vendredi 8 juillet 2022

Le mythe osirien

Pour le trente-huitième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :

« [ ... ] Récemment, Yvan Koenig a proposé [ en 1998 ] de reconnaître, dans le choix du nom de Moïse par la version grecque du Pentateuque – la [ Torah des ] Septante – « Mwuês » – la référence à un mythe osirien.

« Cette forme dériverait de deux mots égyptiens : « mw » qui désigne l'eau et « hésy » qui renvoie à un état glorifié découlant d'une immersion.

« Flavius Josèphe – dans le récit qu'il fait de Moïse dans les « Antiquité juives » – reconnaît cette étymologie en affirmant que la princesse égyptienne qui recueille l'enfant au bord du Nil lui donna ce nom de « Mo-u-ses » parce qu'il était tombé dans l'eau, ...

« ... car les Égyptiens appelle l'eau «  », et ceux qui furent sauvé des eaux « ysès » ; c'est pourquoi elle lui imposa ce nom l'ayant formé à partir de ces deux mots : Moïse, le « Sauvé des eaux ».

« On relèvera que la princesse qui recueille Moïse s'appelle dans cette version Thermouthis, ce qui est la transcription grecque traditionnelle d'un nom égyptien d'Isis. »

[ « Le rapprochement de Merris et Isis renvoie bien sûr à une donnée traditionnelle sur la mère adoptive de Moïse : elle porte le nom de Thermouthis dans le récit des « Antiquité juives » de Josèphe (II 224) – parfois aussi celui de Pharia.

« Il s'agit de noms ou d'épiclèses [ d'invocations ] bien connus de la grande déesse égyptienne. » ]

« Le rapport est à établir – selon Koenig – avec le mythe d'Osiris dont le corps enfermé dans un coffre dériva au fil de l'eau, [ ... ]

« [ ... ] tandis que Moïse dans le récit biblique – est déposé dans les joncs au bord du Nil à l'intérieur d'un coffre de papyrus que rend étanche un enduit de bitume et de poix. »

[ «  Yvan Koenig renvoie à Pascal Vernus qui montre que dans les textes égyptiens Osiris ne s'est pas noyé mais que – une fois tué sur la berge – son corps a dérivé au fil de l'eau.

« [ ... ] la Septante [ écrit Koenig ] se caractérise par des choix de termes particuliers qui, réunis, révèlent que le ou les traducteurs s'expriment au travers de l'univers culturel égyptisant des Juifs d'Alexandrie. » ]

« Manéthon [ lui-même prêtre égyptien d'Héliopolis ] affirme que le nom égyptien de Moïse est une transposition du nom de l'Osiris d'Héliopolis.

[ Manéthon de Sébennytos qui écrit une histoire de l’Égypte – en grec – sous le règne de Ptolémée II Philadelphe entre 284 et 246 avant l'ère chrétienne. ]

« C'est effectivement possible. [ Moïse est présenté par Manéthon comme un prêtre égyptien d'Héliopolis nommé Osarseph et c'est sous le règne d'Aménophis que Manéthon situe son histoire et celle des origines du peuple juif. ]

[ Aménophis III – le neuvième pharaon de la XVIIIe dynastie [ 1550 – 1292 ] du Nouvel Empire – ou son successeur que Freud (+ 1939) identifie à la révolution amarnienne d'Akhenaton et à la religion monothéiste qui fonde la Théocratie initiale du positivisme. ]

[ « Il existe en effet un dieu d'Héliopolis nommé Osiris – Sépa [ mais ] les égyptologues ne se rallient pourtant pas tous à cette étymologie qui semble correspondre à celle de Ménathon.

« Antonio Lopriano, dans son analyse du récit de Ménathon, situe [ en 2001 ] Osarseph dans une catégorie de noms dont il est difficile d'établir l'étymologie [ ... ]

« ... il s'agit de noms dans lesquels se cristallisent des figures mythiques plutôt que des précédents prosopographiques. » ]

« Mais il convient de se situer plus précisément dans la perspective de l'histoire que Manéthon est en train d'écrire, à savoir un récit interprétant à l'égyptienne [ mais ] à l'usage des Grecs la donnée hébraïque concernant Moïse.

« Considérée sous cet angle l'interprétation du nom Osarseph désignant un prêtre égyptien en Osiris d'Héliopolis semble suggérer qu'un humain a été autrefois divinisé dans la région d'Héliopolis pour devenir une forme d'Osiris, ...

« ... et qu'il a reçu un culte égyptien sous le nom d'Osarseph ; les Juifs auraient attribué à leur propre fondateur des traits empruntés à cette figure égyptienne de prêtre devenu dieu. »

[ « On aurait affaire à un phénomène analogue à la divinisation d'Imhotep – le célèbre conseiller du Djeser – qui finit par être interprété en Asclépios par les Grecs – Esculape pour les Romains. » ]

« On rencontre ici – sous la plume de Manéthon – une version primitive de la fameuse théorie des emprunts ou du plagiat. [ ... ]

« Mais il ne s'agit pas de la forme familière qui fait des Grecs les singes de Moïse. Manéthon met en place une variante égyptienne – écrite en grec – qui fait des Juifs les imitateurs des Égyptiens. »

Cf. Philippe Borgeaud – Aux origines de l'histoire des religions – Moïse. Histoires de Grèce et de Rome – Manéthon (2004)

Tout ce que nous savons de ce mythe osirien, c'est qu'il date de la période hellénistique où il emprunte aussi celui d’Ulysse et de Nausicaa à l’Odyssée d'Homère. Borgeaud fait le même constat à propos de la fondation de Rome par Romulus :

« On pourrait être tenté [ ... ] de comparer le récit biblique de l'histoire de Moïse – depuis son abandon dans une corbeille au bord d'un fleuve jusqu'à la disparition de son corps – au récit romain traditionnel sur Romulus. »

Cf. Philippe Borgeaud – Op. Cit. – Genèse du comparatismeL'attrait du sabbat, ou quel sens donner aux rites ? (2004)

« Osiris ► Ulysse ► Romulus ► Moïse »
   

    

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