samedi 27 mars 2021

Au cœur du mystère chrétien

Pour le vingtième cycle du quatrième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« Mais d'abord, qui est Jean ? A-t-il existé ? Oui mais comme mystère, le plus profond mystère du Nouveau Testament. »

[ Jean est le seul personnage du Nouveau Testament qui s'inscrit à l'intersection des trois cénacles qui entourent le Christ :

Parmi les membres de sa famille où il acquiert une filiation adoptive à l'égard de sa mère, parmi ses proches comme un de ceux que Jésus aimait et parmi les disciples du maître dont il est d'abord l'apôtre. ]

« Parmi les trois grands apôtres, si Paul est l'air et Pierre la terre, Jean est le feu et l'eau à la fois. »

« L'eau et le feu se sont aimés. Jean est contradictoire : ce n'est pas là son moindre charme. Le disciple [ que Jésus ] aimait, le tendron renversé sur sa poitrine d'un côté, la Voix de Tonnerre – le Boanergès – et l'Apocalypse de l'autre. »

[ À cette contradiction s'ajoute celle de deux personnages dont l'un est identifié par le romancier au secrétaire imaginaire de Jean dont le nom est cité parmi les élus dans le sixième chapitre des Actes des apôtres – cf. Actes VI 5 :

« La tradition d’Éphèse, où l'on vénère deux tombeaux, l'un de Jean l'apôtre, l'autre de Jean le Presbytre [ ... ] comme la difficulté d'attribuer à une même plume [ ... ] le détail de l’Évangile et celui de l'Apocalypse [ ... ]. »

Difficulté qui pour « le détail » de l’évangile en suppose nécessairement un troisième. ]

« Le Nouveau Testament a été écrit sous l'influence de deux apôtres, les seuls véritables écrivains du canon chrétien : Paul – et Luc son disciple pour son Évangile et les Actes – et Jean, par l’Évangile, l'Apocalypse et les trois Épîtres connues sous son nom.

« Si les choses sont assez claires, historiquement, pour Paul, elles sont, en ce qui concerne Jean, passablement embrouillées. »

[ Le Nouveau Testament compte huit corpus dans tous les cas de figures et sont tous « sous l'influence » du Christ.

Pour les épîtres de Jean, la première est celle de l'auteur du prologue de son évangile et de son apocalypse. Les deux suivantes sont celles de Jean l'Ancien – le « Presbytre » – qui est le fils adoptif de Pierre et qui signe le deuxième évangile sous le nom de Marc. ]

« Pourtant, une base, sur et solide, est là : c'est un écrivain. Entre ses deux textes principaux [ l'évangile et l'apocalypse ], il y a une abîme, et aussi une fraternité.

« Une insoluble différence, opposition même ; on a souvent douté que ces deux textes fussent du même auteur, et aussi que cet auteur fut Jean de Zébédée, l'un des douze apôtres.

« Il n'est pas question de refaire ici cet interminable procès ; à coup sûr, il y a une énigme : énigme de ce disciple qui témoigne sans ce nommer ailleurs que dans le titre [ ... ] « du disciple que Jésus aimait », [ reprenant celui ] d'un livre de J. Colson [ ... ]

« [ ... ] qui choisi lui de distinguer le prêtre jérusalémite, auteur de l’Évangile, et l'apôtre, fils de Zébédée. »

[ Mais nous avons vu que cet auteur hiérosolymite peut être à la fois l'un et l'autre si son témoignage a été réécrit avec une nouvelle ampleur par la plume de l'aigle johannique. ]

« L'identité de saint Jean ressemble au problème de l'Apocalypse, selon Jacques Derrida – « d'un ton apocalyptique... » – un problème de relais dans une identité qui tend au divin et au mystérieux.

« Des pistes, sans plus : un texte, deux textes – sont-ils de même auteur ? – un personnage a-t-il écrit l'un, l'autre, les deux, aucun ? Mais une voix dicte, à travers ces relais. Cette Voix de Tonnerre de l'inspiration divine, incarnée dans la figure de Jean.

« La commission biblique de l’Église [ catholique ], par son décret du 29 mai 1907, établit que [ ... ] « par une tradition constante et solennelle de l’Église remontant au IIe siècle », par le témoignage des saints pères, et même des hérétiques, [ ... ]

« [ ... ] et [ par celui ] des témoins directs des apôtres, il est établi que les textes du Nouveau Testament mis sous le nom de Jean sont bien de l'apôtre Jean, frère de Jacques et fils de Zébédée. »

[ Ces témoignages n'engagent pas les deux épîtres du « Prebytres » et « le détail » d'une source originelle mais tout le reste : la première épître, l'évangile avec son prologue et l'apocalypse. ]

« Il n'y a qu'un Jean. Mais il est double : écartelé, entre l'Apocalypse et l’Évangile, l'hébreu et le grec, le début et la fin – [ ... ]

« [ ... ] car contrairement à l'ordre officiel qui en fait le texte final de Bible chrétienne, c'est l'Apocalypse qui remonte aux origine bibliques, et l’Évangile qui marque l'entrée [ du christianisme ] dans le monde de la philosophie grecque et romaine. »

[ La composition de l'apocalypse est datée par Eusèbe sous Domitien – entre 81 et 96. Le quatrième évangile est le plus ancien mais réécrit à la même époque qui est aussi celle de Clément de Rome.

Eusèbe date le pontificat clémentin de la douzième année du règne de Domitien – à partir de 92. Si le nouvel évangile est une commande pontificale contre les prémices du schisme de Marcion, il pourrait en effet conclure la révélation apocalyptique.

La source qui informe aussi les deux autres – celui de Matthieu et celui de Luc – est un témoignage sur Lazare qui vient du cénacle des intimes que Jésus aimait et auxquels Jean de Zébédée qui fut d'abord son disciple préféré fut ensuite agrégé. ]

« Il n'y a qu'un Jean : mystère central. Entre le cataclysme et l'amour » [ pour la querelle des pétriniens et des pauliniens entre les israélites et les païens dans l'extension orientale de la civilisation romaine. ]

« Contre la tradition synchrétique, celle de l'école allemande et de Bultmann, la mode fut récemment [ en 1984 ] à revendiquer un Jean « juif », totalement juif : [ ... ]

« [ ... ] voyez les traductions de Chouraqui [ qui hébraïse le texte grec ] ou encore « Le Christ hébreu » de Tresmontant – qui date carrément l’Évangile de Jean des années suivant immédiatement la Passion [ du Christ. ]

[ Dans la théorie des ensembles, les Juifs sont des Hébreux depuis la philoxénie d'Abraham mais tous les Hébreux ne sont pas juifs. ]

« Pour nous, le problème ne se posait pas : ce qui passionne en Jean est justement cette double nature, cette perfection grecque d'un texte hébreux – et réciproquement.

« Cullmann – « Le Milieu johannique » – a d'ailleurs montré, de manière très intéressante, que le judaïsme du temps du Christ est en relation, dès ses origines, avec un groupe helléniste :

« [ ... ] les liens des esséniens de Qûmran avec les thérapeutes, la Bible des Septante, Philon d'Alexandrie montrent qu'un judaïsme hellénique a existé en Judée avant le christianisme. »

[ Mais rien ne démontre que la communauté monastique de Qûmran fut essénienne ou thérapeutique. ]

Cf. Guy Hocquenghem – La colère de l'Agneau – Postface [ et ] Addenda (1984)

   

    

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