mercredi 14 juin 2023

La solitude de l'émir

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« Par touches allusives [ l'Imâm du tawḥîd ] dépeint les esseulés [ les « afrâd » ] comme les détenteurs de la « walâya » la plus éthérée [ sic ] qui est l'affranchissement de toutes les stations. »

32. Théophanie de la « walâya »

« La souveraineté du walî inconnu » (62)

« La « walâya » est la sphère divine la plus lointaine :

- celui qui évolue en elle est pleinement instruit

- celui qui est pleinement instruit sait

- celui qui sait se transforme en ce qu'il sait

« Tel est le « walî » inconnu que l'on ne connaît pas et l'ignorance que l'on ne peut reconnaître.

« Car aucune forme déterminée ne peut conditionner un tel « walî », aucune faculté ne peut le faire connaître.

« Il assume tous les états concevables – de grâce comme de disgrâce. »

[ Ce qui les assimile aux hommes du blâme. ]

Cf. Livre des théophanies d'ibn Arabî – « Kitâb at-Tajalliyât » traduit par Ruspoli (2000)

Cette théophanie anticipe la description de la « walayâ » propre aux esseulés dans les trois théophanies suivantes :

34. Théophanie de l'esseulement mystique

« Des anges éperdus d'amour et des esseulés qui ne connaissent que Dieu seul » (64) et (65)

38. Théophanie de l'apport des lois divines

« Des secrets de la création qu'appréhende le « walî » à travers les lois divines » (70)

83. Théophanie de la caractéristique du « walî »

« Sur la liberté et le détachement absolus des vrais élus » (141) et (142)

« Leur nom [ celui des esseulés ] figure dans certaines traditions comme [ celle attribuée au Prophète à propos ] des trois cents soixante yeux par lesquels Dieu regarde le monde ...

« ... et ils sont homologués [ analogues ] au cœur de l'archange Mikaël – le plus éminent [ des anges ] avec Gabriel – car il est l'ange de la Face, étant [ étymologiquement ] « comme Dieu ».

Ruspoli renvoi ici vers « les hiérarchies spirituelles invisibles » de Corbin dans « le combat spirituel du shî'isme » pour « les aspects spirituels et philosophiques » du « shî'isme duodécimain » en islam iranien (1971) s'agissant de la tradition « imâmite » :

« Dieu possède sur terre trois cent notables – « a'yân » – mot désignant les « yeux » et des personnages d'élite précieux comme les « yeux », ces « yeux » par lesquels – selon Rûzbehân » – notre monde est encore un monde que Dieu regarde ... »

Mais chez Corbin les yeux ne sont que trois cents qui avec le reste de la hiérarchie sont au nombre de trois cents cinquante cinq – ce qui correspond au cycle des douze lunaisons annuelles : « (6 x 29) + (6 x 30) » avec leur jour complémentaire (1).

Ici les esseulés ne sont que trois. Ce qui les identifie aux trois archanges dont les cœurs sont conformes au sommet de cette hiérarchie qui en tant que Pôle (1) et « imâms » (2) ou « afrâd » (3) sont au nombre des « awtâd » (4) – onze avec les sept « abdâl » :

- trois cents dont le cœur est conforme au cœur d'Adam – les « notables »

- quarante dont le cœur est conforme au cœur de Moïse – les « nobles »

- sept dont le cœur est conforme au cœur d'Abraham – les « abdâl »

- quatre dont le cœur est conforme au cœur de l'archange Gabriel – les « awtâd »

- trois dont le cœur est conforme au cœur de l'archange Mikaël – les « afrâd »

- une dont le cœur est conforme au cœur de l'archange « séraphique » [ Raphaël ] qui est le Pôle des pôles – le « Quṭb al-aqtâb »

Les trois cents soixante yeux de Ruspoli sont donc aussi proche des trois cents soixante cinq éons de l'Abraxas chez Valentin – avec leurs cinq jours complémentaires – que des trois cents cinquante cinq personnes évoquées par Corbin dans cette hiérarchie.

Mais il faut respecter les degrés qui les limites aux trois cents jours de la décade en mettant sur un autre niveau ceux du Janus qui étaient au nombre de cinquante et que le calendrier julien a augmenté de dix jusqu'au nombre de soixante.

Les cinq premiers jours complémentaires sont donc à prendre en compte dans cette hiérarchie en les plaçant du côté du Janus ; alors que le sixième et son bissextile appartiennent à la décade mais en dehors des cinquante-deux semaines.

Quant aux trois « afrâd », ils ne comptent que les deux imams du Pôle et le quatrième piliers parmi les quatre qui soutiennent le monde autour du Pôle.

« Ibn Arabî rattache l'appellation des esseulés au nom divins « al-Fard » – le Seul – ce qui fait d'eux des personnifications de l'Unique [ « al-Waḥîd » ].

« Étant à la disposition exclusive de l'essence divine, ils n'ont pas à obéir à l'ordre de Dieu en ce sens qu'ils devancent cet ordre par le respect du « droit de Dieu ».

« Or, c'est le droit de Dieu – « ḥaqq al-Ḥaqq » – qui prévaut.

« Leur adhésion spontanée à l'impératif divin qui exprime le « tawḥîd » essentiel affranchit les esseulés de toute obligation et ils n'ont pas à suivre les directions du Pôle mystique, chef de toute [ la ] hiérarchie des saints.

53. Théophanie du droit et de l'ordre de Dieu

« Des initiés à la majesté qui ont dépassé le stade de l'obéissance à Dieu » (91) et (92)

« Dieu possède des hommes auxquels Il se dévoile par le cœur, de sorte qu'ils contemplent à loisir sa majesté absolue et peuvent lui rendre l'honneur qu'Il mérite par les usages requis et la vénération de sa majesté. » etc.

« Il s'agit toujours des esseulés qui n'ont pas à obéir [ aux ordres ] et sont établis dans la condition de la [ seigneurie dominicale. ] »

Cf. Livre des théophanies d'ibn Arabî – « Kitâb at-Tajalliyât » traduit par Ruspoli (2000)

« En fait, les « afrâd » sont l'expression de la théophanie de l'Unique pour Lui-même comme le suggérait Hallâj dans la formule cité en exergue – « Al-hasb al-Waḥîd ifrâd al-Waḥîd Lahu » : « Le lot de l'Unique, c'est l'esseulement de l'Unique pour Lui ».

Cf. Stéphane Ruspoli – Regard sur le « tawḥîd » des hommes du blâme et des esseulés dans son Introduction philosophique au Livre des théophanies d'ibn Arabî (2000)

90. Théophanie de l'Unique pour Lui-même

« Divine solitude de l'homme » (149)

« Sans Lui, je n'aurais pas d'existence. Assurément ! Je n'ai pas non plus de perception.

« Mais je suis seul dans l'existence et toi tu es seul dans mon univers.

« Le seul dans le seul est la condition de mon être.

« À moins que ce soit l'Unique, le Glorieux ! »

Cf. Livre des théophanies d'ibn Arabî – « Kitâb at-Tajalliyât » traduit par Ruspoli (2000)

« [ Cette solitude ] exalte la condition spirituelle des « afrâd » dont le mode d'isolement – « infirâd » – et de dénuement – « tanzîh » – imitent à l'échelle humaine la solitude essentiel du « Trésor caché » – Son secret.

« Σ 11 = 66 »
   

    

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