dimanche 4 avril 2021

Le Carré d'Amour

Pour le vingt-quatrième cycle du quatrième mois de la décade
comprenant la nuit et le jour :

« On sait que parmi les formules magiques de la tradition d'Occident, figure ce que l'on est convenu de dénommer des « palindromes ».

« Ce sont des mots, des noms, des phrases qui, lus de droite à gauche ou de gauche à droite, de haut en bas ou de bas en haut, donnent immuablement les même termes.

« À ce titre, ils constituent dans le domaine « littéral » ce que les « carré magiques » constituent dans le domaine « numéral », mais ces derniers représentent un degré plus élevé de connaissance, et permettent l'accès à un ésotérisme infiniment plus occulte.

« Ce sont en effet les carré magiques qui constituent les réelles « tables d'extraction » des noms de pouvoir en magie pratique, noms d'entités véritablement polarisées, et de même, permettent d'établir les célèbres « sceaux planétaires ».

« Dans le domaine des « palindromes », nous citerons la formule latine célèbre [ qui ] se lit aussi bien dans un sens que dans l'autre.

[ « ROMA TIBI SUBITO MOTIBUS IBIT AMOR » ]

« Elle est toutefois moins connue que le célèbre carré magique qui suscite des joutes acharnées entre érudits, et qui se présente sous deux aspects. [ La forme « SATOR » et la forme « ROTAS ». ] Pour cela, on lui donne le nom de « carré du Sator » [ ... ]

« Lue horizontalement ou verticalement, et de gauche à droite comme de droite à gauche, cette phrase également latine – du moins en apparence – donne immuablement les cinq même mots. »

[ « SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS » ]

« L'usage des palindromes, considérés comme des mots de pouvoir en magie pratique, a été particulièrement développé dans un manuscrit du XVIIIe siècle, propriété de la Bibliothèque de l'Arsenal, à Paris, [ ... ]

« [ ... ] et copie d'un document plus ancien découvert à Venise par le marquis de Paulmy d'Argenson, ambassadeur de France.

« Il a pour titre : « La Magie Sacrée que Dieu donna à Moyse, Aaron, David, Salomon, et à d'autres prophètes, et qui enseigne la Vraie Sapience Divine, laissée par Abraham fils de Simon à son fils Lamech, traduite de l’hébreu, à Venise en 1458. »

« Nous l'avons recopié, publié, préfacé, commenté et annoté [ en 1959 ] [ dans « La Magie sacrée d'Abramelin le Mage » de Robert Ambelain. ] Nous y renvoyons le lecteur épris de mystère ! »

« Or, une formule très proche du « Sator » figure dans le chapitre XIX [ ... ] de notre édition :

[ « SALOM AREPO LEMEL OPERA MOLAS » ]

« Il a pour effet de procurer « l'amour d'une pucelle en général » [ ... ] et le manuscrit précise les noms démoniaques associés à la mise en action de ce sortilège, ainsi que tout le rituel préparatoire. »

« Ce palindrome est un mélange de mots hébreux, associés aux terme du « Sator » précédent. « Salom », c'est une abréviation de Salomon, et « Lemel » est celle de Lemuel cité dans [ les ] Proverbes [ – cf. Pr ] XXXI [ 1 à 9 pour ses Paroles ] [ ... ]

« [ ... ] nom d'un roi [ de Massa ] qui ne serait autre que Salomon lui-même [ dans le ] Dictionnaire rabbinique de Sander et Trenel [ de ] 1859, et qui signifie « élu de Dieu ».

« Or la signification du « Sator » traditionnel est celle-ci [ Ambelain cite Virgile en identifiant « Sator » et signale « Arepo » en gaulois et en galate. ] [ etc. ]

« C. Wescher, qui est le premier à l'avoir étudié scientifiquement, traduit ainsi : « Le Semeur est à la charrue, le labour occupe les Roues... »

« Dans le second type de « Sator » donné par « l'Abramelin », le mot « Molas » peut signifier une Meule en latin, ou une déformation de « Molechet », déité féminine du ciel en acadien.

« Or les Roues et les Meules ont des points communs, et toute déité céleste de type féminin évoque soit la Lune soit Vénus, avec leurs cycles réguliers. Ont le voit l'idée générale est la même. »

« Quant à l'association du « Semeur » et du « soc agraire », il y a là une image parlante de la pénétration de l'homme dans la femme. [ Ambelain cite le « Koran » S 2 V 223 ]

« Il est évident que cette phrase-clé [ ... ] ne possède a priori aucun sens mystique, mais sa signification générale revêt un relief particulier si l'on tient compte de son application dans le plan de l'érotisme, [ qui relève de la cosmogonie du microcosme ]

