mercredi 10 mars 2021

Les idées folles

Pour le huitième cycle du quatrième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

Nous lisons Jean-Claude Guillebaud qui a défaut de nous apprendre quelque chose nous fourni un petit manuel sur ce que René Guénon annonçait en 1945 : une « contre-initiation » qui ne s'opposerait plus à la tradition mais chercherait à la remplacer.

Guillebaud découvre dans son parcours la grande apostasie et décide de s'y investir pour la subvertir puisqu'il n'y trouve plus aucune de raison objective de s'y opposer. Son cheminement s'étend sur toute la seconde moitié du XXe siècle :

- « Né en 1944, j'ai été élevé comme un petit catholique de province. »

- « Devenu étudiant dans les années 1960, [ ... ] je me suis vite éloigné de l’Église ... »

- « En mai 1968, j'avais vingt-quatre ans. »

- « J'ai été journaliste pendant vingt ans [ ... ] les années 1960 et 1970 ... »

- « ... vers le milieu des années 1970, on sentait venir des bouleversements ... »

- « Depuis le début des années 1980, trois révolutions sont en cours ... »

- « Dans les années 1980 et 1990, la suite [ confirme ] [ une revendication identitaire ] »

- « [ ... ] – de 1981 à 1995 – [ j'ai appris ] mon nouveau métier d'éditeur ... ]

- « ... [ jusqu'en ] 1995, je ne me sentais pas encore en état de publier ... »

« Comment je suis redevenu chrétien » date de 2007 et comprend une « ouverture » suivie de trois « cercles » concentriques franchit successivement, des « sources de la modernité » à « la foi comme décision » en passant par « la subversion évangélique ».

La forme est traditionnelle. Elle rappelle le triptyque dantesque dans laquelle Rimbaud inscrit son adieu à la poésie ou les mystères du Rosaire que Jean-Paul II a cru devoir augmenter avec ses « mystères lumineux ». Mais le fond ne l'est pas.

Trouver une origine chrétienne aux sources de la modernité n'était pas une grande découverte et Guillebaud aurait pu avec Cherteston et Dostoïevski constater qu'elle s'abreuvait aussi à des idées folles.

C'est le cas pour l'individualisme forcené qu'il oppose aux collectivismes réels ou supposés sans vraiment les articuler. Il aurait pu avec Emmanuel Lévinas – qu'il cite sans l'assimiler – comprendre qu'on ne peut guère fonder l'un sans l'autre.

La subversion évangélique est plus grave parce qu'elle organise avec René Girard une véritable culture de l'impunité sur un sophisme d'une insolente fatuité : l'innocence des victimes supposerait celle des coupables. La justice les oppresse.

Les bourreaux ne savent pas ce qu'ils font et le Christ demande à son Père de leur pardonner. Il ne nous demande pas d'inverser les rôles et de confondre l'artisan d'iniquité avec l'émissaire de toute innocence.

Mais il ne suffit pas à Guillebaud d'être idiot. Il faut qu'il s'érige en principe et qu'il affirme sa foi comme une force de conviction. Conviction qu'il prête au Juif – éternelle victime de tous les holocaustes – et que nous accordons au Jésuite – celui des Exercices.

Le cas du Théologien mystique – celui de la volition au-delà des sens et de l'esprit – est sans doute plus humble dans ses intentions mais c'est toujours le même principe : le narcissisme comme balise et la suffisance pour destination.

Guillebaut ne sait pas ce qu'il dit et toutes les voix initiatiques quand elles ne sont pas des contrefaçons commencent toujours par la contrition. C'est leur marque de fabrique et sa résipiscence est sans retour.

   

    

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