mardi 5 juillet 2022

La source homérique

Pour le trente-cinqième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :

« Aristobule prétendait [ entre 180 et 145 avant notre ère ] que Homère, Hésiode, Pythagore, Socrate et Platon avaient eu connaissance d'une traduction grecque de la Torah antérieure à la conquête perse de l’Égypte [ en - 525 avant l'ère chrétienne. ]

« Ils s'en seraient même inspirés. Ses « Explications de l’Écrit de Moïse » – ouvrage allégorisant – pourraient être un commentaire de la [ bible grecque des ] Septante. »

Cf. Philippe Borgeaud – Aux origines de l'histoire des religionsMoïse. Histoire de Grèce et de RomeMoïse et Orphée (2004)

« Noé, Abraham et Jacob, la révélation mosaïque, puis les prophètes, le Christ et la mission évangélique constituent autant d'étapes d'une histoire privilégiée.

« De cette chaîne providentielle du Salut, où la lumière est pour ainsi dire transmise sans interprétation, les sagesses des Nations ne sont pas complètement exclues. Mais elles doivent se contenter d'occuper une position marginale.

« Diffusée par Moïse, la Loi hébraïque [ celle du judaïsme ] est considérée [ par le judaïsme ] comme une source d'inspiration indirecte de la philosophie grecque.

« Les penseurs chrétiens développent les spéculations de l'apologétique juive alexandrine sur Moïse, auteur de la Torah [ supposé ] antérieur à Homère, Hésiode, Pythagore, Socrate et Platon qui en auraient eu connaissance.

« L'ancienneté constituant un argument d'authenticité, ils font eux aussi de Moïse – considéré comme l'auteur du Pentateuque – un personnage antérieur aux théologiens grec et ils pensent avoir ainsi démontré la supériorité de son enseignement.

« En utilisant de façon quelque peu acrobatique les sources historiographiques, [ ces penseurs chrétiens ] vont développer ce type d'argumentation et s'efforcer de dater Moïse plus précisément encore par rapport à Homère.

« Tatien [ ... ] dans son « Discours aux Grecs » parvient à établir – dans la seconde moitié du deuxième siècle – que Moïse est antérieur de quatre cents ans à la guerre de Troie.

« Il ne recourt pas à la Bible, mais s'appuie sur des calculs faits par des auteurs écrivant en grec, notamment Ptolémée de Mendès et Apion [ ... ]

«[ ... ] pour établir un rapport synchronique entre le pharaon Amasis et le roi grec Inachos d'Argos qui règnent [ ... ] à l'époque où Moïse fait sortir le peuple hébreu d’Égypte.

« Entre Inachos et Agamemnon – c'est-à-dire entre le temps de Moïse et celui de la guerre de Troie – Tatien (+ 173) énumère la série des rois d'Argos pour conclure [ que ] Moïse est antérieur de quatre cents ans à la guerre de Troie.

« Quant à Homère, d'autres sources grecques – respectivement Cratès [ de Mallos ] et Ératosthène [ de Cyrène ] prouveraient [ deux siècles avant l'ère chrétienne ] qu'il a vécu quatre-vingts ou tout au plus cent ans après la guerre de Troie. »

Cf. Philippe Borgeaud – Aux origines de l'histoire des religionsChristianisme et histoire des religions. Variation sur la lumière naturelleDu Moïse grec au Moïse des chrétien : l'apologétique comme terreau de l'histoire des religions (2004)

« Avant l'intervention des doctrines chrétiennes, l'imitateur [ ... ] n'était pas le diable, mais le poète-théologien : Homère, Musée ou Orphée, imitateurs de Moïse.

« La théorie du plagiat – développée dans le judaïsme alexandrin – avait en effet précédé la théorie de l'imitation diabolique – « imitatio diabolica ».

« Elle apparaissait elle-même comme une réaction, une transformation de la théorie de l'emprunt et de la diffusion telle que l'expose [ encore ] par exemple Diodore de Sicile [ juste avant l'ère chrétienne ] à propos du passage qu'Orphée effectue par l’Égypte.

Cf. Philippe Borgeaud – Aux origines de l'histoire des religionsChristianisme et histoire des religions. Variation sur la lumière naturelleL'imitation diabolique (2004)

Nous ne suivons pas cette apologie dans la mesure où la Bible hébraïque, riche de sa propre poétique – celle des Psaumes et des Cantiques – fut retranscrite par des scribes dans un dialecte araméen sous la direction d'Esdras.

Et quelque soit la vénérable antiquité de cette poétique incomparable, cette rédaction canonique précède et accompagne les conquêtes perses du sixième siècle avant l'ère chrétienne dans le cadre de sa propre géopolitique.

C'est encore le propre d'une mystique positive – celle du Nouveau Calendrier Positiviste d'Auguste Comte – de vouloir faire précéder la Poésie ancienne – celle d'Homère – par une Théocratie initiale – celle de Moïse ou celle des Sadducéens hiérosolymites.

Mais dans notre réalité la plus intime, la poétique précède toujours le projet politique qu'elle que soit le climat littéraire dans lequel elle s'exprime et sous lequel elle s'acclimate.

   

    

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