« [ ... ] en se souvenant [ néanmoins ] qu’Éros était le Dieu de l'amour charnel, du désir des sens, alors qu'Agapé était la déité de l'amour platonique, sentimental, spirituel [ sans laquelle il ne serait y avoir d'élection divine dans le domaine de la métaphysique. ]

« Or, le « Sator » possède d'abord, et en sa facture la plus ancienne, la même signification érotique. C'est en effet à Pompéi qu'il fut découvert [ en 1935 ] en double tracé, sous la forme « Rotas » [ par le R. P. Guillaume de Jerphanion. ]

« Les deux palindromes étaient tracés sur une des colonnes du temple de l'Amour ; et ce fait est significatif. »

« Un archéologue lyonnais – M. Amable Audin – a signalé [ en 1965 ] que « sa position, en dessous des couches de cendres absolument vierges, postule d'une manière impérative qu'il soit antérieur à l'ensevelissement sous les cendres de l'éruption du Vésuve ».

« Cette dernière ayant eu lieu en 79 de notre ère, le tracé du double « Sator » fut effectué bien auparavant.« Et par Tertulien, nous savons qu'il n'y avait aucune communauté chrétienne à cette époque, à Pompéi et en ses environs [ ... ]. »

« Postérieurement, nous découvrirons cette inscription mystérieuse à Doura-Europos, sur l'Euphrate, dans une pièce qui servait de bureau aux [ autorités ] des cohortes auxiliaires romaines, peinte à l'encre rouge sur la muraille, sous sa forme « ROTAS ».

« Puis, en Égypte, avec une valeur magique et prophylactique, sur les [ papyrus ] coptes [ ... ] de la collection de l'archiduc Renier [ sous sa forme « Sator ». ] »

« Sur un « ostrakon » du musée du Caire, on peut la lire accompagnée de mots magiques. Une amulette de bronze d'origine égyptienne, découverte en Asie Mineure, et conservée avant 1945 au musée de Berlin, portait également la formule du « Sator.

« Puis elle va se christianiser. » [ ... ] « Et c'est ici que nous allons la rejoindre, aux mains des chrétiens d'autrefois comme d'aujourd'hui. » [ Nous éludons trois extravagances. ] 

« En 1954, dans les fouilles d'Aquinéum, le vieux Bude, en Hongrie, on découvrit une tuile portant à l'intérieur un hexagramme ou « sceau de Salomon », avec l'inscription fatidique.

« Cette dernière était accompagnée de l'autre « palindrome » déjà cité, mais cette fois en partie effacée. On ne lisait plus que « ROMA TIBI ...ITA ....... .... .... »

« Entre TIBI et ITA, il y a traces de lettres très difficiles à déchiffrer. L'archéologue hongrois qui l'avait découverte et publiée, M. Szilagyi, estima que l'on devait traduire correctement et selon l'usage : « ROMA TIBI SUBITO MOTIBUS IBIT AMOR ».

« Par contre, Jérôme Carcopino, très catholique, y voulait absolument lire une formule chrétienne : « ROMA TIBI SALUS ITA », soit : « Rome, voici ton salut ! »

« Il négligeait le fait que l'espace laissé vide par l'effacement était bien trop étendu pour n'avoir contenu que les cinq lettres du mot « SALUS ».

« En outre, et en lisant de nouveau à rebours selon l'usage [ des palindromes ] on n'avait plus rien qui évoquait le christianisme : « ATI SULAS IBIT AMOR ». [ ... ]

« Enfin, l'étoile à six branches ou « Sceau de Salomon » est un symbole magique universel ; dans le monde entier, nous le retrouverons associé à la magie la plus matérielle qui soit [ qui relève de l'ontologie ]

« On le tracera dans la confection de certains « yantra » de la sorcellerie tantrique, aux Indes. [ Ambelain feuillette le « Joyau des Yantras » pour s'en convaincre. ] [ ... ] »

« Les partisans de l'origine chrétienne du « SATOR » ne se tinrent pas pour battus. On sait par ailleurs qu'ils donnent à ce « palindrome » le surnom de « Carré de Saint Irénée ».

« Ce dernier, nous le connaissons par Eusèbe de Césarée, qui en fait le successeur de Pothin à la tête de l’Église de Lyon [ ... ] bien qu'il ne soit qualifié que de presbytre par son disciple Hippolyte – cf. [ Histoire Ecclésiastique V 5 ] [ et ] Philosophumena VI 43.

« En effet, pour Jérôme Carcopino, en ses communications à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, ce « carré magique » aurait été inventé à Lyon, par Irénée, évêque de cette ville, au lendemain de la persécution de 177.

« Il n'en voulait pour preuve que le fait que l'anagramme de « SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS » donnait « PATER NOSTER », répété deux fois et formant une croix.

