mercredi 13 juillet 2022

Le Temple d'Adonaï

Pour le quarante-deuxième cycle du Janus
quand la nuit absorbe le jour :

« Dans une étude qui fit date, Jean Yoyotte a montré tout ce que le récit de Moïse chez Manéthon doit à une mémoire égyptienne construite autour du thème de l'envahisseur, destructeur ou voleur d'idoles et de sanctuaires.

« Il rappelle que la littérature égyptienne de basse époque pharaonique connaît de nombreux récits obéissant à cette rhétorique traditionnelle, cette dogmatique de l'ennemi étranger, qui vise notamment les rois perses.

[ « Peu avant Manéthon, la Stèle du Satrape – sous le premier Ptolémée encore satrape, en 311 [ avant l'ère chrétienne ] – explique au clergé égyptien la politique mené par le pouvoir :

« Ptolémée y rappelle comment il a rapatrié en Égypte les images divines [ les statues ] trouvées en Syrie, ainsi que tous les objets, tous les écrits sacrés [ ... ] des temples de Haute et Basse Égypte dérobés par les Perses. » ]

« Or les Perses, on le sait, ont été considérés, entre le Ve et le IVe siècles avant notre ère, par la population locale de la région d’Éléphantine, comme protecteurs des Judéens installés là en garnisons de mercenaires.

« Et le conflit qui éclate entre Égyptien et Judéen, entraînant la destruction puis la reconstruction du temple de Yahô [ « YHW » ] sur l'île d’Éléphantine, en face de Syène [ près d'Assouan ]

« [ ... ] apparaît comme le premier témoignage d'une hostilité destinée à devenir relativement répandue, non seulement à Alexandrie, mais aussi dans les campagnes égyptiennes.

« Il est vrai qu'on ne peut être certain de la cause du conflit : querelle de voisinage à propos de limites de terrains ou peu-être un sentiment d'horreur de la part des Égyptiens qui aurait été scandalisés par la coutume [ israélite ] du sacrifice d'un ovin, [ ... ]

« [ que Borgeaud qualifie de judéenne ] précisément sur l'île consacrée au dieu de la première cataracte, Khnoum, représenté comme un bélier, dont le sanctuaire jouxte celui de Yahô. »

« Il convient [ toutefois ] de relever qu'aucun témoignage ne vient à l'appui de cette seconde hypothèse, qui demeure très fragile bien qu'elle soit souvent invoquée par les savants modernes. » [ ... ]

« Rappelons que le temple judéen d’Éléphantine fut détruit par les Égyptiens de la région en 410 – durant l'occupation perse – sous le règne de Darius II.

« On s'accorde à en faire remonter l'établissement avant la conquête perse réalisée par Cambyse II en 525 et donc avant la reconstruction [ en Judée ] du second Temple de Jérusalem, inaugurée en 515 [ avant l'ère chrétienne. ]

« On a de bonnes raisons de mettre en relation l'arrivée des mercenaires judéens en Égypte avec celle des Grecs et des Cariens à la solde de Psammétique II [ qui règne sous la XXVIe dynastie après la période intermédiaire du Nouvel Empire entre 595 et 589. ]

[ « Cf. les deux inscriptions grecques du colosse d'Abou-Simbel datant de 593 avant notre ère, [ à propos des Grecs et des Cariens ] ...

« [ des ] mercenaires à la solde du pharaon Psammétique qui gravent en grec deux inscriptions sur la jambe d'un des colosses d'Abou-Simbel en 593 avant notre ère. » ]

«  Le lien entre les expéditions de Psammétique et la colonie juive d’Éléphantine est explicitement fait dans la lettre d'Aristée [ au ] § 13 ». ]

[ Mais la lettre pseudépigraphe d'Aristée à Philocrate date de la fin du deuxième siècle avant l'ère chrétienne.

Psammétique occupe ici la même fonction qu'Akhenaton dans la démonstration de l'antiquité d'un mosaïsme judéen qui ne date sans doute que de la période hellénistique. ]

« Le rituel sacrificiel [ ... ] d’Éléphantine – non interrompu entre le début de l'Exil à Babylone en 587 et la reconstruction [ en Judée ] du Temple de Jérusalem – apparaît ainsi comme un témoignage direct sur l'état de la religion [ israélite ] pré-exilique.

[ Que Borgeaud qualifie encore de judéenne en la situant toujours au Nord de l'Idumée ; c'est-à-dire en ignorant son origine yéménite. ]

« Après l'inauguration du second Temple – en 515 – « son existence ne peut plus se justifier du point de vue de l'establishment post-exilique » comme le fait remarquer [ ... ] Modrzejewski [ pour l’établissement des Sadducéens en Judée. ]

Mais ce que Borgeaud qualifie ici de second est déjà le quatrième :

Les cinq temples d'Adonaï

Âl Sharîm
en Asir

Garizim
en Samarie

Éléphantine
près d'Assouan

Jérusalem
en Judée

Léontopolis
Tell
el-Yahûdiyeh

Période yéménite

Période assyrienne

Période achéménide

Période
hellénistique

   
« La pratique religieuse d’Éléphantine est en effet très différente de celle de Jérusalem, telle qu'elle fut annoncée par la réforme de Josias [ vers la fin du siècle précédent ] et finalement ré-élaborée par ceux qui [ re ] viennent de Babylone. » [ ... ]

[ « Telle est du moins l'image traditionnelle que donnent le livre des Chroniques et celui des Rois ainsi qu'Esdras et Néhémie suivis par la majorité des biblistes. [ ... ] Cette image correspond à l'idéologie sacerdotale [ des Sadducéens ] à Jérusalem.

« Elle ne correspond pas tout à fait à la réalité du terrain, où certaines pratiques polythéistes perdurent. [ ... ]

« Les pratiques religieuses de la Palestine d'époque perse ne sont peut-être pas si différentes de celles d’Éléphantine, ni systématiquement plus réformées qu'elles. » ]

Cf. Philippe Borgeaud – Aux origines de l'histoire des religionsMoïse. Histoire de Grèce et de RomeLa construction d'une mémoire (2004)

Le Temple d'Adonaï à Éléphantine comme celui de Jérusalem en Judée est lié à un contexte géopolitique qui est celui de la période perse au Moyen-Orient du VIe siècle avant l'ère chrétienne.

La difficulté étant d'y superposer l'antique rite israélite et une nouvelle spiritualité judéenne qui se chevauchent sur une époque charnière jusqu'à la fin du siècle suivant avant l'introduction d'une figure mosaïque dans un judaïsme hellénisé.

Raison pour laquelle Moïse apparaît avec Jupiter comme la figure prophétique de Dieu le Père – le Père des pères et le Roi des rois – et Jésus comme son Fils.

La montée des prophètes dans la crainte de Dieu du cycle adamantin emprunte par conséquent à rebours – du plus récent au plus ancien – l'ordre de la descente califale dans l'amour du prochain – du plus ancien au plus récent.

C'est-à-dire de Moïse à Abraham en passant par Joseph et d'Adam à Jésus en passant par David autour de la figure sommitale du Trismégite.

Ce qui ne se conçoit qu'à partir du caractère cyclique de ces déplacements présidés par Idrîs qui assume ici la figure d'Hénoch.

   

    

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