvait comprendre de qui relève Simon qui est venu le premier avant moi vers les nations ...

« ... et de qui je relève, moi qui suis venu après lui et qui lui ai succédé comme la lumière succède aux ténèbres, la science à l'ignorance, la guérison à la maladie.

« Ainsi donc comme le prophète véridique [ Jésus ] nous l'a dit : il faut que vienne d'abord un faux évangile prêché par un imposteur [ Paul ] ...

« ... et ce n'est qu'ensuite après la destruction du lieu saint que le véritable évangile [ celui du Théologien ] doit être envoyé secrètement de tous cotés pour redresser les hérésies à venir.

[ Nous suivons les notes de Siouville sauf pour le véritable évangile « qui doit être envoyé secrètement de tout côtés après la destruction [ ... ] du temple de Jérusalem [ qui serait ] celui de Pierre.

« Mais il a ici un anachronisme [ chez le Pseudo-Clément ] la prédication et la mort de Pierre étant antérieures à la ruine du temple. [ Ce qui démontre qu'il ne peut s'agir d'un évangile qui par ailleurs textuellement n'existe pas encore. ]

« Ce passage s'inspire des Kérygmes judéo-chrétiens qui étaient violemment hostiles à Paul » et « à ses bavardages frivoles » [ dans ] la Lettre de Pierre (2).

« Les Clémentines ne nomment jamais Paul [ et substituent ] à la syzygie « Paul < Pierre » des Kérygmes [ celle ] de Simon le magicien [ avec ] Pierre ; mais Paul s'y trouve quelquefois visé à travers le masque » [ de son substitut. ]

« Et après cela [ après la révélation secrète d'un quatrième évangile ] vers la fin [ que Siouville suppose entre parenthèses être celles (des temps) apocalyptiques ] il faut que l'Antéchrist vienne encore le premier ; ...

« ... ce n'est qu'alors qu'apparaîtra notre véritable Christ-Jésus [ le prophète véridique ] et après lui – la lumière éternelle s'étant levée – les ténèbres et toutes leurs œuvres ténébreuses disparaîtront. » HC II 17

« Certains donc [ ... ] ignorent la règle de la syzygie et voilà pourquoi ils ne savent pas quel homme est ce Simon qui m'a précédé [ ... ] l'ennemi est accueilli en ami [ ... ] il est du feu et on le considère comme une lumière ... » HC II 18

« Il y eut un certain Jean – hémérobaptiste – qui selon la loi de la syzygie fut le précurseur de notre Seigneur Jésus.

« Tout comme le Seigneur eut douze apôtres conformément au nombre des douze mois du soleil, de même aussi Jean eut trente disciples principaux répondant au compte mensuel de la lune.

« Au nombre de ces disciples était une femme appelée Hélène ; ce fait lui-même n'était pas l’œuvre du hasard car la femme n'étant que la moitié d'un homme, le nombre de trente restait incomplet ...

« ... tout comme pour la lune dont la révolution laisse incomplet le cours du mois [ entre vingt-neuf et trente. ] » HC II 23

[ Nous tenons au contraire pour acquis que la femme vaut le double compte tenu du fait que la simplicité est supérieure à la quantité du point de vue de la qualité.

Le Pseudo-Clément identifie ici Simon qu'il présente comme le précurseur de Pierre au premier disciple du baptiste évincé à la tête de sa secte par Dosithée. ]

« Il vous faut – frères – considérer la vérité de la règle de la syzygie ; en tenant les yeux fixés sur cette règle, on ne peut pas s'égarer.

« Comme nous l'avons dit, tout se présente à notre vue sous une forme double et opposée : premièrement la nuit, ensuite le jour ; d'abord l'ignorance, puis la connaissance ; en premier lieu la maladie, en second lieu la guérison.

« De même, l'erreur apparaît en ce monde la première et ce n'est qu'ensuite que survient la vérité comme le médecin ne vient qu'après que la maladie s'est déclarée. » HC II 33

« Pour beaucoup d'hommes, la principale cause de l'erreur c'est de n'avoir pas songé auparavant à la doctrine de la syzygie ; ... » HC III 16

« Distinguons donc deux genres de prophéties. L'une de ces prophéties est mâle. Qu'il soit bien entendu que cette première prophétie qui est mâle n'occupe que le second rang dans l'ordre de la succession des temps ...

« ... et que la seconde qui est femelle doit s'avancer la première dans la marche en avant des syzygies. » HC III 23

« Mais le mal – en vertu de la loi de la syzygie – a pris les devants et à envoyé avant moi Simon afin que les hommes s'ils cessent de parler d'un grand nombre de dieux après avoir rejeté ceux qui sont censé être sur la terre ...

« ... pensent au moins qu'il en existe plusieurs dans le ciel et que n'ayant jamais apprécié la beauté de l'unité divine, ils soient après châtiment entièrement anéantis. » HC III 59

Cf. Les Homélies clémentines traduites, introduites et commentées par André Siouville – Les syzygies ou couples (1933)

Les Homélies du roman pseudo-clémentin sont datées du IVe siècle mais la source originelle des Kérygmes de Pierre qui les inspirent remonterait jusqu'au début du deuxième siècle.

À ces syzygies bibliques rajoutons celle de Colomba et de Colomban pour l'église celtique ou celle de Khâlid et de Muḥammad pour les sagesses du Sheykh al-Akbar en notant que l'opposition des appariements est ici toute relative.

Comme celle du Christ et du Précurseur : c'est à Paul que Pierre s'oppose mais c'est à Jean qu'on oppose Jésus.

« Cette règle des appariements semble à première vue bien anodine. Mais aux yeux de Pierre, elle est d'une importance capitale et d'une application apologétique immédiate.

« Simon le magicien et Simon-Pierre forment un couple, une syzygie. Or c'est Simon le magicien qui est entré en scène le premier. Partout il précède Pierre qui ne fait que le suivre. Il est donc le premier élément du couple.

« Or d'après la règle de la syzygie, le premier élément chez les hommes est toujours mauvais ou du moins inférieur tandis que le second est bon [ ou ] supérieur.

« Simon est donc nécessairement le suppôt du mal et l'apôtre de l'erreur tandis que Pierre est l'apôtre de la vérité. À elle seule, la règle de la syzygie suffit pour confondre Simon. »

[ Nous suivons la section de l'introduction que Siouville consacre à la règle de la syzygie et à ses appariements tout en évitant ses redites avec la deuxième homélie. ]

« Cette théorie des appariements se retrouve mais bien moins développée dans les Reconnaissances [ qui accompagnent les Homélies dans le roman pseudo-Clémentin. ]

« C'est donc qu'elle était déjà énoncée dans l’Écrit primitif [ que Siouville situe en Syrie vers 220-230 mais que la critique adverse situe à Rome. ]

L'auteur [ de cet Écrit primitif ] l'aura sans doute tiré du [ sixième livre ] des Kérygmes [ de Pierre ] où l'on en faisait l'application [ ... ] à Paul et à Pierre. »

C'est probable mais Siouville qui cherche une continuité entre Pierre et Mahomet autour du « prophète véridique » ne voit pas qu'au début du deuxième siècle l'église clémentine est déjà à la fois paulinienne et judéo-chrétienne.

D'où le déplacement de la syzygie apostolique sur le premier disciple du baptiste ; déplacement qui fait encore courir les décodeurs de Léonard de Vinci.

D'où cette étrange coexistence dans la Parole liturgique entre deux testaments qui côtoient les épîtres d'un avorton.

   

    

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