« Quant aux deux lettres restantes – « A » et « O » – il s'agissait de l'alpha et de l’Oméga, symbole du Christ. »

« Cette découverte était l’œuvre du professeur Félix Grosser, de Chemnitz, [ en 1926 ]. Et ce dernier [ ... ] faisait en outre observer que dans le « carré magique », les lettres composant le mot central – « TENET » – formait une croix.

« Il s'agissait donc bien d'une formule secrète de reconnaissance pour les chrétiens. »

« De nombreux érudits répondirent en signalant que toute construction d'un « palindrome » de nombre impair permet le même résultat ! [ c'est du nombre des lettres autour d'une lettre centrale dont il est question. ]

« D'autres firent observer [ en 1968 ] que la même phrase était susceptible d'autres anagrammes, fort différentes [ mais aucun de ces anagrammes ne forme un palindrome. ]

« Par ailleurs, les mots « PATER NOSTER » [ qui ne sont pas réversibles ] ne sont pas spécifiquement chrétiens. Dans l'Ancien Testament, nous les rencontrons une bonne douzaine de fois [ mais Ambelain ne cite que deux versets – cf. Isaïe LXIII 16 et LXIV 7 : ]

« Pourtant, Tu es notre Père. Si Abraham ne nous a pas reconnus et si Israël ne se souvient pas de nous, Toi – YHVH – Tu es notre Père, notre Rédempteur, tel est Ton Nom depuis toujours [ ou ] dès l'éternité [ c'est-à-dire ] perpétuel et éternel. »

« Cependant – YHVH – Tu es notre Père, nous sommes l'argile, tu es notre Potier, nous sommes tous l’œuvre de Tes mains. »

[ Mais aucune des dix-sept occurrences néotestamentaires qui citent Isaïe ne reprennent cet argumentaire. ]

« Et les auteurs païens n'ignorent pas cette expression :

« Tu es notre Père, ô Zeus ... » – cf. Stobée [ ... ]

« Ô Zeus, notre Père ! ... » – cf. Pythagore [ ... ]

« C'est Toi qui est notre Père ... » – cf. Aratos [ ... ]

« Concluons donc qu'il est bien imprudent pour nos auteurs chrétiens de revendiquer la mystérieuse formule du « SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS » car, nous venons de le démontrer, elle est bien antérieure au Christianisme.

« D'autre part, il s'agit indiscutablement d'un « charme », d'un « sortilège » graphique et vocal, par lequel on tentait de subjuguer les femmes. »

« Il convient néanmoins d'observer, à la décharge dudit Irénée et de ses lieutenants, que cette phrase [ au ] caractère magique incontestable pouvait être à double sens, et le « semeur » pouvait signifier la propagande chrétienne, aussi bien que Jésus lui-même.

« En effet, dans les textes néotestamentaires, [ Jésus ] se compare à un semeur, et par la suite, on retiendra à son profit cette comparaison :

« Un semeur sortit pour semer sa semence ... » – cf. Mt XIII 3 ; Marc IV 3 et Luc VIII 5

« Le semeur sème la Parole. » – cf. Marc IV 14

« Celui qui fourni la semence au semeur [ ... ] vous fournira la semence [ ... ] de votre justice. » – cf. II Corinthiens IX 10

« ... le semeur se réjouit avec le moissonneur. » – cf. Jean IV 36 et 37

« Toutefois, ces énigmatiques et symboliques « semeur » et « moissonneurs » sont par avance rejetés par l'Ancien Testament : » [ c'est prêté beaucoup à Jérémie L 16 ]

« Retrancher de Babylone celui qui sème et celui qui tient la faucille pour la moisson. »

« À croire [ conclut Ambelain en citant aussi Deutéronome XXI 23 sur la malédiction des pendus ] que les voix prophétiques d'Israël [ ... ] avaient perçu par avance tout ce que le messianisme [ chrétien ] lui apporterait en matière de catastrophes. »

[ Mais on ne voit pas en quoi le messianisme aurait fait son malheur. Listons plutôt :

les déportations assyriennes et babyloniennes depuis l'Asir yéménite

l'alliance judéenne des Asmonéens et des Iduméens en Idumée

l'attachement des Pharisiens au prophétisme par quoi l'Islam les justifie

la fourberie des Saducéens et le zèle des Zélotes contre l'autorité des Romains ... ]

Cf. Robert Ambelain (1972) – La vie secrète de Saint PaulLe Carré d'Amour de saint Irénée

Ambelain réinvente la biographie de l'apôtre mais la fiction laisse voir une évidence : la Judée paléochrétienne est une vue de l'esprit pour l'histoire de l'Idumée hérodienne.

Ce qui n'écarte pas la légitimité de sa réalisation messianique dans certaines conditions – celles de la parousie du Messie et de l'imamat du Sceau des prophètes.

Nous avons rétablies toutes les citations bibliques à partir de la Sainte Bible de Jérusalem.

   

    

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